Des jeunes sont venus des 13 régions du pays pour être formés en agriculture, élevage, pisciculture, foresterie et apiculture. En deux ans, ils ressortent avec le titre d’agents de développement rural. C’est à Bagré, dans la région du Centre-est. A L’Institut de formation en développement rural (IFODER), les pensionnaires reçoivent également une formation militaire qui vise à leur inculquer les valeurs de discipline.
« Bangaya Oumou Kayrou, n° matricule 23 79 261 759 », lance une jeune apprenante à qui nous demandons de décliner son identité. Bien avant, elle avait donné la ration à son aîné (le garde-à-vous militaire). Assis sous des arbres, plus de 100 jeunes sont habillés dans des uniformes bleus, les têtes rasées. Filles comme garçons.
Nous ne sommes pas vraiment dans un camp militaire. Les pensionnaires de l’Institut de formation en développement rural (IFODER) sont là pour être des agents de développement rural. Recrutés par le Service national de développement (SND), en deux ans, les 127 pensionnaires devraient acquérir suffisamment de connaissances dans les domaines de l’agriculture, l’élevage, la foresterie, la pisciculture et l’apiculture. Mais avant, tous reçoivent une formation militaire de 45 jours.
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« Pour être un bon producteur, il faut être en forme. Ça demande une certaine vigueur. Et puis c’est l’occasion de casser certaines mauvaises habitudes de ceux qui ne se lèvent pas tôt. Et en plus, la formation permet de donner des valeurs civiques, la discipline dans le comportement, forger le caractère. Ceux qui emploient nos jeunes, par rapport aux jeunes qui ont fait d’autres écoles, ce n’est pas pareil. La discipline est de rigueur », explique le responsable pédagogique de l’IFODER, Julien Kaboré.
Pour cet autre apprenant, les débuts de la formation ont été si durs que certains ont failli déserter. « On souffrait du fait de se lever chaque matin à 5h. Grâce à la formation militaire, on s’est habitués au fur et à mesure. Maintenant, se réveiller chaque jour à cette heure n’est plus un problème. C’est devenu automatique », se réjouit-il. Après le réveil, ce sont les corvées de nettoyage. Vient ensuite la montée des couleurs pour 7h avant que chaque pensionnaire ne rejoigne sa salle de classe pour les cours théoriques ou les champs pour la pratique.
L’IFODER plutôt que l’université
Alors qu’elle venait de décrocher son BAC, Bangaya Oumou Kayrou ressortissante de Banfora dans la région des Cascades, se voyait mal continuer son cursus à l’université. Passionnée par la pisciculture, celle qui avoue n’avoir jamais voulu travailler dans un bureau, a passé le test pour rejoindre la 6e promotion de l’Institut. « Je vais, plus tard, créer mon entreprise. Je serai mon propre boss », dit-elle, le sourire en coin. Oumou n’est pas la seule étudiante à avoir fait le choix de l’IFODER.
Daouda Siambo, ressortissant de la Boucle du Mouhoun était inscrit en Lettres modernes à l’université Daniel Ouezzin Coulibaly de Dédougou. Mais l’appel de la terre lui a fait oublier les lettres. « Je n’ai pas hésité quand j’ai entendu cette opportunité », avance-t-il tout en précisant qu’il a toujours été convaincu par les opportunités qu’offrent les formations professionnelles qui minimiseraient les risques de chômage.
Mais, admet le jeune homme, son choix n’a pas été bien apprécié par ses parents au départ. « C’est un choix qui n’a pas été bien vu par les parents. Ils ont demandé si ce n’était pas mieux de continuer les études. Au village, les gens se disent qu’une fois que tu as le bac, l’avenir est rose. Avec mes arguments, ils ont fini par comprendre », ajoute l’ancien étudiant.
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Cette fois, la 6e promotion de l’IFODER est sur le terrain. En plus de la formation théorique, les apprenants disposent de cinq hectares pour la pratique. Sur un vaste espace, ils sont en plein désherbage d’un champ d’oignons. Le visage dégoulinant de sueur, Balkissa Simporé avance courbée par à-coup, une daba en main. Derrière elle, des mauvaises herbes entassées. « Comme il y a assez d’herbe, il faut désherber pour pouvoir refaire l’irrigation. Et puis les oignons vont commencer à se développer encore », dit-elle, avant de se remettre à la tâche.
Selon le responsable pédagogique de l’IFODER, Julien Kaboré, les jeunes qui viennent à l’Institut reçoivent une formation complète. Après la première année en tronc commun, chacun choisit sa filière pour une spécialisation en deuxième. Après son stage, chaque ADR en formation doit produire un plan d’affaires pour son futur business. « À la fin, il y a une petite commission qui se met en place pour parfaire ces plans d’affaire qui sont banquables à la sortie. Nous essayons également de travailler avec les différents fonds et avec leurs plans d’affaires, à la sortie, ça permet de disposer de quelque chose », poursuit le responsable pédagogique.
Il ajoute également que sur les 40 000 F CFA versés par le SND à chaque pensionnaire par mois, l’institut épargne 12 000 par mois. En 24 mois d’épargne chaque jeune reçoit 300 000 pour démarrer une activité en attendant un éventuel financement de son plan d’affaires.
En attendant la fin des cours et des stages pratiques, Daouda Siambo dit être convaincu qu’il sera « un agriculteur modèle » qui va inspirer d’autres jeunes diplômés. Pour réussir dans cette vie qu’ils ont choisie, les protégés de Julien Kaboré espèrent bénéficier d’un meilleur accompagnement financier à la fin de leur formation.
Tiga Cheick Sawadogo