De plus en plus des jeunes se lancent dans la cuniculture, l’élevage des lapins. Passionnés de cet animal, ceux qu’il convient d’appeler la nouvelle génération de cuniculteurs ne font pas dans l’élevage affectif. C’est du business et la demande est plus forte que la demande. Réunis au sein d’une association, « le Cercle des cuniculteurs », les jeunes révolutionnent le secteur et travaillent à amoindrir les difficultés.
Devant des cages où sont logés des lapins, Achille Biya a le regard admiratif. Pendant que les animaux, une quarantaine, se bousculent dans leur dortoir comme s’ils avaient senti la présence de leur maître venu les nourrir, les visiteurs se désinfectent les mains. C’est ainsi, précaution absolue. Au fond d’une cour d’habitation dans le quartier Karpala de Ouagadougou, un espace couvert de tôle est aménagé pour servir de clapier. C’est là que le jeune Biya vit sa passion, la cuniculture.
Tout petit, il avait déjà quelques têtes. Mais depuis deux ans, le jeune Achille a décidé de passer à une autre étape : en faire un business. Mais avant, il s’est entouré de précautions. « On décrit le domaine comme s’il suffisait d’y entrer aujourd’hui, et demain tu es parti (riche), sans connaitre les risques. La plupart des gens s’y lancent parce qu’ils ont appris que c’est un domaine très rentable. Quand j’ai commencé, je me suis formé, je suis informé, j’ai côtoyé les cuniculteurs. J’ai fait un plan d’affaires que je réalise petit à petit », explique le jeune éleveur.
Achille s’est spécialisé dans le développement des reproducteurs et reproductrices. Son objectif est d’atteindre 50 reproductrices d’ici à la fin de l’année. Il en est à 23. C’est un défi que je me lance, dit-il fièrement.
Rentable mais fragile
Les lapins se développent vite, concède Achille. On peut se retrouver avec une population importante de lapins en quelques mois, mais, s’empresse de préciser le jeune éleveur, la maladie guette. « A mes débuts en 2020, j’ai perdu plus de 30 têtes en une journée », se rappelle-t-il douloureusement.
Loin de là, à Pabré, dans la périphérie nord de la capitale, Christian Yé a aussi implanté une ferme de lapins. Passionné également, il a flairé le business. Sa ferme, plus grande, renferme plusieurs races de lapin. Des locaux, aux pures races en passant par les métissés, plusieurs espèces se bousculent dans le clapier.
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Selon lui, le marché du lapin a de beaux jours devant lui: » Les demandes ne cessent d’accroître. Et nous ne sommes pas à mesure de les satisfaire. Je reçois des appels chaque jour. Je n’ai même pas de contact avec les hôtels parce que je sais que je ne pourrai pas les satisfaire pour le moment ».
Avec neuf femelles et 2 mâles pour débuter, il s’est retrouvé avec 86 lapins en moins d’une année. Pour atteindre ce résultat qu’il juge satisfaisant, il s’est entouré de précautions, après insiste-t-il, avoir suivi des formations et les conseils des devanciers. « Un environnement calme, aéré, des loges adéquates pour qu’ils soient à l’aise, une bonne hygiène, un endroit pas chaud. Par-dessus tout, il faut être présent, attentionné, Quand un animal n’a pas mangé, tu dois savoir », conseille Christian.
VHD, la hantise des cuniculteurs
C’est une maladie qui fait sursauter de frayeur les éleveurs de lapin : la VHD. C’est elle qui a décimé le cheptel de Achille à ses débuts. D’autres comme lui ont tout perdu. Dans certains pays voisins comme le Bénin, l’Etat accompagne les cuniculteurs en facilitant l’accès au vaccin contre la VHD. Pour le Burkina, ce n’est pas le cas. Pour éviter le pire dans leur clapier, des cuniculteurs sont obligés de commander des doses depuis l’extérieur, ce qui leur revient plus cher. Ensemble, l’on est plus fort, dit-on.
Depuis 2016, les éleveurs de lapins du Burkina sont regroupés en association, « le cercles des cuniculteurs ». Le président Moumouni Simporé se réjouit que ce regroupement de passionnés a permis de révolutionner le secteur. « C’est à partir des expériences vécues au Burkina ici que nous avons développé ces techniques que nous avons partagées entre les éleveurs pour leur permettre non seulement de connaître l’animal, de connaître l’habitat de l’animal, de connaître l’alimentation de l’animal, de connaître les soins de l’animal. Avant, il n’y avait pas tout ça », explique le président.
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Quand il a l’occasion de parler du secteur, il égrène les opportunités et surtout le fait que le marché en redemande. Cette niche d’opportunité, Moumouni Simporé estime qu’elle n’est pas bien connue, pas mieux exploitée. « La demande est très forte », confirme Alima Zagré, restauratrice spécialisée dans la transformation du lapin.
Tiga Cheick Sawadogo