Les camarades de l’étudiant Boukary Dabo ont attendu pendant 32 ans pour connaître la vérité sur sa disparition. Enlevé en 1990 lors de manifestations estudiantines, il n’a plus été revu jusqu’à l’annonce de sa mort. Depuis lors, ses camarades et les militants de l’Association nationale des étudiants burkinabè (ANEB), réclament que la lumière soit faite sur sa disparition.
« Vérité et justice pour Dabo Boukary ». Pendant près de 30 ans ce slogan figurait sur les tee-shirts des membres de l’Association nationale des étudiants burkinabè (ANEB). Ces derniers pourraient voir la vérité éclatée enfin. Le procès sur la disparition de Dabo Boukary a débuté le lundi 19 septembre 2022 au tribunal de grande instance de Ouagadougou. Trois personnes sont inculpées dans cette affaire. Il s’agit du colonel Mamadou Bamba, le général Gilbert Diendéré, et Victor Magloire Yougbaré, sergent à l’époque des faits.
Ils sont accusés de « complicité d’arrestation illégale et séquestration aggravée », complicité d’arrestation illégale et séquestration aggravée, complicité de coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner, et recel de cadavre », selon le communiqué publié par la direction de la communication et des relations presses du ministère de la justice et des droits humaines, chargé des relations avec les institutions.
Lire aussi: Procès de Thomas Sankara, « pour la vérité et la justice »
Délégué du comité révolutionnaire de l’Université de Ouagadougou à l’époque, Mamadou Bamba aurait servi d’informateur pour l’enlèvement de Dabo Boukary. Il est également connu du grand public pour avoir lu le communiqué du Coup d’Etat du général Gilbert Diendéré le 17 septembre 2015.
Gilbert Diendéré était capitaine à l’époque des faits. Il est accusé d’avoir ordonné l’enlèvement du corps de Dabo Boukary et son enterrement à Pô, environ 100 km de Ouagadougou. Le général Gilbert Diendéré est déjà condamné dans le procès du putsch de septembre 2015 et dans le procès de l’assassinat de l’ancien président Thomas Sankara. Quand à Victor Magloire Yougbaré, il aurait servi de chauffeur. Ce dernier, considéré comme fugitif, ne s’est pas présenté au procès.
Plusieurs acteurs absents
Les évènements remontent au mois de mai 1990. A l’époque, des étudiants de l’ANEB sont exclus de l’Université de Ouagadougou, aujourd’hui Université Joseph Ki-Zerbo. Leurs camarades répliquent à travers une marche sur le rectorat et une grève selon les souvenirs de Séni Koanda, président de l’ANEB.
« C’est dans ce contexte de répression généralisée contre l’ANEB que notre camarade a été arrêté le 19 Mai 1990 et conduit au conseil de l’Entente où il fut assassiné. Depuis lors, malgré les manifestations, nous n’avons plus eu aucune nouvelle : ni une déclaration officielle de son décès, ni l’indication du lieu où il a été enterré », explique Seni Koanda dans une interview accordée au site lefaso.net en 2017.
Une plainte a été déposée depuis 1990 mais ce n’est qu’à la faveur de l’insurrection populaire de 2014 qui a conduit au départ de l’ancien président Blaise Compaoré que le dossier a été ouvert. Plusieurs personnes citées dans cette affaire ne sont plus de ce monde comme l’ancien président de l’Assemblée nationale Salif Diallo, le recteur de l’Université de Ouagadougou Alain Nindaoua Sawadogo, Gaspard Somé etc.
Les militants de l’ANEB et de plusieurs organisations de la société civile dont le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), saluent une étape vers la lutte contre l’impunité au Burkina Faso.