À Ouagadougou, un groupe d’amis amoureux de vélo mènent des escapades chaque dernier samedi du mois. Leur terrain de jeu, les environs de la capitale burkinabè. Entre rencontres chaleureuses et découvertes inattendues, ces sorties sont bien plus qu’un simple coup de pédale. Nous avons fait notre première randonnée avec ces fous de la petite reine à Loumbila, Nord-est de la capitale.
Ils sont cinq. Cinq bons amis, tous amoureux de randonnée à vélo. Une fois par mois, ils se retrouvent pour une escapade quelque part aux alentours de la ville de Ouagadougou. En cette journée peu ensoleillée de dimanche, habillés de culottes et de t-shirts légers, chaussés de baskets, chacun muni de son stock d’eau, René, Lionel, Ismaël, Afize et Ibrahim enfourchent leurs vélos tout-terrain bien gonflés.
L’idée de ce groupe de randonnée a germé en 2023, lors d’une première sortie à Saponé. L’engouement est tel les amis décident de réitérer l’expérience chaque dernier samedi du mois. Pourtant, les préjugés persistent : « Les gens ne considèrent pas ceux qui roulent à vélo », « Quand on te voit à vélo, on pense que tu es trop pauvre, c’est fou », explique Lionel. Malgré cela, ils sont aujourd’hui près de 400 amoureux du VTT (Vélo tout terrain).
Pour cette nouvelle randonnée, les cinq compères ont pris rendez-vous au maquis Yipène de Loumbila, à 23 km de Ouagadougou. L’excitation est palpable alors que nous rejoignons cette équipe de randonneurs, prêtant attention à notre VTT spécialement prêté pour l’occasion. « As-tu déjà parcouru de longues distances à vélo ? », nous demande Lionel, légèrement inquiet. Nous réponds avec confiance : « Non, mais ça devrait aller, je me suis échauffée la veille. »
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René, le plus âgé, un Suisse vivant au Burkina depuis quelques années et responsable d’ONG, prend la tête du peloton. Son guidon arbore fièrement un téléphone fixé, utilisant une application de géolocalisation. Après tout, il fallait que quelqu’un guide le groupe. Cette application va aider à tracer l’itinéraire de la grande sortie. « L’escapade de ce matin est un repérage pour organiser la grande escapade prévue fin juin avec plus de monde », nous explique René.
Le chemin serpente des concessions étroites avant de déboucher sur une forêt clairsemée. En file indienne, chacun pédale à son rythme sur une piste tantôt lisse, tantôt rocailleuse, faisant souvent rebondir nos VTT. Jusqu’à 8 km plus loin, tout se passe bien. Puis, Ismaël marque un arrêt brutal : son pneu a crevé. Cela gâche un peu le plaisir du groupe. Ismaël rebrousse chemin à la recherche d’un mécanicien. Pendant ce temps, les autres continuent leur randonnée. Rien ne pouvait arrêter ces cinq randonneurs. Pas même un pneu récalcitrant.
Une escapade riche en découverte
La balade est riche en découvertes. Les maisons en terre et l’air frais, mêlés à l’odeur du fumier nous rappellent que nous sommes loin des agglomérations polluées. Les champs verdoyants sont un régal pour les chèvres, les ânes et les bœufs.
Au détour du chemin, nous tombons sur une espèce d’oiseau: longue patte, long bec et plumage noir. « C’est quel oiseau ça ? », s’interroge Réné. « Essaie de rechercher sur Google Lens », propose un de ses amis. Mais apparemment, Google Lens n’est pas encore au point pour les oiseaux exotiques du Burkina Faso. Mais, les recherches se poursuivront plus tard.
Afize apprécie particulièrement ces découvertes. Il se souvient d’un paysage insoupçonné à Pabré, où des cocotiers bordaient un chemin sableux menant à une majestueuse mosquée. « On aurait dit que nous sommes au Ghana. Il y’avait des cocotiers de part et d’autre sur un chemin sableux tout blanc menant à une mosquée dont l’architecture était majestueuse », se remémore-t-il. Au-delà des paysages, la sympathie des villageois nous touche. Ils nous accueillent avec un amical « niyibéogo », bonjour en langue mooré. Chaque sortie est l’occasion de nouvelles rencontres.
C’est le cas lorsque nous arrivons dans un village. Certains curieux s’approchent avec étonnement. Ils sont admiratifs des vélos. « Ça là, ce sont les vrais vélos, est-ce que ça ne vaut pas 500 mille ? », lance en langue mooré un vieillard conquis. La question fait sourire les cyclistes du jour dont l’objectif est aussi de vivre de telle expérience.
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Il est 10 h. Environ 12 km parcourus. Par chance, le temps est toujours clément en cette période où la température atteint parfois 40 degrés. Aucune sueur sur le visage des quatre hommes qui pédalent vaillamment, imperturbables.
Par contre, la seule femme du groupe, c’est moi. Et je ne peux cacher la sueur qui perle sur mon front, mes mains endolories et mon visage crispé. « C’est normal parce que tu n’es pas habituée », me rassure l’un d’eux. Plus nous avançons, plus les escalades deviennent difficiles. Mes jambes non habituées commencent à s’engourdir. Je peine à suivre le rythme effréné. En cet instant, la question posée par Leonel au début de notre périple me revient en mémoire. Je n’avais vraiment pas imaginé ce qui m’attendait.
« La première fois que j’ai participé à l’escapade, c’était difficile, parce que ça faisait 15 ans que je n’avais plus roulé de vélo. Mais au fur et à mesure qu’on avançait, je ne ressentais plus la fatigue et je me suis habitué », compatit Afize.
L’équipe prend donc le soin de faire de petites escales, durant lesquelles je reprends mon souffle. Malgré la fatigue, le moral est haut. Après des montées pénibles, les descentes de pente sont plus exaltantes. « Mais attention aux pentes raides », prévient Lionel.
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Quinze kilomètres plus loin, nous retrouvons Ismaël, celui qui avait crevé, au marché de Goué. Pour fêter les retrouvailles, une pause s’impose. Quelques gorgées de la bière de mil local, le dolo, viennent donner un peu d’énergie. « C’est aussi ça la beauté de l’escapade », affirme Ismaël. La pause de vingt minutes se fait sans Réné et Lionel partis tracer l’itinéraire. Ils iront jusqu’à l’aéroport de Donsin.
De nouveau rassemblée au marché de Goué, l’équipe entame les derniers kilomètres qui nous ramèneront à Loumbila. Au regard de la fatigue de plus en plus pesante, je prends le chemin le plus court pour regagner Loumbila avec d’Ismaël. Mais, c’est finalement à pied que je termine les derniers kilomètres.
En tout, les randonneurs auront parcouru 25 km. Et comme il est de coutume chez eux, des morceaux de viande grillée, de la sucrerie et des bières clôturent cette journée mémorable. Pour ma première randonnée à vélo, malgré la fatigue, les découvertes ont fait vivre une expérience incroyable. Nous savourons, en attendant la prochaine sortie prévue avec une équipe plus élargie.
Danielle Coulibaly