Pierre Claver Sompougdougou est un mécanicien burkinabè qui a fait de son garage à Yamoussoukro, la capitale politique de la Côte d’Ivoire, une référence dans le domaine de la réparation automobile. Installé depuis plus de 40 ans dans ce pays, il a su s’imposer comme le meilleur grâce à la qualité de son travail et à son sens du service. Portrait d’un immigré qui a réussi à se faire un nom dans sa ville d’adoption.
A Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d’Ivoire, dès que nous demandons au premier taximan de nous conduire au garage général des Lacs, il s’exclame : « Ha, chez Pierre le mécanicien ? » Il nous confirme avec enthousiasme qu’il le connaît bien, comme tous les taximans de la ville. « C’est le premier et le meilleur mécanicien de Yamoussoukro », affirme Sogodogo, le chauffeur qui nous emmène à l’atelier de Pierre Claver Sompougdougou, un immigré burkinabè installé ici depuis plus de 40 ans.
Pierre le mécanicien, la soixantaine, originaire de Koudougou, nous accueille avec un large sourire et sa tenue de travail couleur chocolat. S’en suit une visite de son garage, où une dizaine de véhicules de toutes marques et de toutes couleurs sont alignés. On entend parfois le bruit d’un klaxon ou d’un moteur. Des mécaniciens, la tenue tachée d’huile et de graisse, s’affairent autour des voitures. Pierre Claver nous montre les différentes sections de son garage : la mécanique, la tôlerie, l’électronique etc. La section électricité est détachée du garage principe. « C’est pour éviter les incendies », assure-t-il.
La mécanique, une passion
Pierre Claver est arrivé en Côte d’Ivoire dans les années 1980 pour se former à la mécanique. « Je suis venu en Côte d’Ivoire en 1980. J’ai passé deux ans avec mes parents ici, pour faire ma formation en mécanique », se présente-t-il. Il a toujours été attiré par ce métier depuis son enfance au Burkina Faso, où il voyait ses amis réparer des motos et des vélos. « Avant de venir en Côte d’Ivoire, j’ai dit que je voulais apprendre à réparer les voitures », raconte-t-il. C’est ce qu’il a fait en arrivant sur la terre natale du premier président de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny.
Après sa formation, il devient apprenti dans un garage de la place entre 1982 et 1988, où il continue à se perfectionner. Puis, avec ses économies, il s’installe à son propre compte en 1988 avec le garage général des Lacs de Yamoussoukro. Les débuts étaient difficiles. Mais il n’a pas baissé les bras. « Au début, je réparais une ou deux voitures par jour. Mais aujourd’hui, j’ai 25 sociétés partenaires. Ce n’est pas rien », reconnaît-il avec fierté.
Près de 160 millions de chiffres d’affaire
Avec 25 sociétés partenaires, les affaires de Pierre Claver sont florissantes. Il fait un chiffre d’affaires d’environ 160 millions de francs CFA par an. Chaque société peut mettre à sa disposition une vingtaine de véhicules à réparer. Il a su convaincre les plus grandes entreprises de Yamoussourkro, voire de la Côte d’Ivoire, de lui faire confiance par la qualité de son travail sur lequel il ne plaisante pas là-dessus.
« Vous me voyez en tenue ? Je commence à 7h et je finis à 20h. Je dois ouvrir et fermer le garage. Je supervise tout. Chaque voiture qui sort, je la contrôle. Les pièces, c’est moi qui les achète », explique-t-il. Et il ajoute : « Si tu travailles dans un secteur où les gens ne te font pas confiance, tu dois fermer ».
Certains constructeurs d’automobiles ont reconnu la qualité et le sérieux de son travail. C’est souvent lui qui les dépanne. Son équipement de pointe et de la dernière technologie lui permette de faire face à toutes les sollicitations. « On n’a plus besoin d’aller à Abidjan pour confectionner des clés ou installer des boites noires », cite-t-il en exemple.
Malgré ses plus de 40 ans d’expérience, il ne pense pas à prendre sa retraite. Pierre Claver veut être le meilleur dans son domaine. Pour cela, il se forme en continu. « Je me mets à jour. Quand il y a des opportunités de formation, je vais apprendre toujours pour ne pas être dépassé par les nouveautés », révèle-t-il.
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La réussite de ce mécanicien à Yamoussoukro s’explique aussi par son intégration au sein de la communauté locale. Il a appris à vivre avec les Ivoiriens dans le respect de leur culture. « Je suis ici en tant qu’étranger, donc je fais tout pour m’adapter aux coutumes du pays et de la localité. Sinon, la Côte d’Ivoire est un pays d’accueil. Les Ivoiriens ne sont pas compliqués », assure-t-il.
Mais ce mécanicien célèbre est tellement intégré qu’il est considéré par beaucoup comme un Ivoirien à part entière. Il emploie près de 40 personnes, dont une trentaine d’apprentis, dans Le garage général des lacs. Parmi eux, il y a Jean Baptiste Sempébré, originaire de Kokologho.
« Je me plais bien dans mon travail. Ici, on travaille en équipe et le patron, en plus d’être un grand mécanicien, est un homme au grand cœur », témoigne Jean Baptiste. Soumaila Traoré, lui, est secrétaire depuis 2009. « Le travail avance bien et les clients sont satisfaits de la qualité de notre travail », confirme Soumaila Traoré.
Pierre Claver a tenté de créer un garage à Ouagadougou, mais il n’a pas réussi. « Le matériel est toujours à Ouaga, au quartier Boulmiougou. Ça peut rouvrir du jour au lendemain. Je réfléchis encore à ça », dit-il.
Immigré burkinabè en Côte d’Ivoire, il a un conseil pour les jeunes. En prenant son exemple, il affirme ne pas envier un ministre. Pour lui, il vaut mieux travailler en Afrique avec 50 mille francs CFA comme salaire que de chercher à gagner 100 mille francs CFA en Europe, au péril de sa vie, en traversant la mer et le désert alors que les charges y sont plus nombreuses.
Boukari Ouédraogo
envoyé spécial à Yamoussoukro