Aux Jeux olympiques de Paris, du 26 juillet au 11 août, le Burkina Faso place ses espoirs en athlétisme sur deux athlètes : Hugues Fabrice Zango au triple saut et Marthe Koala au saut en longueur. La Fédération burkinabè d’athlétisme a des objectifs ambitieux avec ces deux athlètes en préparation pour ce rendez-vous de haut niveau. Dans cette interview, le directeur technique de la fédération burkinabè d’athlétisme Missiri Théophile Sawadogo montre sa confiance envers ces deux athlètes qui pourraient apporter la deuxième et la troisième médaille olympique au Burkina Faso.
Le Burkina Faso se prépare pour les Jeux olympiques, en athlétisme, quels sont les objectifs avec vos deux athlètes Marthe Koala et Hugues Fabrice Zango ?
Nous objectifs c’est les meilleurs. Nous pensons revenir avec quelque chose dans le sac même si nous savons que les Jeux olympiques sont l’une des compétitions les plus relevées du monde parce que tous les meilleurs du monde sont là. L’enjeu est de taille. Nous avons mis tout en œuvre pour que nos deux athlètes se préparent dans de bonnes conditions. Ils sont en stage intensif, s’ils sont tous en bonne forme, ils ont le niveau pour remporter des médailles. Mais une compétition dépend de la forme du moment. Nous espérons qu’ils sont en bonne forme pour nous ramener quelque chose. Vous suivez les compétitions, ils sont parmi les trois ou quatre meilleurs du monde. Fabrice, s’il n’est pas premier, il est 2e au pire des cas. Mais il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. C’est la réalité de la compétition qui est réelle. Nous espérons qu’ils seront à la hauteur de la tâche.
Hugues Fabrice Zango a déjà une remporté le bronze. Le premier pour le Burkina Faso aux Jeux olympiques. Il vise maintenant la médaille d’or. Est-ce possible ?
C’est normal. Tout athlète qui participe à une compétition vise d’abord la médaille d’or. Mais comme on aime le dire, c’est la réalité du terrain qui commande la manœuvre. Il a beaucoup travaillé. Il a commencé par la médaille de bronze, ensuite l’argent et l’or au niveau mondial. Maintenant, c’est au niveau olympique qu’il cherche la médaille d’or. Nous espérons que le travail qu’il a pu faire jusqu’à ce niveau-là, puisse donner des résultats. Si toutes les chances sont avec lui, nous reviendrons avec la médaille d’or. Mais nous sommes des entraîneurs. Nous savons que plusieurs raisons peuvent empêcher le succès mais nous pensons qu’il ramènera la médaille d’or.
Il y a Marthe Koala, au saut en longueur, qui n’a jamais été aussi proche d’une médaille. Etes-vous convaincu que c’est le bon moment pour elle ?
Marthe Koala est actuellement l’une des outsiders. Toutes les filles du monde ont peur d’elle en ce moment. Lors de la dernière compétition à Paris, même la championne du monde s’est classée derrière elle. Ce qui veut dire que tout est possible. Les deux athlètes, chacun d’eux a le niveau pour avoir une médaille.
« Marthe est à son apogée »
On s’attendait à ce que le Burkina Faso envoie plus d’athlètes. Mais ils ne sont que deux en athlétisme, qu’est-ce qui explique cela ?
Pour préparer les Jeux olympiques, il faut au minimum huit ans. Le programme que nous avons mis en place pour que nos athlètes puissent avoir des médailles, s’est fait depuis 2016 pour aller vers 2024. Ils ont été très précoces. Fabrice en 2019 était déjà au niveau mondial tandis que Marthe a traîné un peu parce qu’il y a eu beaucoup de perturbations. Au départ, elle faisait l’heptathlon. On s’est rendu compte qu’il y avait quelques difficultés. On est revenu sur la longueur. Elle est à son apogée. C’est le bon moment pour elle de ramener une médaille. Fabrice, devra chercher à bisser. Au dernier championnat du monde, j’étais avec elle. Au premier essai, elle avait déjà fait la performance qualificative directe sans faire un deuxième essaie. Si elle avait refait cette même performance, elle avait une médaille de bronze à la finale. Mais comme je le dis, chaque compétition a sa réalité. Il y a la pression, le manque d’expérience, elle a passé toute la nuit à penser à la médaille plutôt que de mieux dormir la nuit.
Je pense que cette expérience va lui servir. La préparation prend trop de temps. Nous avons déjà douze athlètes pour Los Angeles 2028. Ils ont des bourses. Cela va leur permettre de se préparer. Il faut donc que nous voyons très loin pour avoir des bourses. Nous pouvons former des athlètes de haut niveau mais nous n’avons pas d’infrastructures. On n’a pas de pistes. On n’a pas de médecine très développée, on n’a pas les compétitions qu’il faut. Si tout cela n’est pas réuni, c’est difficile de faire des résultats. Cette année, j’avais quatre athlètes que je préparais. Il y a Madina Touré qui était très proche. Il y avait Sibiri Sita mais avec le BAC, cela a perturbé sa préparation. Il y a également Sawadogo Bienvenu qui a eu quelques soucis. On pensait pouvoir le récupérer. Mais c’était très juste et le délai était passé. Je suis sur deux dossiers pour que nous puissions avoir des athlètes dans des centres d’entraînement de très haut niveau. Déjà, il faut travailler à avoir des athlètes qualifiés.
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Comment les performances de Marthe Koala et Fabrice Zango peuvent booster les jeunes puisqu’on est dans un pays où les gens sont portés plus vers le football ?
Je connaissais le Kenya dans les documents à travers son football à part des équipes comme le Gor Mahia. Mais aujourd’hui, on ne parle plus de leur football mais de l’athlétisme ou rien. C’est pareil en Ethiopie. C’est maintenant que l’on commence à parler du football éthiopien mais l’athlétisme est très loin devant. De grands athlètes comme Haile Gebrselassie ont posé des bases d’un athlétisme de très haut niveau. Je vous rappelle que c’est un athlète qui emploie plus de cinq mille employés dans ses hôtels. C’est énorme. Les gens ont compris que ça donne beaucoup d’argent. Hugues Fabrice Zango et Marthe sont pour nous des lampes. Il y a un jeune, Loué Yacouba qui a côtoyé Hugues Fabrice Zango. Il a vu en lui quelqu’un de très talentueux. Cela donne déjà des résultats. Il fait 16,31 au triple saut sur une piste en cendrée, c’est exceptionnel. Il y a des jeunes des minimes, des cadets, des juniors qui suivent. Il y a les jeunes comme Soumaila Sabo, Zongo Hawa, Zalissa Zongo, Sibiri Sita qui regardent ces gens qui pensent qu’il faut qu’ils fassent mieux que ces derniers. Il y a des parents qui nous appellent pour nous dire qu’ils veulent que leurs enfants pratiquent de l’athlétisme. Si tout est réuni on peut avoir plusieurs athlètes comme en Côte d’Ivoire avec trois athlètes qui sont au très haut niveau.
Comment arrivez-vous à former des athlètes alors qu’il manque beaucoup d’infrastructures ?
L’athlète se construit d’abord dans la tête. Mais je dirais que c’est déjà génétique. Si vous n’avez pas le talent quel que soit ce qu’on vous donne comme programme d’entraînement, cela ne donnera rien. Il faut d’abord que ce soit innée. Après, l’athlète est comme le magnétophone avec la cassette, il y a la bande qui est là avec le talent, et nous sommes le bouton « rec » qui permet d’enregistrer et écouter la chanson. Si l’athlète a le talent, nous arrivons à faire de très bonnes détections. Il faut donc une bonne organisation, une bonne vision, des techniciens qui savent ce que c’est que le haut niveau pour ne pas détruire les athlètes. Un athlète de très haut niveau, à un certain moment a des sponsors qui lui permettent de progresser. Mais avant, il faut les détecter les soutenir. On peut trouver beaucoup de Hugues Fabrice Zango si la dynamique se poursuit.
Vous avez confiance pour ces JO de Paris ?
Les athlètes ont reçu des bourses même s’ils sont souvent dans de petits besoins. Nos athlètes sont confiants. Les dernières compétitions me mettent en confiance. Ils ont la motivation. Il y a le ministère en charge des spots, le comité national olympique et des sports burkinabè qui soutiennent nos athlètes. Avec tout cela, nous pensons que nous allons réussir.
Entretien réalisé par Boukari Ouédraogo