La lutte traditionnelle est l’une des attractions à la Semaine nationale de la Culture (SNC). Dans le passé, les femmes brillaient par leur absence ou leur faible représentation dans cette discipline. Cependant depuis quelques années, la participation des filles s’est accrue malgré les obstacles que rencontrent souvent les encadreurs.
Dans l’arène vibrante, sous le ciel éclatant de Bobo-Dioulasso, Esther Palé, une silhouette svelte de 16 ans, vient de marquer l’histoire. A peine sortie victorieuse de l’arène temporaire, érigée avec soin à l’extérieur du Stade Wobi, Esther est accueillie par une marée de camarades.
Leurs acclamations et félicitations témoignent de l’exploit qu’elle vient d’accomplir. « Au début, il y avait la peur. Mais quand je suis entrée dans l’arène, la peur est partie », confie-t-elle, un sourire illuminant son visage. Pour son équipe de la région du Centre, c’est un moment de fierté indéniable. Esther a frayé le chemin de la victoire.
C’est une première pour Esther à la SNC, un événement dont elle suivait les joutes à la télévision, sans jamais imaginer qu’un jour, elle en serait l’actrice principale. Le destin a pris un tournant inattendu lorsqu’un test d’éducation physique et sportive à son lycée Wendraabo de Ouagadougou a révélé son potentiel.
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Son professeur, voyant en elle une future championne, l’encourage à embrasser la lutte traditionnelle. « Je n’avais pas pris cela au sérieux. Et un jour, il a dit qu’il va nous entraîner pour la lutte traditionnelle. Il nous a dit qu’il y a la semaine nationale de la culture et qu’il va nous prendre comme des lutteuses », raconte Esther, encore sous le coup de l’émotion.
Avec le soutien sans faille de ses parents, elle se lance dans un entraînement rigoureux au quartier Balkuy de Ouagadougou. Son professeur, devenu coach, l’a guidée à travers les séances préparatoires, qui ont finalement porté leurs fruits, même si le chemin vers la finale est encore long.
La 21e édition de la SNC met l’accent sur la relève et un point d’honneur à l’inclusion des jeunes filles comme Esther. Saadatou Kafando, originaire de Kaya dans la région du Centre-Nord, partage une histoire similaire. Malgré sa défaite lors de sa première confrontation, elle ne laisse transparaître aucune déception.
Le rôle des encadreurs
Au contraire, elle est animée d’un sentiment de fierté et de résilience. « Ce qui me plait, c’est la manière dont on terrasse les gens. J’ai appris beaucoup de techniques comment saisir le pied des gens, comment les terrasser », déclare-t-elle avec assurance. La SNC a grandement contribué à la visibilité de la lutte traditionnelle, attirant l’attention nationale et offrant aux entraîneurs comme Mahamadi Tegawendé Ouédraogo de la région du Centre-Nord, l’occasion de témoigner d’une participation accrue des jeunes filles.
« Avant, il n’y avait pas beaucoup de filles au niveau dans l’arène. En plus, au niveau de la SNC, depuis l’année dernière, la SNC a amélioré la prise en charge des encadreurs ce qui est motivant pour accompagner les filles et les garçons surtout la franche jeune », se réjouit-il.
Promouvoir la lutte traditionnelle dans les écoles
Néanmoins, la route vers l’égalité dans le sport est semée d’embûches, en particulier dans des régions comme le Sahel, en proie à l’insécurité où Harouna Séoné lutte contre les réticences culturelles pour promouvoir la lutte féminine. « En participant à la SNC avec les jeunes, c’est une manière pour nous de permettre à la lutte de se développer davantage. Je suis en train de mobiliser pour que cette discipline ait un ancrage dans la région », admet-il, mais il reste motivé par les défis à relever.
Le Burkina Faso, bien que reconnu pour sa tradition de lutte, doit encore affiner sa stratégie pour rivaliser avec des nations comme le Niger ou le Sénégal. Les entraîneurs s’accordent sur un point : pour que la lutte traditionnelle, et en particulier féminine, prospère, il est essentiel de miser sur la formation dès le plus jeune âge. « Il faut construire des arènes dans les établissements et dans les quartiers et commencer à initier les jeunes filles à l’école primaire ou à partir de la classe de 6e et 5e. Sinon après, les enfants n’auront plus le courage de pratiquer la lutte », insiste Mahamadi.
Pierre Badiel, président de la Fédération Burkinabè de Lutte, observe les compétitions de la SNC avec attention. Il sait que l’avenir de la lutte traditionnelle féminine repose sur les épaules de ces jeunes filles, et il est prêt à prendre le relais pour assurer leur formation et leur épanouissement.
Boukari Ouédraogo