Les hommes dans le rôle de papa tontine sont de plus en plus nombreux. Malgré les préjugés, ces hommes s’adonnent à ce travail sans complexe. C’est le cas, entre autres, de Abdoul Aziz Ouattara et Maurice Payao qui ont décidé de se lancer dans ce métier. Séjour dans le business des « papas tontine »
De plus en plus d’hommes se lancent dans des corps de métiers traditionnellement et de nos jours abusivement gardés aux femmes. Parmi eux, Abdoul Aziz Ouattara, étudiant en deuxième année d’économie. Aîné d’une fratrie de trois enfants, il a décidé d’entreprendre. Pour ce faire, il profitait de l’irrégularité des cours pour tenir un commerce de pagnes et de bazins. Affectueusement appelé « Djina » (génie en dioula) par ses amis, il établit par la suite son entreprise « Djina’s Consortium », à Colma, un quartier populaire de Bobo-Dioulasso.
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Dans les reliefs de son parcours, l’étudiant en deuxième année d’économie a, autrefois, été confronté à une vie difficile. Ce qui l’a fait abandonner ses cours entre temps. Choix difficile, mais il n’avait pas d’autres choix. Comment soutenir ses frères et sœurs ? Question lancinante! « L’idée des tontines m’a été imposée par les coups de la vie et le manque de marché. Du coup on a mis en place ce système de tontine pour faciliter l’écoulement de nos marchandises » dit-il, encore marqué par ce passé, mais l’air satisfait de l’issue. Aujourd’hui « papa tontine », il semble ne pas regretter son choix, malgré les stéréotypes. Aussi, il est aujourd’hui à la tête d’une entreprise spécialisée dans les tontines, nommée « Djina’s Consortium ».
Une communauté d’épargne et de soutien mutuel
Grâce à ce travail, il arrive à prendre soin de ses frères mais aussi, à écouler plus facilement ses produits. « Les tontines me font de la clientèle et de l’argent. J’arrive à prendre mes deux frères et moi en charge, à aider un peu la famille », explique-t-il. Il poursuit en ajoutant que souvent, quand les gens appellent ou écrivent, ils ont tendance à lui attribuer le statut de femme, chose qu’il vit au quotidien. Aussi, dans son entreprise, il travaille avec cinq personnes dont des étudiants.
Armelle Kaboré, est l’une des membres de la tontine de Abdoul Aziz Ouattara. Pour elle, voir un homme se lancer dans ce travail, c’est juste incroyable. C’est par le biais d’une de ses amies qu’elle a connu Abdoul Aziz. Grâce à cette tontine elle a acquis des valises. « Lorsque j’ai voulu faire une tontine de valises, j’ai été surprise de voir qu’elle se faisait par un homme. Mais j’ai quand même continué, et la tontine s’est très bien passée», explique-t-elle toute enthousiaste.
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Tout comme Abdoul Aziz, Maurice Payao est un « papa tontine » depuis 2020. A la base, faire la tontine était une idée de lui et ses amis du marché afin que chacun puisse avoir une moto. Et c’est suite à cela, qu’est venue l’idée de devenir papa tontine. Il est commerçant au grand marché de Ouagadougou. Cela n’a pas été sans difficulté, raconte Maurice. « Le début n’a pas été facile. Il y a eu un moment donné, je devrais me marier. Les gens ont dit que j’ai lancé la tontine pour prendre l’argent pour me marier », déplore-t-il.
Femme et homme, une alliance pour le progrès financier
Le métier de tontine est perçu par la plupart des gens comme un travail de femme. Mais, Mariam Kanadji ne partage pas cet avis. Bien qu’elle soit maman tontine depuis 2021, elle ne trouve pas de mal à ce qu’un homme exerce ce métier. Selon elle, ces hommes tontineurs peuvent apporter un plus au développement de la société. « Tout comme on le dit il n’y a pas de sot métier. Ce que l’homme peut faire la femme peut faire, ce que la femme peut faire l’homme aussi peut faire » argue-t-elle.
L’implication des hommes dans les tontines apporte un vent de diversité et de modernité à ces pratiques ancestrales. À travers le parcours de Abdoul Aziz Ouattara qui a mis en place une entreprise qui fait les tontines et le e-commerce, il est clair que la tontine transcende les genres. En reconnaissant la valeur de la contribution masculine à ces réseaux solidaires, la société s’ouvre à de nouvelles perspectives de collaboration et d’épanouissement collectif.
En rappel, la loi n°023-2009/AN du 14 mai 2009, portant réglementation des systèmes financiers décentralisés au Burkina, à son article 7, stipule que toute activité de microfinance (collecte d’argent, octroi de crédit) doit être au préalable autorisée par le ministère de l’Economie et des Finances sous peine de sanctions.
Carolle Kady Ouattara (Collaboratrice)