Les champs sont devenus des sites d’exploitation artisanale d’or à Bilgotenga dans la commune de Absouya, province de l’Oubritenga. Les agriculteurs ont déposé dabas et autres charrues pour les pioches et pèles. Le phénomène prend de l’ampleur et inquiète. Mais l’éclat de métal jaune empêche de voir les lendemains d’incertitudes.
L’astre du jour est au zénith, la chaleur suffocante. Pourtant ce n’est pas l’heure de la pause à Bilgotenga, commune de Absouya à environ 65 km de Ouagadougou au Nord-Est. Les machines vrombissent, il faut parler fort pour se faire entendre. Des gros sacs remplis de cailloux sont entreposés çà et là, pendant que d’autres sortent des galeries. Bonnet en laine sur la tête, vêtu d’un polo délavé, Pierre Compaoré tout couvert de poussière semble pressé.
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Natif du village, il travaille comme orpailleur sur le site. Il a dû déposer la daba pour descendre dans les galeries. Son champ à lui est pour le moment épargné, mais pas celui de ses voisins « (…) Nos champs étaient ici, tout autour. Et c’est également là que l’or est apparu. Ce n’est pas exactement dans mon champ, mais dans celui de mes voisins », explique-t-il.
D’un ton presqu’indifférent mais certain, il ajoute qu’il n’y a plus de terres cultivables autour du site qui s’étend sur plusieurs hectares. « L’orpaillage a tout englouti, après l’exploitation, les terres ne seront plus cultivables et ce n’est pas facile », ajoute Pierre.
Quand l’or passera…
La barbe fournie, vêtu d’un simple débardeur blanc rougi par la poussière, Sayouba Ouédraogo est également orpailleur. A la recherche du métal précieux, il a parcouru le Sénégal, la Guinée, la Mali et d’autres localités du Burkina avant de revenir dans son village. Ancien agriculteur, lui également ne jure désormais que par l’or, même si cela doit passer par la disparition des champs où il a longtemps labouré quand il était encore plus jeune.
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« Si l’or finit et qu’il y a d’autre travail, on le fera aussi », nous lance-t-il laconiquement comme dire que pour le moment, le sujet n’est pas à l’ordre du jour. Comme pour minimiser le phénomène de l’envahissement des terres cultivables par l’orpaillage, il lâche : « généralement, l’or apparait dans les montagnes, et quelle agriculture peut être faite sur une montagne ? Il n’y a que des fétiches, des cailloux sur les montagnes ». Soit.
Salif Congo qui fait office de superviseur du site, est formel. L’orpaillage menace l’agriculture familiale. Dans quelques années, il pourrait ne plus y avoir de terres cultivables pour ces populations pourtant essentiellement paysannes. « C’est dans nos champs que l’or est apparu, du coup, on ne peut plus cultiver. Nous sommes tous contraints à être des orpailleurs maintenant et à acheter des vivres (…) », reconnaît-il.
Une insouciance collective
Sous le hangar où elles nous reçoivent, des personnes âgées ne semblent pas s’émouvoir de la situation. Mieux, elles estiment que chacun trouve son compte dans l’activité de l’orpaillage. « Malgré la situation, nous avons quand même toujours de quoi vivre, acheter des vivres et tout. Pour le cultivateur qui n’a plus de champs, c’est un problème, c’est sûr, mais comme les retombées de l’or sont bénéfiques à tout le monde, on fait avec », précise Salif Congo dans un acquiescement apparent de ses camarades.
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Mieux, ces personnes âgées comme pour légitimer leur reconversion indiquent que les champs n’étaient plus fertiles et que leur rentabilité avait diminué. « En deux saisons, le cultivateur pouvait se retrouver avec ce qu’il gagne en un mois dans l’orpaillage », résume dans la foulée, un interlocuteur.
Plus jeune, Pierre Compaoré lui se pose bien de questions. Qu’en sera-t-il après l’exploitation de l’or qui n’est pas éternel ? Quand il n’y aura plus de terre cultivable parce que l’activité aurifère a tout détruit ? Une question à laquelle il n’a pas de réponse. Pour le moment, lui également creuse et espère repartir avec le magot. Mais il a son opinion. « Avec l’agriculture, tout le monde arrivait à avoir de quoi se nourrir, mais dans l’orpaillage c’est plus compliqué. Tu peux creuser un trou et ne rien avoir. Sur 10 galeries, peut-être que seulement trois seront rentables», conclut-il.
Tiga Cheick Sawadogo