Carmel Koné, jeune prodige du judo burkinabè, se prépare avec acharnement pour réaliser son rêve des Jeux olympiques de Paris. Malgré des moyens limités, il porte en lui l’espoir de décrocher la première médaille africaine dans sa discipline.
Il est 19 heures, Carmel Koné, arrive au club Onatel sur sa moto. A l’intérieur du dojo, l’atmosphère est déjà animée par les mouvements rythmés des judokas qui s’entraînent. Carmel salue respectueusement ses maîtres qui l’attendaient avec impatience. Puis, il entre dans le dojo, un espace modeste aux murs blanc et bleu, marqués par le temps et aux tapis tatamis usés par endroits par les années de pratique. Une partie du dojo ressemble à un magasin où sont entreposés des tatamis déplaçables, des bancs et des chaises métalliques sont posés pêle-mêle.
Sur un pan du mur, un poster de trois judokas illustres domine la scène à côté du code d’honneur du judo. Rodrigue Douamba, l’un des juges internationaux assiste à la dernière séance d’entraînement de Carmel. Il en profite pour expliquer avec fierté : « Les trois que vous voyez sont les maitres fondateurs du club. Et là, c’est le code d’honneur du judo qui met l’accent sur la discipline ».
Un drapeau du Burkina Faso accroché au mur complète le décor. Des attestations de réussite rappellent quelque peu, des exploits passés sur un autre côté. Le dojo n’est pas grand. Mais une atmosphère d’envie, de détermination mais aussi d’envie y règne. C’est là que Carmel Koné se prépare pour les Jeux olympiques de Paris 2024.
Sa source d’inspiration
Pour Carmel, chaque séance est une occasion de se rapprocher un peu plus de son rêve : briller à Paris. « L’objectif c’est de ramener la médaille. Mais on va se battre pour donner tout ce qu’on a pour ne pas avoir des regrets après », dit-il le souffle court, le visage en sueur.
Le jeune judoka burkinabè admire particulièrement le Japonais Shohei Ōno, double champion olympique. Il rêve de suivre ses traces. « Ōno est un modèle pour moi. Sa technique, sa discipline et j’aimais sa manière de se comporter quand il gagnait, il reste impassible », dit-il. C’était lorsqu’il évoluait dans la catégorie des moins de 73 kg. Désormais, Carmel a pris du poids et évolue dans la catégorie des moins de 90 kg.
Carmel a tenté de bénéficier d’un stage à l’étranger pour maximiser ses chances. Malheureusement, les délais trop courts et les difficultés administratives ont rendu cela impossible. « On a dû faire avec les moyens de bord, gérer avec les moyens de bord avec l’entraîneur national. Nous n’avons pas pu faire de stage à l’extérieur. C’est ici que nous avons travaillé », dit-il le visage marqué par la détermination.
Il est le seul, parmi les qualifiés du Burkina Faso, à s’entraîner sur place. Il manque de moyen : matériels de pointe, de temps, de sparing partner de haut niveau. « Cela allait être un plus parce que j’aurai pu me confronter à des athlètes expérimentés que je pourrai croiser aux Jeux olympiques », avoue-t-il avec un soupçon de regret dans la voix.
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Mais peu importe, cette situation n’entame pas sa détermination et son mental, l’une de ses qualités que reconnaît son entraîneur Hermann Zoungrana : « Carmel, c’est quelqu’un d’endurant, mentalement fort, humble, un travailleur. C’est un grand bosseur. Il n’a jamais lésiné sur le travail », assure-t-il. Hermann Zoungrana a été champion d’Afrique en 2011. Il connaît bien la scène internationale pour avoir parcouru plusieurs capitales africaines.
En juin 2024, lors de l’Open d’Abidjan, Carmel Koné décroche la médaille de bronze validant ainsi sa qualification pour les jeux olympiques 2024. Mais, il fallait attendre la confirmation, trois semaines plus tard. « Je savais que j’allais y participer un jour. C’était un sentiment de joie quand j’ai vu la liste et l’invitation. Après l’open d’Abidjan, je savais que j’allais le faire parce qu’au championnat d’Afrique, j’ai engrangé quelques points. Cela m’a aidé à progresser », raconte-t-il toujours aussi souriant.
A l’AS Onatel, cette qualification était très attendue. Carmel est le troisième athlète du club à se qualifier aux Jeux olympiques après Salif Ouiminga en 2000 à Sidney et Rachid Sidibé aux Jeux de Rio en 2016. Hermann Zoungrana, son entraîneur a suivi tout cela de très près. « Ça n’a pas été très simple parce que cela s’est fait à la dernière minute. On est passé par toutes les émotions. Aujourd’hui, on est fier », se réjouit-il.
La participation de Carmel aux Jeux olympiques 2024 est plus qu’une simple aventure personnelle. Elle représente une opportunité de mettre en lumière le judo burkinabè. Et même plus. « Aucun africain n’a décroché une médaille ou n’a même atteint les quarts de finale. Donc, décrocher une médaille, cela va booster le judo africain au-delà du judo burkinabè », espère-t-il.
Une occasion de faire connaître le judo
Le judo est une discipline peu connue au Burkina Faso. La médiatisation de la compétition pourrait être un grand tremplin. « Au quartier, les gens savent que je pratique un sport. Mais ils pensent que c’est le karaté », regrette-t-il en riant.
Son coéquipier Chico Ngonga Malanda qui partage avec lui les rigueurs de l’entraînement, ne cache pas sa fierté face à cette qualification qui honore d’abord le club. « Aujourd’hui, les sports individuels ne sont pas assez médiatisés (…) L’exemple de Carmel sera une grande publicité pour nous », se réjouit Chico, tout en espérant que cette réussite attirera davantage l’attention sur la discipline.
Carmel doit beaucoup à sa famille, en particulier à son père, un pratiquant de taekwondo. Initialement, son géniteur souhaitait inscrire son fils dans le même sport. Mais un ami l’a convaincu de l’inscrire au judo.
« Nous sommes très éloignés du club. Chaque fois, le papa faisait l’effort de venir me déposer, de me ramener, de s’arrêter attendre que l’entraînement finisse, de me ramener à la maison », raconte-t-il. Quand le père est absent, c’est la mère qui parcourt environs 35 km entre Zakin, dans la commune de Saaba, pour le déposer à l’entraînement poursuit-il avec gratitude.
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Au Burkina Faso, les jeunes sont plus tournés vers le football, le sport roi. Carmel, lui-même a hésité entre le football et le judo avant de se décider. « Personnellement, quand j’étais petit, je voulais devenir footballeur avec les sportifs qu’on voit à la télé. Mais quand je pratiquais le judo, je me suis rendu compte entre-temps que je m’y plaisais. Je m’en sortais bien tant psychologiquement, moralement. Donc, je me suis donné les moyens de devenir champion », se souvient-il.
Son premier titre de champion, il s’en rappelle comme si c’était hier. En 2017, à seulement 17, ans, ses coachs décident de le surclasser en catégorie sénior avec des athlètes plus expérimentés. Il crée la surprise et devient championnat national. Cette victoire lui ouvre les portes des compétitions internationales.
« Si tu ne remportes pas le championnat national, tu ne fais pas les compétitions à l’extérieur. C’était vraiment un grand pas », admet-il. C’est sur cette lancée que s’inscrit la carrière de Carmel. Et pour lui, les Jeux olympiques ne constituent qu’une première étape de la carrière qu’il veut se tracer dans le judo parallèlement à son métier de professeur de sport qu’il entamera à la rentrée scolaire 2024-2025.
Boukari Ouédraogo