Les choses sont allées vite. En moins de 72h, le retour de l’ex président Blaise Compaoré qui a d’abord couru comme une rumeur a été confirmée par la Présidence du Faso. Ce vendredi 8 juillet, il sera donc là, en principe aux côtés d’autres anciens présidents, Jean-Baptiste Ouédraogo, Michel Kafando, Yacouba Isaac Zida, Roch Kaboré. Autour du chef de l’Etat Paul-Henri Damiba, ils vont discuter « des questions liées à l’intérêt supérieur de la Nation ». Studio Yafa vous présente les six personnalités qui seront autour de la table.
Blaise Compaoré
C’est le plus attendu. Après avoir passé 27 ans à la tête du pays, il est chassé du pouvoir par la rue suite à l’insurrection populaire de 2014. Refugié en Côte d’ivoire depuis, il avait pris la nationalité ivoirienne, échappant ainsi au mandat d’arrêt international émis par ses tombeurs.
A l’issue du procès de l’assassinat de Thomas Sankara, Blaise Compaoré, reconnu coupable, a écopé de la peine de prison à vie. Comment se fera donc ce retour avec l’épée de la justice sur sa tête ? Dans un communiqué, la Présidence du Faso a précisé que la rencontre du vendredi « n’entrave pas les poursuites judiciaires engagées contre certains ».
Pendant ce temps, le collectif des avocats des ayants droit de Sankara et ses 12 compagnons assassinés en octobre 1987, ont avec « insistance », interpellé « les autorité judiciaires à prendre toutes leurs responsabilités(…) faire arrêter et déférer Monsieur Blaise Compaoré(…) afin que force reste à la loi ». D’autres questions sont récurrentes sur l’état de santé de l’ancien président et sur sa volonté de revenir au Burkina. Des réponses ce vendredi.
Yacouba Isaac Zida
C’est le plus incertain. Dans le capharnaüm qui a suivi la chute de Blaise Compaoré, Yacouba Isaac Zida s’empare du pouvoir le 31 octobre 2014. Membre de l’ancienne garde prétorienne, le Régiment de sécurité présidentielle, il exerce les fonctions de chef de l’Etat du 1er au 18 novembre, avant de le refiler suite à la pression, à un civil: Michel Kafando.
Suite à un jeu de chaise musicale, il est nommé Premier ministre le 21 novembre 2014 par celui à qui il a remis le pouvoir. Après l’organisation des élections, l’homme est acculé et des scandales de mauvaise gestion qui l’éclaboussent. Exilé au Canada, il ne mettra plus jamais les pieds dans son pays.
Son retour a été plusieurs fois annoncé notamment quand il se présente à l’élection présidentielle de 2020 sous la bannière du Mouvement Patriotique pour le Salut (MPS). Mais rien. Il est également poursuivi par la justice militaire pour « désertion en temps de paix ». Cette fois-ci sera-t-elle la bonne?
Michel Kafando
C’est le plus discret des anciens chefs d’Etat du Burkina. Après une transition tumultueuse marquée par un coup d’Etat raté, cet ancien diplomate remet le pouvoir à Roch Kaboré le 31 décembre 2015. Une passation de pouvoir entre civils qui est une première dans l’histoire politique du Burkina.
« M’ba Michel » comme on l’appelle affectueusement s’est depuis retiré de la scène publique, préférant couler ses vieux jours paisibles dans sa ferme de Komsilga dans la banlieue de la capitale. Entre temps, Michel Kafando est nommé en mai 2017, envoyé spéciale de l’ONU au Burundi. Poste duquel il démissionne deux ans plus tard, en octobre 2019.
« Voilà un pays qui a souffert du sectarisme, des injustices, un pays où des gens ont été spoliés, des assassinats ont été perpétrés(…) Donc, il faut absolument exorciser ce pays », avait déclaré Michel Kafando dans une des rares interviews accordée au quotidien Le Pays du 16 septembre 2016.
Jean-Baptiste Ouédraogo
C’est le pompier de service. L’ainé des anciens chefs d’Etat. Président du 8 novembre 1982 au 4 août 1983, le médecin militaire est régulièrement consulté quand le pays tangue. En 2015 déjà, il faisait partie de la délégation partie rencontrer le Général Gilbert Diendéré et ses hommes qui venaient de perpétrer un coup de force contre le pouvoir de la transition.
Le 21 juin dernier, il a été reçu par le locataire de Kosyam, avec Roch Kaboré. Selon certaines indiscrétions, c’est lui qui a été missionné par le Président Damiba pour rencontrer Blaise Compaoré à Abidjan afin de préparer son retour.
Roch Marc Christian Kaboré
Il avait fait de la réconciliation, un pilier important de son deuxième mandat. Premier Président démocratiquement élu de l’histoire du pays, Roch Kaboré est arrivé au pouvoir au mauvais moment. Le Sahel ploie sous les attaques terroristes, mais le Burkina de Roch présenté comme le maillon faible des 5 pays composant le G5 Sahel encore plus.
Les attaques terroristes d’envergure se sont multipliées, pendant que les réponses promises n’ont véritablement pas eu d’effet. Le capital sympathie dont il bénéficiait s’est progressivement effrité, si bien que le 24 janvier 2022 quand il est débarqué, c’est presqu’un non-événement au sein de la population.
Sa première apparition publique est intervenue 6 mois après sa chute, lors de la rencontre avec son tombeur, le 21 juin dernier.
Paul Henri Damiba
Visage inconnu de la plupart des burkinabè, il a fait irruption sur la scène en janvier dernier en déposant celui qui l’avait promu le 3 décembre 2021, commandant de la 3e région militaire couvrant Ouagadougou, Manga, Koudougou et Fada N’gourma. Avec le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration(MPSR), le nouveau Grand sachem de Kosyam promet de couper la tête de l’hydre terroriste.
Mais plusieurs mois après, elle continue d’étendre ses tentacules vers d’autres contrées jusque-là épargnées. La liesse populaire qui a accompagné l’arrivée du Lieutenant-colonel se mue progressivement en questionnement sur ses réelles intentions. Restauration de l’ordre ancien ? Les nouvelles autorités ont dû préciser qu’il n’en était rien et que la restauration concernait plutôt l’intégrité du territoire.
Face à l’impatience de la population qui scrutent toujours les résultats sur le front de la lutte antiterroriste et la recrudescence des attaques de plus en plus meurtrières, le président Damiba s’est adressé au burkinabè le 1er avril, leur donnant rendez-vous dans 5 mois pour un premier bilan de la mission de la reconquête du territoire.
C’est dans l’attente de ce délai, que le nouveau locataire de Kosyam ouvre un autre front : celui de la réconciliation. Il sera l’hôte de la rencontre qui réunit autour de sa table 5 de ses prédécesseurs.
Tiga Cheick Sawadogo