A Kongoussi, le problème des déplacés internes n’est pas seulement de ne pas vivre chez eux. Ils éprouvent aussi des difficultés pour enterrer leurs morts. Au quartier Lioudougou, cette question a trouvé une réponse. Les déplacés internes qui y vivent sont soulagés, à la limite contents de trouver un endroit pour le repos éternel des membres de leurs familles morts loin de chez eux.
Double peine pour les déplacés internes au quartier Lioudougou de Kongoussi : la douleur du décès d’un être cher et le fait de ne pas savoir quoi faire du corps du défunt. Les deux principaux cimetières affichent déjà complets. En tant qu’étrangers, ils n’ont pas la liberté d’enterrer leurs morts en un lieu qu’ils auraient choisi eux-mêmes. Pour abréger leurs souffrances, ils se sont tournés vers l’imam de leur communauté d’accueil. A son tour, ce dernier expose le problème aux vieux du quartier. Cette démarche lui permet d’obtenir un espace de près de 2 ha pour usage de cimetière.
L’imam de la mosquée de Lioudougou, Mahamadi Rabo revient sur la genèse de l’acquisition de cette parcelle : « Les populations hôtes disposaient déjà de deux cimetières, ils étaient pleins. Les personnes déplacées avaient donc des difficultés pour enterrer leurs morts. C’est compte tenu de cela que j’ai approché les vieux pour demander un espace pour la circonstance. Si ces personnes ne m’avaient pas exposé leur difficulté, je ne l’aurais pas su encore moins entrepris une telle démarche pour les soulager ».
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Situé à environ cinq kilomètres du quartier Lioudougou, aux pieds d’une montagne presqu’à la sortie de la ville, le cimetière sert de lieu de repos final aux défunts des déplacés internes. Sur un sol aride fait de la même roche, en apparence, que la montagne qu’il côtoie, ce cimetière a déjà 25 tombes, depuis environ trois mois qu’il est ouvert. Juste un monticule de terre, entouré par des cailloux sauvages, montre que ce sont les dernières demeures de personnes arrachées à l’affection des leurs. Une seule tombe porte une épitaphe permettant d’identifier le défunt.
Content d’avoir pu enterrer sa mère décédée
Iliassa Sawadogo, la soixantaine, un déplacé interne résidant à Lioudougou, exprime un sentiment paradoxal de contentement pour avoir pu enterrer sa mère décédée. Originaire de Zimtenga, à environ 25 km de Kongoussi, Iliassa a fui avec sa mère malade et l’a perdue peu après leur arrivée. Malgré la douleur de cette perte, il se sent fier d’avoir pu offrir une sépulture digne à sa mère grâce au nouveau cimetière.
« Au décès de ma mère, quand j’ai informé l’imam, il a pris les devants jusqu’à ce qu’elle soit inhumée. Il y a des malheurs qui nous rendent heureux quand on regarde comment ils ont été gérés. C’était le cas au décès de ma mère du fait de l’accompagnement que j’ai reçu » , affirme-t-il, partagé entre le souvenir du décès de sa mère et le sentiment d’appartenance à sa localité d’accueil.
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Lassané Sawadogo est également déplacé, mais il avait déjà un domicile à Kongoussi. Du coup, il est devenu hôte de certains déplacés. A ce titre, il est régulièrement sollicité par des déplacés, en cas de décès. Même ayant un domicile, Lassané ne peut pas apporter son aide. Pour cela, il dit orienter les familles en deuil vers l’imam Rabo.
« Pour ce qui est de l’espace que l’imam a obtenu pour en faire notre cimetière, en tant que déplacés, à chaque fois que l’un de nous a un corps sous la main c’est vers l’imam qu’on les dirige. Personnellement j’ai redirigé quatre ou cinq personnes tous déplacés chez lui pour des questions d’enterrement. Ils ont pu avoir gain de cause ».
Le transport des corps, un autre souci
En tant que déplacés internes, le souhait c’est de repartir un jour chez eux. Quel sentiment les anime à l’idée de partir, un jour, laisser derrière eux les tombes de leurs proches décédés à Lioudougou ? Iliassa répond : « L’essentiel c’est que même quand on repartira chez nous, que l’on se souvienne de temps en temps qu’on a des gens enterrés quelque part afin d’aller nettoyer les tombes en même temps demander leurs bénédictions et repartir ».
Le problème d’espace réglé, l’imam Mahamadi estime qu’il reste un autre souci. Le cimetière est à environ cinq kilomètres. En cas de décès, les corps des défunts sont tenus dans les mains : « Nous sommes obligés de tenir le corps en main et de marcher avec jusqu’au cimetière. Le site est pourtant un peu éloigné », a-t-il regretté, ajoutant que « Si une bonne volonté peut nous aider avec une moto taxi pour le transport des corps au cimetière, cela nous soulagera beaucoup ».
C’est dire donc que ces déplacés internes ont de nombreuses difficultés. Selon eux, le sujet de cimetière n’est pas le plus important, mais le voir trouver une solution est un motif de joie.
Boureima Dembélé