À Korhogo, en Côte d’Ivoire, Seydou Pierre Ouédraogo, surnommé Nana, est le chef respecté de la communauté burkinabè. Depuis 2002, il dirige avec brio cette communauté composée de différentes ethnies. Seydou Pierre Ouédraogo a instauré la culture de la cohésion sociale, et les bonnes relations avec les Ivoiriens.
Vide il y a quelques minutes, le domicile de Seydou Pierre Ouédraogo, situé à Koko Nord, une demi-douzaine de personnes l’occupent en peu de temps. Le chef de la communauté burkinabè de Korhogo, en Côte d’Ivoire, a convoqué une réunion d’urgence. Ils ont accouru, en moins de 20 minutes, comme à chaque fois que Naba, le surnom de Seydou, les appelle.
« C’est un signe de respect et de confiance. Quand il lance un appel, on se mobilise sans hésiter, sauf si on n’a pas reçu le message », confie Drissa Tarnagda, l’un des responsables de la communauté Bissa. L’équipe nationale du Burkina Faso affronte le lendemain celle du Mali. Les représentants des différentes ethnies : Bissa, Samo, Dafing, ainsi que la présidente des femmes, sont tous présents.
Le chef en profite pour lancer un appel au fair-play à la communauté qu’il dirige. Tout doit bien se passer quel que soit le vainqueur de cette opposition. Avec le représentant de la communauté malienne à Korhogo, ils en ont discuté. « Le Mali et le Burkina Faso sont deux pays frères », rappelle-t-il. Pour donner l’exemple, il a décidé d’aller lui-même avec le président de la communauté malienne au stade dans le même véhicule.
Un rassembleur
Pierre dirige cette communauté depuis 2002, une époque qui a coïncidé avec une crise postélectorale. Celle-ci a causé beaucoup de morts en Côte d’Ivoire. Cette crise avait fragilisé la cohabitation entre communautaire autochtone et étrangère.
À plus de soixante-dix ans d’âge, ce commerçant a su créer une cohésion sociale et une solide solidarité entre les Burkinabè de Korhogo. D’abord, il a encouragé la création des associations au sein de chaque ethnie. Ce qui permet de renforcer les liens fraternels et régler les problèmes internes. Mais il n’est pas du genre à se décharger de son rôle de chef.
Au contraire, il assume pleinement les responsabilités qui lui incombent et prend des initiatives pour le bien de la communauté. « Je n’attends pas qu’on me sollicite pour résoudre certains problèmes. Il m’arrive de prendre des décisions sans consulter les membres de la communauté », affirme-t-il.
Naba, comme on le surnomme à l’image des chefs traditionnels, est aussi un point de repère pour les ressortissants burkinabè en transit. Il leur offre toujours l’hospitalité et parfois même le transport. « Avec la crise sécuritaire qu’il y a au pays en ce moment, il y a des gens qui sont venus en disant qu’ils étaient des déplacés. Je les ai hébergés et aidés à repartir. Certains utilisent cela comme prétexte mais je les aide quand même », raconte-t-il sans regret.
La primauté à la cohésion sociale
Pour lui, c’est plus qu’une responsabilité, c’est un devoir envers ses compatriotes et son pays. « Imaginez quelqu’un qui arrive avec sa femme et ses enfants tout en détresse. Vous ne pouvez pas attendre de réunir la communauté », insiste-t-il.
Naba et les Burkinabè de Korhogo ne s’arrêtent pas là. Grâce à son impulsion, la communauté burkinabè a acquis quatre terrains pour construire des logements destinés à accueillir les Burkinabè de passage ou en difficulté. « Nous sommes en train de nous organiser pour les constructions », annonce-t-il, non sans un brin de fierté.
À Korhogo, la communauté burkinabè admire le travail accomplit par Naba. « Tous les Burkinabè sont solidaires. Naba fait son travail correctement. Personne ne peut faire ce qu’il fait », assure Adama Konaté, le chef des Dafing. « C’est un homme qui fait des dépenses pour la communauté sans rien attendre en retour. Il est notre modèle », renchérit Adama Toé, le chef des Samo.
Ne pas oublier la mère patrie
Pour être un modèle, Naba a aussi su tisser de bonnes relations avec les Ivoiriens. À ce niveau, tous le confirment. Sous son influence, les Burkinabè ont gagné le respect des habitants de Korhogo. « Nous avons de bonnes relations. À chaque fois que le Burkina joue, les Ivoiriens nous disent qu’après les Éléphants, ils soutiennent les Étalons », rapporte Naba.
Achille, journaliste au quotidien le Rassemblement à Korhogo. Il nous apprend qu’il est un membre influent dans cette ville. « Il est le président de la chorale moréphone de la paroisse de Korhogo. Il est aussi un membre influent des communautés des ressortissants de la CEDEAO dans cette ville », précise le journaliste.
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Naba n’est pas seulement le chef de la communauté burkinabè de Korhogo, il est aussi un patriote. Avec la crise sécuritaire qui touche le Burkina Faso, il n’a pas hésité à mobiliser ses compatriotes pour apporter une contribution pour un soutien aux personnes déplacés.
« Nous avons récolté plus de 3 millions 200 mille francs CFA. J’ai demandé aux membres de la communauté de garder 200 mille francs CFA en caisse pour prendre soin de ceux qui pourraient fuir. Mais quand la frontière a été rouverte, nous avons accueilli plusieurs ressortissants qui ont fui les combats. C’est comme ça qu’on a pu les aider », raconte-t-il avec fierté.
Grâce à cette solidarité interne impulsée par Naba, les Burkinabè ont réussi à cultiver la cohésion sociale entre eux mais aussi avec les Ivoiriens. Ils ont noué des liens d’amitié et de respect mutuel avec les habitants de Korhogo.
Boukari Ouédraogo
envoyé spécial à Korhogo