Les femmes sont au premier plan dans la préparation de la campagne agricole humide dans la région du Nord du Burkina Faso. Depuis le mois de mai elles sont dans les champs pour la réalisation du zaï ; cette technique agricole qui permet d’améliorer le rendement agricole.
Une bassine remplie d’ustensiles sur la tête, une pioche en main et une fillette au dos, voilà Salmata Bouda sur la route du champ à pied. Elle a environs sept kilomètres à parcourir en aller-retour entre son village, Samtaga et Bissighin, le village où se trouve le champ familial. Nous sommes à la périphérie nord de Kossouka, commune du Yatenga faisant frontière avec la province du Bam.
« Mon mari viendra après »
Pour cette campagne agricole 2022, cette femme de 39 ans quitte le domicile après avoir achevé les travaux ménagers et pris soins de sa fillette de 18 mois. Cette routine, Salmata l’a depuis la deuxième semaine du mois de mai. « C’est vrai que les pluies ne sont pas bien installées. Mais j’ai commencé plus tôt parce que nous avons deux champs. Le premier est juste à côté de la maison et le deuxième est sur la route du barrage de Bissighin où je me rends ce matin. Voilà pourquoi j’ai commencé aussi tôt. Vous savez bien que les hommes ne sont pas pressés d’aller au champ en cette période », regrette cette mère de dix enfants.
La zone de Kossouka à l’image de la plupart des départements de la région du Nord connaît un grand développement de l’activité de l’orpaillage autour de laquelle les bras-valides masculins se mobilisent reléguant parfois les travaux champêtres au second rang. À l’orée de cette campagne agricole humide, les femmes de Kossouka à l’image de celles des autres contrées de la région du Nord sont au four et au moulin pour préparer les champs en prévision de la saison pluvieuse.
« Du matériel inadapté »
Il est 11h aux abords du barrage de Bissighin. Mais le soleil impose déjà sa chaleur. Nous sommes à environs 80 km au nord-est de Ouahigouya dans la région du Nord. Mariam Ouédraogo, 43 ans lutte avec sa pioche. « Cette pioche-là veut me fatiguer aujourd’hui » maugrée-t ’elle. Elle veut achever sa portion de la mi-journée avant de partir pour la prière de 13 h et profiter de l’occasion se mettre quelque chose sous la dent.
« Ici nous voulons semer du maïs. Et comme généralement il ne pleut pas beaucoup c’est pourquoi nous creusons ces petits trous. Ensuite nous allons venir mettre du fumier. Et nous allons attendre la pluie pour semer. Et après quand il va pleuvoir l’eau même si c’est un peu ça va rester dans le trou et aider le maïs », explique Mariam Ouédraogo. Cette veuve de 43 ans a, sous sa charge, cinq enfants.
Malgré le don de soi des femmes dans les activités agricoles, elles vivent avec une économie précaire. Tout compte fait, elle doit investir dans l’acquisition du matériel de travail car la qualité est un élément important dans la réalisation des zaï. Mais le coût n’est pas toujours accessible à ces dernières.
La précarité
Le prix de la pioche varie entre 2500f et 3000fcfa. « Prenez la pioche. Essayez pour voir comment le sol est dur. J’ai commencé il y a juste un mois. Mais j’ai déjà changé le manche à deux reprises. Le fer je l’amène deux à trois fois par semaine pour le polissage chez le forgeron. Pour polir il faut 200 à 300fcfa ; le prix du manche varie entre 300 et 500fcfa. Et parfois on t’accuse de l’avoir cassée », déplore Mariam Ouédraogo.
Le zaï est constitué de petits trous creusés à la main à l’aide d’une pioche ou une houe en fonction de la rudesse du sol. Dans ledit trou, il faut y mettre du fumier qui va alimenter la plante pour sa croissance. Ces trous permettent de maintenir pendant plus longtemps de l’eau autour des plants.
A proximité du Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Kossouka sous des neemiers, des bovins et ovins y sont attachés. Des porcs se pavanent ça et là. Des odeurs indescriptibles vous accueillent. Et ce mardi matin à 7h, des hommes sont devant la cour à une cinquantaine de mettre de là.
Ils prennent du café en causant. Derrière eux sous les arbres, une dame se présentant comme une personne déplacée internes de Ouindigui, pelle à la main, pieds nus. Elle est à la manœuvre assistée de quatre badauds. Elle rassemble les déchets des animaux. Une forte odeur se dégage. Mais, elle n’en a cure. « C’est vous qui sentez l’odeur, s’exclame-t-elle et d’ajouter, vous parlez comme bien d’autres hommes d’ici. Mais moi je ne sens que de la nourriture pour des pieds de maïs au champ. D’ailleurs c’est à mains nues que nous allons les mettre dans les trous du zaï. Venez à la récolte et je suis sûre que vous n’allez pas parler d’odeur ».
Après avoir réalisé ces zaï, ils ne restent plus qu’à attendre les premières pluies qui ont d’ailleurs commencé à tomber. Une nouvelle fois, les femmes seront au premier plan pour les semis et les labourent du sol.
Patrice Kambou
Correspondant