Le grand prix de motocross de Saaba, un événement incontournable dans cette commune urbaine située à l’est de Ouagadougou fait vibrer les passionnés des deux roues chaque année. Les meilleurs motards de l’Afrique de l’Ouest se rassemblent pour des courses spectaculaires où la passion et la détermination sont à l’honneur.
Malgré le chaud soleil de cette journée dominicale, les passionnés de motocross sont rassemblés en masse sur le circuit de motocross de Saaba. Il faut se frayer un chemin au milieu de la foule compacte, tout en évitant les pickpockets. Des vendeurs ambulants, installés sous le soleil ou à l’ombre, proposent des boissons fraîches, des arachides et des gâteaux pour apaiser la faim. Une aubaine économique.
Le circuit est noir de monde, avec une atmosphère électrique due au rugissement des motos et à la musique diffusée par les haut-parleurs du sponsor. Sur la ligne de départ, les pilotes, quant à eux, sont prêts à en découdre. Casqués, des lunettes de protection, ils portent des vestes légères avec un plastron, des gants en cuir, des pantalons de motocross. Des bottes montant parfois jusqu’au mollet complètent l’équipement.
Tristan Garçia, venu de la France est le favori. Il a remporté les deux premières manches. Cependant, ses concurrents, notamment Izidine Kanazoé et Bouzzo Kaboré, ne l’entendent pas de cette oreille. La course démarre dans un nuage de poussière. Le défi ? Parcourir sept fois un circuit de 2,5 km, soit 17,5 km au total. « Mais ce sont des motos qui vont vite. Ils parcourent la distance en un rien de temps », explique le directeur technique Stéphane Balkouma.
Des initiés depuis l’enfance
La catégorie des séniors est lancée. Les motos aussi s’élancent à vive allure. Un test de compétences techniques, de résistance physique et mental. A chaque passage, la poussière s’envole alors que les moteurs grondent. Chaque virage est une opportunité de gagner ou de perdre.
Tristan mène pendant un bout de temps avant de se faire rattraper par Izidine Kanazoé, âgé de 15 ans. La moto n’a aucun secret pour le prodige qui pilote depuis l’âge de six ans. Au fil des kilomètres, Bouzzy Kaboré, chouchou des spectateurs, reprend la deuxième place à Tristan. La tension monte. Le public est surexcité.
L’arrivée finale se dispute entre Malick et Bouzzy. Les deux sont au coude-à-coude sur les derniers mètres. Mais dans une dernière accélération, Malick Kanazoé devance de justesse son concurrent. Il est acclamé par le public. « La différence s’est faite dans les virages, car je m’entraîne tout le temps là-bas », explique Malick tout épuisé mais victorieux. De l’expérience, il en a puisqu’il pratique le motocross depuis l’âge de 7 ans. Initié par ses cousins, il a pour objectif de devenir champion d’Afrique. Il reste à s’inscrire aux compétitions internationales.
Après les séniors, place aux juniors. Cette catégorie voit une seule fille défier la suprématie masculine. Cependant, Akim Kanazoé, le frère de Malick, domine cette catégorie avec une maîtrise incomparable. C’est lui, le pilote à vaincre. Daryl Ouédraogo et Aurel Thiombiano se sont préparés pour relever le défi. Ils se font des signes de la main comme pour se dire: « que le meilleur gagne ». Lorsque le départ est donné, sans surprise Akim prend la tête. Les autres le poursuivent immédiatement.
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Adama Ouédraogo, le père de Daryl se rapproche du circuit et suit de près. Il prodigue des conseils à son fils, à travers des gestes, lorsqu’il passe à son niveau. Yasmine Rabo, la seule fille du groupe, rencontre des problèmes mécaniques. Cela retarde son démarrage. Elle perd du temps. Pendant ce temps, les autres poursuivent la course.
Soudain, au détour d’un monticule, Thiombiano perd le contrôle de sa moto et chute. Des cris de découragement s’élèvent dans le public. Mais, plus de peur que de mal. Grâce à son équipement, il n’a aucune blessure. Sa chute n’entame pas non plus son moral. Au contraire, seule une panne mécanique pourrait le contraindre à abandonner. Aussitôt, il se relève et reprend la course. La ligne d’arrivée approche. La course devient intense. Mais Akim a pris beaucoup de temps. Finalement, il franchit la ligne d’arrivée en premier, suivi quelques secondes après de Daryl Ouédraogo.
« Akim Kanazoé est un excellent pilote. On ne peut rien dire à ce sujet. Je n’ai pas encore le niveau pour le dépasser, mais je continue à travailler dur », admet Daryl quand même content de sa course. Des problèmes au niveau des côtes l’ont empêché d’aller plus vite, mais il ne se décourage pas. Son père, à ses côtés, ajoute : « Il a obtenu une nouvelle moto il y a quelques jours. Il n’a pas eu l’occasion de bien l’essayer. Nous étions venus pour la première place, mais le résultat est satisfaisant », explique Adama Ouédraogo.
Malgré son jeune âge, Akim a de l’expérience. C’est cette expérience qui lui a permis de remporter la victoire. « La différence s’est faite dans les virages. Je m’entraîne beaucoup là-bas », confie-t-il avant de se précipiter pour se débarrasser de sa combinaison.
Les raisons de la chute
Aurel, qui a connu une chute est le dernier à franchir la ligne d’arrivée. « Je suis tombé en glissant. Je voulais prendre un virage intérieur, mais à force de remettre les gaz, le pneu arrière a glissé. Je n’ai pas pu reprendre la moto en main, donc je suis tombé », regrette-t-il. Bien qu’ayant perdu beaucoup de temps, il tient à terminer le circuit.
Yasmine la seule fille, est déçue. Elle espérait mieux faire. Mais, comme il faut souvent s’y attendre, la moto a ses caprices. Elle relèvera le défi prochainement. Elle aurait voulu affronter d’autres filles. A ce sujet, Stéphane Balkouma rassure: « Il y a des candidatures. Nous ferons tout pour que les filles participent à la prochaine édition».
Parmi les participants, il y a aussi ces jeunes qui n’ont pas les moyens d’acheter une moto de compétition, dont le prix varie entre 5 millions de Francs CFA et 8 millions de Francs CFA, selon qu’elle soit d’occasion ou neuve. Parmi eux, Daouda Bonkoungou, classé deuxième dans la catégorie des motos trafiquées. C’est en suivant une compétition de motocross à Saaba qu’il décide de s’initier.
Les héros méconnus
N’ayant pas les moyens d’acheter une moto, il choisit de transformer sa Yamaha 110, communément appelée Force X. Il la dépouille de ses pièces inutiles, comme le capot, et transforme le bloc moteur tout en renforçant la monture en y insérant du fer. « La moto devient plus lourde, mais ce n’est pas un problème. Si tu maîtrises bien et t’entraînes beaucoup, tu ne ressens plus le poids », explique-t-il.
Cette démarche lui permet de vivre sa nouvelle passion depuis plus de cinq ans. « Je n’ai jamais remporté de compétition. Je suis soit deuxième, soit troisième. Mais la première place viendra », espère Daouda.
Enfin, au moment où le soleil décline et après la cérémonie de récompense, la foule se disperse. Certains, avec leurs motos, s’essaient au circuit, imités par des enfants. C’est sûrement une passion naissante qu’il faudra entretenir.
Boukari Ouédraogo