Des femmes déplacées internes sont devenues les mères nourricières de leurs familles grâce à la poterie. Avec à peine 20000 F CFA dans le mois comme recette, leur vie de déplacée est intimement liée à la poterie.
Quatre femmes aux destins liés à la poterie, ou plutôt quatre familles de personnes déplacées internes à Kongoussi qui mangent dans des plats et marmites en terre cuite ! Au propre comme au figuré, ces femmes déplacées internes et leurs familles, qui ont trouvé refuge dans un quartier de Kongoussi, confectionnent des pots, des jarres et différents types d’ustensiles de cuisine. Elles les vendent pour se faire des revenus, mais aussi les utilisent à leur domicile pour servir les repas. Elle tire de la poterie la principale source de revenus de la famille qui, en général, tourne autour de 20 000 F CFA dans le mois.
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Mais avant cela, Alimata Kané en compagnie des autres femmes prépare la mixture qui va servir pour la confection des pots, jarres et bien d’autres ustensiles utilitaires en terre cuite. Dans un espace ouvert où ont poussé des tentes marquées HCR (Haut Commissariat des Nations pour les Réfugiés), ces habitats circonstanciels leur servent de domicile.
Un hangar reconnaissable par des jarres, canaris et autres objets en terre cuite, est dressé et tient lieu d’atelier de poterie. Non loin de là, des hommes habillés de boubous devant un petit fourneau de thé devisent installés sur des nattes. Un bruit provenant de la poterie se mêle aux cris et pleurs des enfants regroupés autour d’un plat de bouillie.
Alimata, environ 50 ans, explique qu’avec de l’argile extraite du marigot du village, elle rajoute des excréments d’âne, le tout pilé et tamisé la veille. Le mélange est pétri et le produit obtenu sera modelé pour donner corps à plusieurs objets. Elle veut fabriquer une jarre qu’elle va vendre à 300 ou 500 F CFA. Elle fait savoir que l’argile est extraite dans un endroit assez éloigné de leur domicile.
« C’est un peu loin. On ne peut pas prendre sur la tête ni avec la charrette. Ce sont les taxis motos qui nous aident, mais ça aussi, c’est cher. Ça vaut 2000 F CFA avant qu’ils amènent. Mais pour le moment on ne peut pas avoir ça. On n’a pas d’argent pour prendre. On prend un peu un peu et on travaille avec. Quand on brûle, on vend et on gagne un peu un peu. On achète nos colas et nos cafés avec », confie-t-elle les yeux rivés sur le morceau de terre en pâte qu’elle modèle.
La poterie, une activité familiale
Difficile de savoir au début ce qu’elle fabrique. A l’aide d’un caillou de forme ronde et aplatie, elle martèle sur une portion de terre épaisse. Les contours se dessinent. La vieille dame marque de temps à autre un arrêt pour corriger ou redresser la forme. Parfois elle plonge sa main dans l’eau pour corriger les fissures sur la forme.
L’une des dames, qui est la plus âgée du groupe, Zourata Kané dit être la tante de Alima. Cette dernière fait comprendre que la poterie est une activité familiale qu’elle a reçue de ses parents qu’elle, à son tour, transmet à ses enfants et même aux femmes de ses enfants.
Toutes déplacées internes, elles disent avoir su refaire leur vie, à travers la poterie, malgré les difficultés matérielles rencontrées.
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Zourata, déplacée depuis plus de trois ans, en provenance de Nantiguin, une localité rattachée à Kongoussi, les mains tremblantes fait comprendre que « la poterie est un travail minutieux et il faut des gestes précis » et dans une boutade raconte que « ce témoin d’une transmission générationnelle est devenue socle de la survie de toute une famille ».
Des échanges avec Mori, le mari de l’une des femmes a permis de comprendre que la poterie est devenue une porte de sortie pour ces femmes qui ont été obligées de partir de chez elles du fait de l’insécurité. Et leurs hommes qui ne savent « (…) que travailler la terre se sont retrouvés sans champ dans leur exil forcé ». Ils se retrouvent à compter sur l’aide de l’Etat et autres bienfaiteurs ou sur le fruit de la poterie de leurs femmes.
A en croire Alimata, Kongoussi est le principal marché d’écoulement de leur poterie. « Il est difficile d’avoir 20 000 F CFA dans le mois », se plaint la vieille dame.
Boureima Dembélé