Aimer profondément sa culture, la chérir passionnément tout en exerçant sa foi catholique. L’Abbé Modérat Kinda ne fait pas que évangéliser. Il est aussi un fervent défenseur et conservateur de la culture nuna, dans la province du Sanguié. Dans son musée ethnographique qui compte plus de 640 objets il conserve l’histoire pour qu’elle serve le présent.
Da-Do (Ma patrie, en langue lyélé, c’est le nom du musée ethnographique situé au secteur n°2 de Réo au Centre-ouest de Ouagadougou, à moins de 20 km de Koudougou. Ce qu’on pourrait appelé ‘’réservoir d’histoire’’ ne se démarque en rien des autres maisons d’habitation. Quand notre guide pousse la porte, c’est l’Abbé Modérat Kinda qui se lève de sa chaise pour venir à notre rencontre.
Curé en service à Dassa à une trentaine de km de là, il s’est spécialement déplacé pour nous présenter le musée. Dans une grande maison de plusieurs pièces, est disposé un échantillon de la riche collection de Monsieur l’Abbé. Sa collection varie entre les instruments de musique, des masques, des ustensiles de cuisine, des symboles de l’organisation sociale en pays nouna.
Un travail de plus de 20 ans
Ordonné prêtre en 1989, Abbé Modérat Kinda est secrétaire général de la commission des évêques chargés des relations avec l’église catholique et les religions traditionnelles africaines. Passionné par sa culture, il commence dans les années 2000 à collecter les objets d’arts de la roche culture Nouna. Après 4 ans à sillonner les hameaux de culture du terroir Nouna, et même en Europe, il arrive à organiser la première exposition.
Ce ne fut pas simple, loin de là. N’eut été la passion, il aurait abandonné le projet qui lui tenait pourtant à cœur. « Il faut se déplacer, aller vers les détenteurs , présenter son projet, avoir leur confiance. Certains cèdent gratuitement, d’autres réclament de l’argent. C’est très difficile , mais ça vaut tellement la peine », reconnaît-il, sans pour autant se plaindre.
La foi, non opposée à la culture
Un prêtre au milieu des objets cultuels, artistiques ou sacrés. Cela pourrait paraître bizarre. Mais pour le promoteur du musée Da-Do, ce n’est pas parce qu’il est prêtre qu’il doit renier sa culture. « Le prêtre est aussi issu d’une communauté, il fait partie des héritiers de cette culture et ne peut donc pas la renier. Toute personne héritière d’une culture doit chercher à l’approfondir, c’est la base », explique-t-il avec conviction.
Mieux, il soutient qu’en tant que prêtre et conservateur de musée, cela lui permet le discernement sur ce qui ne n’est pas contre la foi et qu’on peut même intégrer pour que ceux qui se convertissent ne fassent pas un retour en arrière. « Je peux donc savoir ce qui va avec la foi et ce qui jure avec la foi. Je peux donc éclairer les autres sur leur cheminement », ajoute l’homme de Dieu.
Au-delà de tout cela, le musée est un support de l’histoire qui montre le génie des ancêtres. Par leur création, ils ont répondu aux défis de leurs temps. « Nos ancêtres n’étaient pas idiots, ils ont crée des choses. Si on avait poursuivi dans ce sens, peut-être que notre développement ne serait pas celui qu’on a aujourd’hui, mais plutôt un développement qui nous ressemble », clame celui qui a plusieurs fois été primé à différentes éditions des Trésors du Faso, une cérémonie de récompense des acteurs culturels au Burkina Faso.
Le sacré et le profane
C’est toujours avec le même plaisir que Abbé Kinda fait visiter et découvrir les objets de sa collection. Au détail près, il enseigne le visiteur sur l’histoire derrière chaque œuvre. Certaines sont juste des objets d’art qui contemple la beauté. D’autres sont des objets utilitaires. Des instruments de musique. Il y a aussi au musée du Da-Do des objets sacrés, cultuels. On peut même voir des traces de sang, des plumes de volaille sur certains masques.
Pour le conservateur, les objets sacrés ont suivi un rite de désacralisation avant d’être cédés et conservés au musée. D’autres statuts et bronze content un pan de l’histoire du peuple Nouna. Comme cet archer, un genou au sol prêt à lâcher sa flèche. « Cet objet a été fait lors du centenaire de la résistance des nouna à la pénétration coloniale. La résistance a commencé avec les bwaba, il y a quelqu’un d’ici qui était en retenu en esclavage chez eux. Il a fui pour venir soulever une armée et combattre les européens. Il a eu le mérite d’avoir défendu l’intégrité et la liberté. Malheureusement une flèche ne peut se comparer aux canons et fusils. Il a perdu le combat, mais reste un héros », explique Abbé Abbé Modérat Kinda.
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Le musée Da-Do manque de cadre approprié pour l’exposition des objets de sa collection. Il ne dispose pas non plus d’un professionnel de musée pour son entretien. C’est le plaidoyer du conservateur: Que les autorités et les bonnes volontés s’investissent pour que que l’histoire « Da-Do », la patrie, ne disparaisse pas.
Tiga Cheick Sawadogo