Burkina: A Ouaga, des bouchers se font des couilles en or sur les « Lambiissi »

Burkina: A Ouaga, des bouchers se font des couilles en or sur les « Lambiissi »

A Ouaga, certains bouchers ont des spécialités atypiques. Ils se sont rendus célèbres dans la préparation des testicules de ruminants. Le « lambiissi » en langue nationale mooré ou rognon blanc pour faire plus soft, se déguste sous plusieurs formes. Vous trouverez des testicules de ruminants sautés, à la sauce, à l’ail, grillés, en brochettes, au dolo, au vin. A chacun son goût. Et contrairement à une idée reçue, les femmes sont les grandes amatrices des « lambiissi ».

Lambiissi.com. Iliasse Ganamé n’a pas cherché loin quand il s’est agi de baptiser sa boucherie. Au quartier Gounghin de Ouaga, c’est un endroit incontournable pour certains clients friands de testicules de ruminants. Le jeune homme s’est fait un nom dans le domaine depuis 2008 qu’il travaille à son propre compte. 

Iliasse Ganamé est dans le business des lambiissi depuis 2008, Studio Yafa

En cette soirée de juillet 2024, le lambiissi.com, reconnaissable de loin par un écriteau, est quelque peu calme. Iliasse en profite pour mettre de l’ordre dans son réfrigérateur. De petites boules soigneusement enveloppées dans des sachets blancs sont bien fraîches et surtout prêtes à passer à la casserole. C’est l’élément vedette de la boucherie. 2000 F CFA la paire.

 « Le jour où on n’a pas eu de lambiissi, les gens ne veulent même pas les autres produits qu’on propose. C’est vraiment la base de notre métier », explique le boucher tout en disposant sa marchandise sur une grosse assiette. De  8h jusqu’à 1h, aidé par ses cinq employés, il reçoit ses clients qui affluent pour déguster sa spécialité. « Quand le marché est bon, je peux vendre plus de 100 testicules par jour », se réjouit-il.

Dans les mains féminines

Sur les réseaux sociaux, c’est elle la reine des testicules. Aziza Sawadogo, restauratrice et dolotière fait régulièrement des postes comiques avec en main, des testicules qu’elle tient fermement. Au quartier Pissy de Ouaga où se trouve son restaurant, nous la retrouvons en pleine séance de travail. En plus des mets traditionnels qu’elle propose, elle grille des brochettes particulières sur un fourneau… Là également, c’est une spécialité maison. « Quand je n’ai pas ça au menu, c’est comme si je n’ai rien préparé », nous explique la cuisinière pour faire comprendre à quel point le met est très sollicité. La preuve, les brochettes au feu sont une commande de clients sur une liste d’attente.

Pour avoir des lambissi au restaurant de Aziza, il faut commander des semaines à l’avance, Studio Yafa

« Il y a des gens qui lancent la commande à l’avance, deux à trois semaines avant. Quand ça vient, je n’arrive pas à publier. Dès que tu publies et que les gens demandent et tu dis que c’est fini, certains s’énervent même. Par exemple pour aujourd’hui là, c’est une liste d’attente. Ce n’est pas un plat qui reste. Quand ça vient seulement, c’est parti », poursuit Aziza tout en badigeonnant les brochettes d’huile mélangée d’épices. Il faut faire vite. Il est presque midi et des client.es attendent impatiemment de déguster des testicules.

Des idées reçues brisées

Contrairement au patron de Lambiissi.com, Aziza n’appelle pas sa spécialité par son vrai nom. La métaphore trouvée est « le rognon blanc ». Mais pourquoi ? « On m’a dit de changer de nom. Je ne sais pas pourquoi, mais j’appelle ça maintenant le rognon blanc », nous révèle-t-elle, non sans pousser un fou rire. Une idée reçue veut que les femmes ne doivent pas manger de testicules. Mais selon Aziza, cela n’a aucun fondement. Ni religieux, ni traditionnel. 

4 000 F CFA pour chaque lambiisi au maquis le royaume des stars, Studio Yafa

« C’était pour manger nous laisser seulement. J’ai demandé en vain pourquoi, je n’ai pas eu de réponse. J’ai posé la question à mon père aussi, aucune réponse », dit-elle avec conviction. Aziza ajoute d’ailleurs que ce sont les femmes qui constituent l’essentiel de sa clientèle. Ce mets aurait un bienfait particulièrement pour l’autre moitié du ciel. Un secret que la dolotière se garde de nous révéler.

A Lambiissi.com également, Iliasse Ganamé confirme l’attrait des femmes pour les testicules. Selon lui, « ce sont les femmes même qui sont les clientes fidèles. Elles adorent ça. Certaines en achètent aussi pour donner à leurs maris ». Hélène Kafando est justement une habituée des lieux. Régulièrement, seule ou avec ses camarades elle vient manger les lambiissi sautés à l’ail. « Toutes les femmes aiment le lambiissi. C’est bien fait et c’est doux. J’aime accompagner ça de pain », rassure la fidèle cliente.

Une matière première rare

Il est midi et dans le restaurant de Aziza, Paulin Nacoulma a pris place. Il commande les quelques brochettes de lambiissi restantes, accompagnées de gonré, pâte de haricot. C’est un habitué du mets. «  Quand je pars chez un boucher, si y en a, je préfère en commander. J’aime le goût. Je ne sais pas si ça des vertus particulières, mais j’apprécie son goût », nous lance le client en savourant ses brochettes. Au-delà du goût, certains clients aiment les testicules pour d’autres raisons.

Des clients dégustent des lambissi sautés à l’ail, Studio Yafa

Chez Iliasse Ganamé, André Kontiébo vient de finir un plat de 4 000 Fr de lambiissi avec des amis. Lui dit préférer ce plat à la viande rouge parce que cela rendrait viril. «  Comme l’animal même est viril pour faire ce que vous savez là… c’est à cause de cela beaucoup de gens aiment les lambissi », nous chuchote-t-il. Mais seulement, a-t-il fait l’expérience ? Lui retournons-nous. « Effectif », se contente-t-il, avec un sourire non dissimulé.

Ceux qui ont fait des lambiissi leurs business à Ouaga sont unanimes sur une chose. De plus en plus, il est difficile de s’en procurer. Au royaume des Stars, un débit de boissons à Pissy, Konditambé Drissa est en passe de jeter l’éponge. La demande est plus forte que l’offre. « Depuis 5 ans je vends ça, mais vraiment c’est compliqué maintenant », maugrée le jeune boucher. Affirmatif semble lui répondre Aziza qui ajoute qu’il faut être dans le circuit pour être servi. « C’est compliqué à trouver, surtout à l’abattoir, c’est un circuit. Je peux faire une semaine sans avoir. Tellement ça manque, pour en avoir, je me déplace à Tanghin Dassouri, Kokologho », confirme-t-elle.

Il est midi passé. Clément, le livreur de Aziza, place plusieurs kits dont des lambissi dans son gros sac à dos. Dans plusieurs quartiers de Ouaga, il ira livrer la marchandise à des clients qui piaffent d’impatience de déguster.

Tiga Cheick Sawadogo