Le barrage de Samendeni, troisième plus grand barrage du Burkina, était censé être le moteur de croissance de la partie ouest du Burkina Faso. Situé à 40 kilomètres au nord de Bobo Dioulasso, ce projet de plus d’1 milliards de m3 d’eau a été inauguré en novembre 2019. Après l’empoissonnement, les autres volets, dans les domaines agricole et industriel tardent à voir le jour. La faute à un problème de financement. Les populations, qui ont été dépouillées de leurs terres cultivables, nagent dans la déception.
Une fine pluie sur le barrage de Samendeni. Dans le déversoir, deux jeunes, munis de filets, pêchent du poisson. Cette étendue d’eau sur 150 km2 était une source d’espoir des populations de ce village situé à 40 kilomètres au nord de la ville de Bobo Dioulasso. Après plusieurs minutes à lancer son filet, Badiory Ouattara, la trentaine, rejoint le rivage. Il n’a eu que quelques carpes soigneusement entassées dans un sac à poisson. « Nous souffrons vraiment. L’espoir que nous fondions sur ce barrage a été douché. Nous espérions qu’après la réalisation, nous pourrions avoir des activités. Mes jusqu’à demain, il n’y a aucune nouvelle », regrette Badiory Ouattara.
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Une bonne partie des terres cultivables dans le village et ses environs a été engloutie par ce barrage ainsi que les projets connexes. « Il n’y a pas de terres cultivables même si tu as de l’argent pour en louer ou en acheter, tu n’en auras pas », confirme le pêcheur. Sauf que ces projets tardent à être lancés après l’inauguration de la cuvette en novembre 2019 par le président d’alors, Roch Kaboré. Les populations résidentes, se sentent comme trahies.
Des paysans spoliés de leurs terres
Dans son champ de coton, c’est avec amertume que Ladji Sanou observe indique la route traversant ce qui était autrefois, le champ de coton de son père. Sa famille a perdu beaucoup d’espaces cultivables après l’aménagement du barrage de Samandni. « Vous voyez cette route ? C’était notre champ. Quand ils ont tracé la route, ils ne nous ont rien donné. Lorsque nous avons demandé, ils nous ont dit que le payeur viendra plus tard. Mais jusqu’à aujourd’hui, ils n’ont rien donné à mon père. Et aussi, le barrage en lui-même a occupé notre champ ; ils ne nous ont rien donné aussi », se plaint-il.
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Près de trois ans après son inauguration, Samendeni n’existe donc que par l’étendue d’eau d’1 milliard 50 millions de m3. A vu d’œil, il donne l’impression d’un projet abandonné. Tout comme ces camions et autres engins, parqués à quelques mètres de l’infrastructure hydraulique et recouverts de rouille pour certains. L’ex-maire de Karangasso Sambla Aboudramane Ouattara, une commune proche du site, suit le projet depuis ses débuts, en 2008. Joint au téléphone, Aboudramane Ouattara, par ailleurs président du Cadre de concertation des personnes affectées se souvient des différents volets de ce chantier. « Aujourd’hui, on ne peut que se contenter de l’exploitation halieutique du barrage. En réalité, les volets agriculture devraient permettre l’exploitation de prêt de 1500 hectares et en plus, la culture de contre saison et la culture maraichère. Le volet industriel devrait permettre la transformation agro-industrielle des produits issus de l’exploitation du barrage », raconte-t-il. Pour lui, la mauvaise organisation et le manque de vision politique explique l’abandon du projet avant de suggèrera : « nos autorités doivent mettre en place un système à même de rentabiliser de façon optimum le barrage ».
Plus de 60 milliards de perte
Le chantier a reçu la visite du chef du gouvernement en mai 2022. Albert Ouédraogo, le premier ministre s’attendait à voir un projet déjà en marche. Cependant, il constate un chantier inachevé. La mine renfrognée, il n’est pas passé par quatre chemins pour faire part de sa déception : « Après 14 ans, ce qu’on peut noter comme acquis, c’est la construction du barrage et la construction de la centrale électrique. Il y a d’autres investissements qui devaient être faits et qui n’ont pas encore été réalisés. Je m’attendais à voir un projet déjà fini et qui était vraiment en marche mais là, je suis un peu déçu quand même ».
Selon nos informations, un problème de financement est à l’origine de l’arrêt des travaux. Sur la question, c’est le silence. Le Programme de développement intégré de la vallée de Samendeni, en charge des travaux, n’a pas donné suite à notre demande d’entretien. Toujours est-il que le coût global du projet est évalué à plus 60 milliards de F Cfa selon le ministère en charge de l’eau. Ce projet qui devrait contribuer au développement de toute la région des Hauts Bassins. « Sur une superficie par exemple de 20 000 hectares, il est possible de produire plus de 80 000 tonnes de céréales par an et générer un revenu de plus de 12 milliards par an. Donc vous voyez le manque à gagner pour la région des Hauts Bassins et pour le Burkina de façon générale. Les 12 milliards de revenus, c’est uniquement dans le production de céréale alors que le projet prend en compte d’autres volets tel que l’aquaculture », regrette l’exploitant agricole Natiémo Tankoano.
Samendeni a un potentiel agricole de 21 000 hectares et une capacité énergétique de 3,74 mégawatt jusque-là inexploités. 17 villages sont directement et indirectement touchés, en majorité peuplés par des agriculteurs et éleveurs. Au bord de l’étendue d’eau, Badiory Ouattara ainsi que les autres habitants du village appellent à l’achèvement des autres volets. Ils souhaitent l’aménagement de périmètres rizicoles ainsi que des facilités pour le jardinage.
Martin KABA
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