Burkina : Vacances scolaires, période de galère pour les enseignants du privé
Enseignant écrivant au tableau, AMISOM via Iwaria.

Burkina : Vacances scolaires, période de galère pour les enseignants du privé

Deux mois que les écoles ont fermé pour les vacances. Cette période, synonyme de repos pour les enseignants est aussi et surtout un temps de difficultés financières pour les enseignants du privé, les vacataires. Sans salaire pour la plupart, ils s’occupent autrement en attendant impatiemment la reprise des cours.

Jeudi, 10h, collège la sagesse de Tampouy au nord de Ouagadougou. Classes fermées, tables du petit marché renversées, verdure grandissante. Aucun bruit, aucune âme ne plane dans cette école aux allures d’établissement délaissé. Normal, nous sommes en juillet et c’est la période des vacances scolaires. Ici comme dans toutes les écoles du pays, il n’y a pas cours depuis au moins deux mois.

A la place des élèves et leurs enseignants, ce sont les ruminants qui règnent en maître. Ils profitent de la végétation sauvage, témoin de l’inoccupation des lieux. Déjà deux mois que Pacôme Tapsoba n’a plus mis pied dans cette école. Le professeur de physique Chimie découvre l’air stupéfait la transformation qui s’y est opérée en si peu de temps.

En cette matinée peu ensoleillée, il est vêtu d’un tee-shirt blanc sur lequel on peut voir la photo de Messi et d’une culotte rouge en dessous de laquelle sortent des jambes frêles. Un accoutrement qu’il justifie par le fait qu’il est en vacances et que son domicile n’est pas éloigné.

Période de vache maigre

Le jeune professeur marche rapidement. Ensemble, nous sillonnons l’enceinte de l’établissement, il nous indique du doigt les classes qu’il tient: « Il y a la sixième, la quatrième et la troisième ». Tout en se souvenant de ce que sont ses journées en période de cours, « il y a du tout hein. Ils te fatiguent, mais il y a certain qui sont bien aussi. Chaque jour tu ne sais pas à quoi t’attendre avec ceux-là (les élèves » s’est-il enthousiasmé avec d’un sourire qui transcrit nettement sa nostalgie.

Plus que ses élèves, ce qui manque à ce jeune professeur, c’est surtout son salaire « C’est vrai que ce n’était pas aussi beaucoup que ça. Mais au moins avec ça tu savais comment t’organiser », regrette-t-il, avant de poursuivre, « à l’heure-là comme ça si je te dis que ça va, c’est que je mens même, sérieux ».

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A plusieurs kilomètres de là, le constat est le même. Bassirou Sana est professeur d’Anglais dans un lycée privé de la place. Mais c’est à l’université Joseph Ki Zerbo que nous le retrouvons. Il dirige une réunion en vue de l’organisation d’une activité pour l’association dans laquelle il milite. Les échanges sont vifs, interactifs. Il est visiblement mécontent du rendu de ses collaborateurs, le ton monte alors.

Cette rencontre comme plusieurs autres actions menées par l’association, sont une façon pour lui de s’occuper en cette période d’inactivité pédagogique.  « Pendant les vacances, on n’a pas d’activités. Donc, généralement, on fait d’autres activités en parallèle. Ou bien on continue toujours de se former. Sinon, pour l’instant, il n’y a pas grand-chose » explique le jeune enseignant vacataire.

Comme Pacôme lui aussi dit subir de plein fouet les conséquences de cette période de vacances. Novice dans le domaine avec à peine un an d’expérience, le jeune professeur n’a pas anticipé sur cette période creuse. « Franchement moi ça m’a surpris. D’ici je vais me rendre compte, on dit ce sont les vacances », s’exclame-t-il. Sans femme ni enfant, il n’en demeure pas moins que le jeune homme de 27 ans à des charges comme son loyer, son transport, sa restauration. Il a aussi des projets qui sont à l’arrêt, situation oblige.

Activités parallèles

En lieu et place de la craie, ses pédagogues se tournent vers d’autres activités qui pour combler le trou financier qui juste pour avoir de quoi à faire. C’est après avoir cherché du travail en vain que Bassirou s’est rabattu sur le militantisme associatif. Il n’aura pas d’argent, mais au moins ses journées sont chargées et il espère aussi avoir la « Baraka ».

A quelques jets de pierre de là où Bassirou et ses collaborateurs tiennent leur réunion, au sein de la même université, nous retrouvons un autre. Lui est professeur d’anglais. Assis dans un petit amphithéâtre au milieu de ses promotionnaires, Aruna Bandé a l’air concentré. Les yeux braqués sur le tableau, il suit attentivement les explications du professeur.

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C’est un cours d’Arabe, c’est ce qu’il a trouvé à faire pour s’occuper en attendre la reprise. « A défaut de travailler, bon au moins tu continues à apprendre quelque chose d’autres, il ne faut jamais cesser d’apprendre, on ne sait jamais ».

Certains enseignants jugeaient leur salaire dérisoire comparativement à leur charge de travail. Cette période n’arrange en rien les choses pour eux. Pendant que les élèves se reposent, leurs maîtres eux se creusent les méninges pour « survivre » en attendant la reprise.

Lagoun Ismaela Drabo