Un jour, deux jours… Sans eau. C’est le calvaire de plusieurs quartiers de la ville de Ouagadougou en cette période de canicule. A Nagrin, quartier situé au Sud de la capitale, le précieux liquide arrive dans les tuyaux comme un voleur à 4h du matin, pour souvent moins de 2h. Les habitants du quartier avouent n’avoir jamais connu pareille galère les années antérieure.
Des bidons désespérément vides et entreposés autour du robinet. Comme si les récipients suppliaient quelques goûtes pour étancher la soif. C’est ce que la porte entrouverte laisse voir dans la cour de Thérèse Badolo au quartier Nagrin de la capitale. Svelte, le pas agile, la femme d’environ 60 ans a le visage grave quand elle évoque sa galère pour avoir de l’eau. « Souvent c’est tard dans la nuit que ça vient. Le temps de se réveiller, c’est déjà parti. Il faut donc veiller pour attendre l’eau. Mais pour nous autres avec l’âge… », dit-elle d’une petite voix.
A un jet de pierre de là, Elisabeth Nikiéma confirme les propos de Thérèse Badolo. Il faut rester en alerte, éviter d’avoir le sommeil profond pour avoir de l’eau. « Il faut se réveiller à 4h du matin pour avoir de l’eau. Et quand tu te lèves très tôt aussi, il faut attendre le lendemain pratiquement à la même heure pour espérer avoir quelque chose. Passer cette heure, plus rien dans le robinet, c’est comme ça ici », explique l’habitante du quartier.
A Nagrin comme dans plusieurs quartiers de Ouagadougou, la période de canicule est connue pour être aussi celle des coupures récurrentes d’eau. Mais à Nagrin, l’on est presqu’unanimes pour reconnaître la situation a empiré cette année. « Cette année, c’est vraiment trop. Les autres années, ça se coupait mais ce n’était pas ainsi. On ne sait pas pourquoi c’est comme ça», note Thérèse Badolo, avant que Elisabeth n’ajoute que « c’est pire que les autres années ».
Chômage technique faute d’eau
Ablassé Koanda dans son petit espace aménagé jouxtant un jardin, est en plein lavage d’un véhicule. C’est une période difficile pour l’homme. « L’eau est mon outil de travail. Les clients ont diminué, quand ils viennent je leur dis qu’il n’y a pas d’eau. Les anciens clients eux quand ils arrivent, demandent d’abord s’il y a l’eau avant de garer. Vous-même, quand je vous ai vu venir, j’ai immédiatement regardé si l’eau qui me reste dans le bassin suffirait à laver un autre véhicule » , nous fait savoir celui qui exerce dans le lavage d’engin depuis 3 ans.
A plusieurs reprises, nous dit-il, il s’est fait contrôler par les agents de sécurité alors qu’il était très matinal pour espérer remplir son bassin. « La patrouille m’a arrêté à plusieurs fois le matin alors que j’étais à la recherche de l’eau », précise-t-il. Et malgré tout, il lui est souvent arrivé de ne pas ouvrir son ‘’bureau’’ par manque du liquide précieux. « Je passe souvent des journées entières sans travailler. Imagine l’eau qui se coupe pendant deux à trois jours, tu fais comment ? L’eau c’est la vie, mais sans eau, c’est compliqué », résume-t-il, d’un ton plaintif.
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Elles vendent de l’eau. Elles sont 15 environ, toujours à Nagrin. Autour d’une borne fontaine, plus de 10 pousse-pousses sont déposés. Le chiffre d’affaire a considérablement a baissé depuis l’installation de la canicule et son corollaire de coupure, reconnaissent les vendeuses d’eau.
« Il n’y a pas d’eau. Souvent il faut carrément fermer le robinet parce que la coupure est longue. Le marché de l’eau a beaucoup diminué aussi. Avec les coupures intempestives, certains ont préféré faire des forages », maugrée Lucienne Yago. Sa camarade, Delphine Ilboudo qui dit pousser la barrique depuis 20 ans, nous explique que le plus souvent, elle quitte carrément le quartier pour aller chercher l’eau à plus de 10km. Plus de fatigue pour moins de gains. La barrique d’eau étant vendue à 300 F CFA, peu importe d’où elle a été obtenue.
La nationale de l’eau
Du côté de l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) on dit comprendre la galère des populations de certains quartiers dont Nagrin. « Quand il fait chaud, la demande augmente pendant que la capacité de production est souvent limitée. Quand on croise la demande actuellement par rapport à notre capacité de production on n’est souvent limite ; ajouter aux perturbations qu’on enregistre sur le domaine électrique, on a souvent des arrêts, on n’arrive pas à suivre la demande », explique Ousmane Pitroipa, directeur exploitation eau potable de l’ONEA qui annonce par ailleurs des projets d’envergure les années à venir pour soulager les populations.
Les habitants de certains quartiers comme Nagrin, Bassinko et d’autres ont l’impression d’être les oubliés de l’ONEA qui leur prive d’eau pendant plusieurs jours ou qui ouvre les vannes de façon intermittente à la lueur du jour. Cette complainte, Barnabé Milligo, Direction régional de l’ONEA-Ouaga en entend régulièrement. Mais il rassure qu’il n’en est rien.
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« Nous ne pompons pas l’eau directement dans chaque quartier. Ceux qui sont en bout de réseau sont naturellement les plus défavorisés, c’est ce qui explique que le commun des mortels pense qu’il y a des quartiers mieux logés que d’autres » , relève-t-il. Selon lui donc, certains quartiers comme Nagrin et Bassinko sont en bout de réseau. Ils sont en périphérie par rapport aux réseaux de distribution de l’ONEA.
En attendant, la coupure intempestive d’eau a développé l’esprit de solidarité chez les habitants de Nagrin. Thérèse Badolo s’approvisionne souvent chez son voisin qui dispose d’un forage.
Tiga Cheick Sawadogo