La coopérative Yamba D System à Ouagadougou lutte contre la pollution plastique en transformant des déchets plastiques en meubles et objets utiles. Des tables-bancs, des tabourets, des planches pour pépinière et des poubelles sortent de l’atelier écologique. Une bouffée d’oxygène pour l’environnement et une source de revenus pour les femmes qui collectent les déchets plastiques à travers le pays.
« Arrêtez de commander les tables-bancs en bois, donnez-nous le marché et vous ne verrez plus de sachets dans la ville ! », clame Ali Dermé, le manager de la coopérative. Dans son atelier de Karpala, un quartier de la capitale en cette matinée de juillet 2024, l’ambiance est studieuse. Certains ouvriers soudent des tubes fer nouvellement sciés. Pendant ce temps, d’autres rassemblent des planches en plastiques nouvellement sorties de moules.
« Si Yamba D peut produire 10 000 tables-bancs en raison de 30 kg de sachet pour un table-banc, on ne va même plus trouver de sachets dehors », poursuit Ali avec conviction.
Yamba D, coopérative de recyclage des sachets plastiques en objets utilitaires a été créée en 2001. Les premiers responsables de la structure revendiquent leur place de pionnier dans le domaine de la transformation des déchets plastiques. Selon leurs chiffres, à ce jour, il y a « au moins 50 tonnes de déchets plastiques collectés par an ».
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Par contre, c’est avec amertume que Ali explique que malgré les encouragements et félicitations au quotidien, la structure qu’il manage n’a jamais décroché un contrat de marché public. « C’est un peu décourageant », soupire-t-il.
En lieu et place de l’Etat, c’est seulement quelques Organisations non gouvernementales qui sont les clientes de Yamba D System. Convaincue de l’œuvre utile que mènent Ali et ses camarades pour débarrasser l’environnement de ces sachets qui l’étouffent et permettre à des centaines de femmes et de jeunes d’avoir un revenu, une ONG a commandé 8 000 tables-bancs pour différentes écoles. « Ils nous ont aidés à avoir un site pour nous installer à Nanoro », précise le responsable de Yamba D.
En plus du manque de marché public, il regrette l’impact de la crise sécuritaire sur les activités de la coopérative. « Une de nos collectrices a même pleuré quand on a arrêté la collecte à Ouaga, parce que grâce à l’argent qu’elle gagnait, elle soutenait son mari au chômage, en payant la scolarité des enfants », précise-t-il, ému.
Discrimination positive assumée
L’autonomisation des femmes est aussi un objectif de la coopérative. Le secrétaire général, Cheick Amed Nikiema, explique que l’autre moitié du ciel est à l’honneur à la coopérative. « On achète les sachets aux femmes à 100 francs CFA. Si c’est un homme qui vient, on n’achète pas, parce qu’on veut donner ce marché à nos mamans », dit-il.
Une décision qui peut paraître radicale, mais qui s’explique. Au début de son aventure, la coopérative achetait des déchets plastiques avec des hommes avant de se rendre compte d’une supercherie. « Certains hommes achetaient le kilo à 25 francs CFA, parfois moins, avec les femmes, pour venir nous revendre à 75 francs CFA », se justifie le manager.
Situé à Karpala, à Ouagadougou, l’atelier de soudure de la coopérative vit au rythme du brouhaha des machines et de la musique, boostant l’ardeur des jeunes employés. Outre les tables-bancs faits avec les déchets plastiques, Yamba D System produit aussi des tabourets, des planches pour pépinières et des poubelles à quatre compartiments destinés au tri sélectif.
« Les planches sont vendues 40 000 francs CFA, elles sont si résistantes que tu peux les utiliser toute ta vie, si ce n’est pas le feu qui va les détruire », vante Ali Dermé. Tout en se réjouissant de la création du Fonds d’intervention pour l’environnement (FIE), visant à soutenir l’économie verte, le jeune manager exhorte les autorités à privilégier les meubles fabriqués à partir de sachets recyclés pour en finir avec la pollution plastique au Burkina Faso.
Danielle Coulibaly