A Perkoa, les cœurs battent à l’unisson au rythme de l’espoir. Pendant que le temps s’est comme arrêté depuis ce 16 avril quand huit mineurs se sont retrouvés bloqués dans les entrailles de la terre. 27 très longs jours se sont jusque là écoulés, mais toujours aucune nouvelle des disparus. Le chef du village multiplie les sacrifices. La mine pompe toujours l’eau pour espérer tomber sur la deuxième chambre, objet de tous les espoirs. A Réo, les familles des mineurs font le pied de grue au Haut-commissariat et retiennent leur souffle.
Un silence pesant. Le calme qui règne dans le village de Perkoa, situé à environ 35 km de Réo, est un signe pour le visiteur : le village ne va pas bien. Le seul endroit animé en cette journée du 10 mai, c’est le collège d’enseignement général et l’école primaire où les élèves à la pause de midi sont assis sous des neems.
Chez le chef du village, le calme est aussi maître. Assis sur une longue chaise, le patriarche devise avec ses sujets. Depuis quelques jours, Balirmi Bado multiplie les sacrifices. Objectif : que les mânes des ancêtres permettent de retrouver les mineurs coincés sous le sol du village.
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« On a tué deux bœufs et deux moutons pour implorer la miséricorde des ancêtres afin que les enfants coincés dans le trou soient retrouvés sains et saufs. Aujourd’hui même, j’ai encore fait faire des sacrifices. Aujourd’hui tout le monde parle de Perkoa à cause de ce qui arrive et en tant que chef, cela ne me plaît pas du tout », dit-il d’une petite voix.
En tant que dépositaire des coutumes de la bourgade, c’est ce qu’il peut faire. Même si, dans un ton qui résonne comme une complainte, il rappelle que les responsables de la mine ont souvent minimisé certaines recommandations faites avant la survenue du drame. « J’ai récemment consulté les fétiches, et il est ressorti qu’il fallait un boeuf blanc et un coq blanc pour faire des sacrifices, nourrir la terre. Après cela, chacun sera tranquille pour mener ses activités. J’ai fait appeler le chef de la mine pour l’informer, mais il ne l’a pas fait. C’est deux jours après que les ouvriers soient coincés dans la mine que le chef s’est rappelé et a envoyé le bœuf et le coq blanc pour faire le sacrifice », poursuit-il.
Il y a travaillé
Le chef se refuse à lier la survenue du drame à la non exécution du sacrifice. Il se contente d’implorer les mannes des ancêtres pour un dénouement heureux de la crise.
Ancien travailleur de la mine, Hubert Bado, 35 ans est sous le choc. Mécanicien de 2013 à 2018, il connaît bien les entrailles qui retiennent les huit miniers. « Avec tout ce temps qui s’est écoulé, nous nous décourageons davantage. Même quand tu perds un poulet, tu n’es pas content, n’en parlons pas des hommes que tu connais », explique le jeune homme. Thierry Bayala et Charles Bama, ce sont deux mineurs coincés qu’il connaît bien et qu’il a cotoyés quand il travaillait dans la mine Perkoa.
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Difficile d’accéder au site minier. Accueillis à la réception de l’enceinte, et après avoir décliné l’objet de notre présence, la réceptionniste nous fera savoir que celui qui pourrait nous donner plus de renseignements est « très occupé présentement ». Après avoir laissé nos contacts, nous mettons le cap sur Réo.
Un quartier général pour maintenir la pression
Sous un hangar, les hommes sont assis par petits groupes sur des chaises. Les femmes, certaines avec leurs enfants ont étalé des pagnes à même le sol. A voix basse, la vingtaine de personnes discutent. Ce sont les familles des mineurs coincés dans la mine. Depuis le début de ce qu’on pourrait appeler « affaire de Perkoa », ils ont installé leur quartier général au Haut commissariat de Réo. De jour comme de nuit, ils sont là, et promettent ne repartir que quand ils auront les nouvelles de leurs proches bloqués.
Antoine Bama est leur porte parole. Très sollicité au téléphone et sur place, il nous confie avoir été encore à la mine ce matin (Ndlr.10 mai). « Actuellement, c’est le pompage des eaux. Il y a des moments où les machines sont en panne, ce qui ralenti le travail, mais nous voyons que le travail avance », introduit celui qui a son petit frère bloqué sous terre.
La chambre de tous les espoirs
Tous les espoirs se concentrent sur une deuxième chambre où pourraient se trouver les huit travailleurs. « Elle est comme un conteneur et en cas de difficultés, les mineurs s’y refugient. On nous a dit qu’il y a toutes les commodités, on y envoie de l’air, il y a de l’eau, des petites nourritures comme des fruits, des jus, des biscuits et du chocolat. Nos espoirs reposent sur cette 2e chambre », ajoute le porte-parole.
Il note que depuis le début des opérations de sauvetage plusieurs dates avaient été données par la mine pour atteindre cette fameuse deuxième chambre. « Depuis avril, ils avaient donné autour du 5 mai pour atteindre cette 2e chambre. Le délai est passé. Les parents ont continué à mettre la pression. On a quand même de l’espoir », rappelle Antoine Bama.
Les familles ont d’ores et déjà déposé une plainte contre X pour tentative d’homicide involontaire, non assistance à personne en danger, mise en danger de la vie d’autrui.
Aujourd’hui 12 mai 2022, cela fait 27 jours que les huit mineurs sont retenus dans les entrailles de la mine. Le porte-parole du gouvernement dans son dernier point a annoncé qu’il ne resterait plus qu’une dizaine de mètre de profondeur d’eau à pomper pour atteindre la chambre.
A Perkoa comme à Réo, les familles s’accrochent à ce petit fil d’espoir, même si certains avouent que chaque heure fait grandir leur inquiétude de ne plus retrouver les leurs.
Tiga Cheick Sawadogo