A Léo, 3 heures de route environ de Ouagadougou, la fédération nununa, qui signifie « gras naturel » en langue lyélé, s’est lancée dans la production de beurre de karité biologique. La fédération s’est dotée d’une unité de production semi-industrielle dont les femmes sont les principales employées. L’avantage, les gains reviennent aux membres de la fédération. Rigoureuses, les femmes mettent un accent particulier sur la qualité de la production en vue de répondre aux exigences du marché international.
Une forte chaleur de l’usine de production semi-industrielle de la fédération nununa. On ne peut pas se tromper. L’on se trouve dans une usine de production de beurre de karité dont le parfum titille les narines à plusieurs mètres déjà. Entre plusieurs machines, sous une chaleur étouffante, la peau luisante, les sueurs perlées sur son visage lisse, Oussena Nignan, 16 ans environ, s’active devant une machine à moudre. Ses vêtements sont tâchés de résidus de noix de karité écrasées.
Seule devant sa machine, la jeune fille enlève à l’aide des plats en plastique, des noix qu’elle déverse dans une machine à moudre. La fumée qui se dégage brouille la visibilité. Ni la forte odeur ni la chaleur encore moins le bruit des machines ne semble la perturbé dans sa tâche.
Elève en classe de troisième, Oussena travaille depuis une dizaine de jours dans cette unité de production de la fédération nununa. Un moyen de se faire des économies. « Je suis venue travailler pour aider ma maman à payer ma scolarité. Quand on travaille, on me donne de l’argent et je contribue à payer mes frais de scolarité », témoigne l’adolescente toute timide. Pour sa prestation journalière, cette vacancière est payée à 1000 francs CFA soit six mille francs CFA la semaine.
Une trentaine de femmes dont des jeunes filles travaillent également dans cette unité de production. Elles sont reparties en plusieurs sections : La purification, le broyage, le barattage, la cuisson et le filtrage. Certaines sont habillées en de blouses marron. Ce n’est pas le cas pour la majorité des filles. Mais, elles ont toutes des foulards sur la tête pour une question d’hygiène.
Plus avantageux avec les femmes
Comme un mot d’ordre, personne ne porte de masque ici. « On nous a donné des maques. C’est nous qui ne les portons pas. Quand la fumée entre dans le masque, nous n’arrivons pas à respirer », justifie Salamatou Napon depuis la cellule cuisson.
Depuis deux ans, l’unité de production parie sur les femmes de l’association. Certains hommes prêtent main forte pour les travaux physiques et la maintenance. « Pas que les hommes sont paresseux mais lorsqu’ils ont une meilleure offre par rapport à ce que nous leur donnons, ils laissent tomber le travail. Nous sommes obligées de les remplacer. Alors, nous avons décidé de faire confiance aux femmes de l’association elles-mêmes », soutient Lazare Yaro, le chef d’usine.
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Pari réussi. « C’est plus avantageux de travailler avec les femmes parce qu’elles se mettent plus au sérieux et travaillent avec le cœur parce que ça leur appartient et surtout que nous produisons bio », apprécie Lazare Yaro. Les femmes travaillent en rotation du lundi au samedi pendant plus de 8 heures par jour.
Adjata Bassia occupe la section barattage. Sa tâche consiste à faire tourner une manivelle autour d’une grosse cuve et à battre les noix déjà broyées. Cette action provoque une émulsion pour produire une certaine pâte. L’une des tâches les plus difficiles. Mais depuis deux ans qu’elle assure cette tâche, Adjata a gagné en expérience : « Je suis habituée. Ce n’est pas difficile sauf que je suis la seule au niveau des machines, et comme je suis une femme, il y a des tâches qui sont difficiles parce que ça nécessite de la force physique. Par exemple, les moteurs pour soulever et faire redescendre, il faut un homme ».
Payées 1750 Francs CFA le jour
En plus de l’effort physique, ce travail nécessite de l’endurance, de la patience et surtout de la prudence. « La vapeur du beurre dérange à la cuisson. Si on ne contrôle pas, ça peut se verser et nous brûler », détaille Salamatou Napon constamment au contact avec l’un des fours. Une autre équipe est chargée de l’alimenter continuellement à l’aide de résidus de beurre de karité.
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Le travail rapporte ici 1750 francs CFA par jour et par personne, environ 42 mille francs le mois. Dérisoire à première vue. Mais une fortune pour ces femmes. « J’ai acheté une moto en 2009 que j’ai changé en 2019. J’ai deux enfants qui ont des vélos », précise Adjata. Et quant à Salamata : « Grâce à ce travail, j’ai inscrit mon enfant qui est dans une université à Ouagadougou alors que ma fille vient d’avoir son BEPC ».
Malgré tout, l’objectif de l’association est d’améliorer le revenu de ces femmes. Pour cela, elle est à la recherche de moyens pour agrandir les parcs de karité d’où sont récoltées les noix de karité. En plus l’autre défi est de réussir à produire de l’huile sur place sans l’odeur caractéristique du karité selon Lazare Yaro.
Boukari OUEDRAOGO