Burkina Faso : dans le village de Lindi, la pluie est le dernier espoir des personnes déplacées

Burkina Faso : dans le village de Lindi, la pluie est le dernier espoir des personnes déplacées

Dans de nombreuses régions du Burkina Faso, les populations font face aux conséquences du changement climatique, notamment l’irrégularité des pluies. Cette situation est particulièrement difficile pour les déplacés internes (PDI) qui doivent s’adapter à ces nouvelles conditions pour subvenir à leurs besoins. C’est le cas à Lindi, village de la commune d’Ourgou-Manega dans la région du plateau central.

Daba en main, Aminata Koundou et une vingtaine d’autres personnes déplacées internes (PDI) sèment du sorgho blanc. En cette mi-juin, elles veillent à ne pas être surprises par la pluie.  « Nous semons une partie des grains, car nous redoutons les caprices de la pluie. Si nous ne commençons pas tôt, ce sera difficile après. Le sorgho que nous avons semé sera rejoint par la pluie », explique Aminata Koundou.

Amos Bonkougou (casquette jaune) et les PDI en plein semi, Studio Yafa

Les travailleurs sont accompagnés par Amos Bonkougou, animateur de l’association intervillage Zoramb Naagtaaba (AZN). Ce dernier les a formés à la réalisation du compostage et du zaï, technique agricole qui consiste à creuser dans le sol pour retenir l’eau de pluie. Ensuite, Amos les guide sur la bonne manière de creuser. Chacun s’active. « Vraiment, ces formations nous sont très bénéfiques, nos connaissances ont augmenté », s’enthousiasme Roukiatou Kinda.

Le bocage, une solution agroécologique

Toutefois, fertiliser la terre est une chose, mais influencer la pluviométrie en est une autre. Dans le deuxième cas, c’est impossible. Pourtant, l’économiste agricole Saidou Kaboré, par ailleurs directeur de la ferme pilote de Guiè, siège de l’AZN, est convaincu de l’efficacité de cette pratique agroécologique. « Nous avons restauré 952 hectares pour 332 familles et avons 40 hectares en cours pour 12 familles », se réjouit-il.

Le bocage consiste à entourer les champs de haies vives et de bois de sorte à maîtriser l’eau de la pluie, même si elle est irrégulière. En ce qui concerne les terres cédées aux PDI, l’accent est d’abord mis sur les fientes de poules, excellent engrais naturel, ajoute-t-il.

De la semence de sorgho avant la mise en terre, Studio Yafa

Par le passé, les déplacés internes de Lindi survivaient grâce à l’aide de l’AZN. Désormais, ils doivent remuer eux-mêmes la terre pour se nourrir. « Au début, comme ils n’étaient pas aussi nombreux, on leur donnait des vivres, mais maintenant qu’ils sont nombreux, on ne peut pas tout assurer. On s’est dit que c’était mieux de leur apprendre à produire plutôt que de leur distribuer sans cesse des vivres », précise Amos Bonkoungou.

Des déplacés en quête d’autonomie

Cependant, l’irrégularité des pluies pose problème pour ces personnes vulnérables. Badini Bassirou, un sexagénaire, pense que cette situation est imputable aux changements climatiques. « Le temps de maintenant est différent de celui d’avant. Avant, il ne faisait pas aussi chaud, et les saisons ont également changé. Actuellement, il faut surveiller la pluviométrie pour ne pas être surpris », prévient-il.

L’irrégularité des pluies est bien connue de la ferme pilote de Guiè qui recueille régulièrement les données pluviométriques. « La durée de la saison est stable, mais des problèmes surgissent à l’intérieur. Soit il fait plusieurs jours sans pluie, soit de fortes pluies s’abattent en peu de temps, perturbant grandement les cultures et les travaux aux champs », explique Saidou Kaboré, économiste agricole et directeur de la ferme pilote.

Écouter aussi: le bocage sahélien, un gain pour l’homme et la nature

Aucune goutte de pluie n’a humecté Lindi depuis le 22 mai 2024, rapporte-t-il à la date du 12 juin, jour de notre présence. Pourtant, ce matin, une généreuse averse a arrosé Guiè, le village voisin. Incompréhensible pour Haguerata Maiga, déplacée interne. Sans pluie, la préparation des champs est harassante pour cette femme. « Comme il ne pleut pas, le sol est sec. C’est difficile de semer, et l’eau est notre problème. Nous prions pour qu’il pleuve abondamment », résume cette mère de sept enfants, attristée par les difficultés.

Dans l’attente des pluies salvatrices

« Pendant la canicule, les enfants étaient tout le temps à l’hôpital. La situation est difficile car il n’y a pas d’argent et pas assez à manger. Nous fabriquions des poteries pour les vendre, mais cela ne marchait pas bien », regrette-t-elle.

La terre cédée par les villageois pour les travaux champêtres lui permettra donc de récolter quelques vivres. Cependant, avec l’irrégularité des précipitations, la probabilité d’obtenir une maigre récolte est grande. Ousmane Badini, un autre déplacé interne d’une soixantaine d’années, semble inquiet pour sa famille et précise : « J’ai 30 personnes à charge, dont trois femmes, une personne âgée et 26 enfants ».

Saidou Kaboré, tout en rassurant, explique : « Grâce au bocage et aux techniques agricoles, nous parvenons à surmonter ces perturbations au sein de la saison ».

Lire aussi: A Banfora, des productrices agricoles tournent dos aux engrais chimiques

Tandis que les personnes déplacés de Lindi attendent impatiemment les averses salvatrices, l’Agence nationale de la météorologie (ANAM-BF) a annoncé, le 21 mai dernier, une pluviométrie excédentaire qui risque d’être mal répartie sur le territoire burkinabè.

Les précipitations abondantes et irrégulières pourraient entraîner de longues pauses pluviométriques. La situation est particulièrement préoccupante dans les régions déjà vulnérables aux aléas climatiques, précise l’ANAM-BF.

Danielle Coulibaly