L’engrais chimique est de plus en plus cher. Le sac de 50 kg qui se négociait entre 15 000 à 16 000 F CFA est cédé désormais à 30 000 ou 35 000 F CFA. Pour les producteurs, son utilisation les maintient dans la dépendance et contribue à dégrader des sols. Certains se tournent vers des méthodes biologiques pour enrichir leurs surfaces de productions. À Banfora dans la région des Cascades, une coopérative de femmes a mis à profit la saison sèche pour produire du Bokashi et du compost en vue de fertiliser leurs rizières.
Ambiance studieuse à l’ombre de gros manguiers. Un groupe de femmes est à l’œuvre. Avec des pelles, des râteaux ou des fourches, elle remue vigoureusement deux monticules. Ils étaient jusque-là couverts de gros sachets en plastique. Le premier amas est composé de sable fin, de bouse de vache, de fientes de poulet et même de sucre, c’est du Bokashi en préparation. Dans le deuxième, on peut y apercevoir des feuilles fraîches, tiges de mil, paille de riz…pour du compost naturel. « Voilà deux ans que nous fabriquons nous-mêmes notre engrais. Ce travail est bénéfique pour nous », nous lance, avec sourire, une dame dans le groupe.
Celle qui semble être la première responsable, Hema Rokia lance aux autres femmes : « ça, c’est prêt, quand ça va sécher, on va épandre ça à l’ombre pour que l’air tape ». Depuis deux mois, les 25 femmes qui constituent la coopérative sont dans ce processus de préparation de la fumure organique. « On a coupé de l’herbe fraîche en fins morceaux, puis on a mélangé. Et toutes les deux semaines, on remue. Quand c’est prêt on ramasse, on envoie dans le champ et on épand sur la superficie », explique Rokia, pelle en main.
Une ruée vers le naturel
Le travail des femmes se fait sous l’œil vigilant de Hema Landry. Il donne souvent de la voix. Pour interpeller, recadrer, donner des directives. Chef d’unité de Banfora, c’est lui qui apporte appui et conseil aux producteurs de deux villages et 15 secteurs de Banfora dans la fabrication des méthodes naturelles d’enrichissement des terres.
« À l’heure où je vous parle, je n’ai pas de repos. Chaque jour que Dieu fait, il y a des sollicitations pour que je vienne montrer la technologie. Sur 100 producteurs, près de 70 sont prêts à s’engager », nous relate le technicien pour qui, cet enthousiasme est dû à l’augmentation sans cesse croissante du prix de l’engrais chimique.
Autrefois cédé entre 15 000 et 16 000 F CFA le sac de 50 kg, il est passé à 30 000 voire 35 000 F CFA. « De façon générale, beaucoup de producteurs sont prêts à retourner vers l’engrais organique parce que l’engrais minéral est trop cher. Tu peux en avoir, mais de mauvaise qualité aussi », résume Hema Landry.
Cette ruée vers le naturel n’est pas seulement liée à la cherté du prix de l’engrais. C’est ce que nous confie Inni Victorine Kam. Formatrice des formatrices en compostage et en agro écologie, nous la retrouvons dans son champ à quelques km de là, à Tarfila, secteur 11 de Banfora. Au milieu de ses plants de salade, d’aubergines, de concombre, de piment et de carotte, elle explique n’avoir jamais utilisé de l’engrais chimique sur son périmètre d’un hectare.
Lire aussi : Ouahigouya, des femmes déplacées se réinventent grâce à l’engrais bio
« Voilà plus de 5 ans que je travaille sur ce site, sans jamais utiliser l’engrais chimique. Vous savez, cet engrais-là appauvrit nos terres. Si tu utilises un sac sur un terrain et tu récoltes. L’année qui suit, il faut deux sacs sur le même terrain, mais quand c’est le compost, ça renouvelle la terre. Au fur et à mesure même, en deux ans tu peux ne plus mettre parce que le sol est bien riche, en plus de cela, tu manges sain », résume la formatrice.
Retour sous les manguiers où Rokia et ses camarades sont en sueur. Le craquement des feuilles mortes des manguiers se mêle au bruit des pelles. Comme l’année dernière, les femmes ont opté pour le Bokashi et la fumure organique cette année encore. Selon le technicien, c’est la méthode de fabrication qui est différente en plus la durée. Le Bocashi a besoin du sucre, d’eau, de levure, des balles de riz, du son de céréales, de la poudre de charbon, de la terre argileuse ou du sable fin, du sucre roux, de la cendre, de la bouse de vache, des pailles broyées.
Lire aussi : Les rêves de Azaël, jeune passionné d’agro écologie à Réo
« Une fois les matériaux réunis, en 15 jours, le produit est fini. Il faut deux retournements par jour pendant 4 jours. Les 11 autres jours, on fait un seul retournement », explique Landry qui précise que l’avantage du Bocashi est que le producteur peut l’utiliser comme l’engrais minéral, de façon localisée aux pieds des plantes avec des résultats en mieux.
Le compost ordinaire lui nécessite moins d’éléments mais n’est prêt qu’après environ deux mois. « Toutes les deux semaines, il faut retourner et faire un contrôle de l’humidité et de la température tous les trois jours », ajoute Landry qui dit préférer de loin le Bokashi. Avec 20 000 d’investissement, l’on peut avoir presque deux tonnes de Bokashi estime-t-il.
Roukia et ses camarades espèrent une bonne pluviométrie pour que les efforts consentis depuis des mois soient récompensés par une bonne moisson.
Tiga Cheick Sawadogo