Le jeu d’échecs, encore méconnu au Burkina Faso, est souvent perçu comme une discipline réservée aux élites et aux Européens. Certains passionnés sont déterminés à changer cette perception à travers des compétitions.
Un samedi soir comme les autres, la direction régionale des sports de la région du Centre est l’antre d’une compétition de jeu d’échecs. Dans un coin, une dizaine de tables alignées sous un hangar. Sur chaque table, un échiquier, les pions, une pendule pour chronométrer. Les chaises, encore vides, attendent l’arrivée des joueurs. L’arbitre, Fidé Wonibangue Pakidame, un jeune Togolais venu apporter son expertise, avance pour annoncer les oppositions.
« Il y a quelques règles à respecter. Les téléphones portables doivent être hors de la zone de jeu. S’il y a un téléphone qui sonne au cours du jeu, la personne perd la partie », explique-t-il alors que les candidats prennent place. L’objectif est d’éviter toute suspicion de tricherie. Puis, il leur demande de vérifier les pièces, les pendules. « Vous avez chacun dix minutes », indique-t-il avant de souhaiter le fair-play.
Une passion familiale
Parmi les joueurs, Claire Marie Dah doit affronter un adversaire inattendu : son fils de dix ans. « Ça va chauffer », lâche-t-elle en riant avec un mélange de nervosité et d’excitation dans la voix. Tous deux, concentrés, déplacent les pions à tour de rôle, arrêtent le chrono, observent, réfléchissent, déplacent à nouveau…
La nervosité de Claire Marie est visible, mais elle essaie de rester calme. Son fils est plus concentré et déplace ses pions avec plus d’habileté. Le garçon semble anticiper plusieurs coups d’avance. Puis, il réussit à prendre sa mère au piège. « Échec et mat, maman », dit-il tout timide. Marie se penche et félicite son fils. « On n’arrivait pas à se comprendre. On a beaucoup dérangé l’arbitre, mais au finish, il a gagné. Mais je suis contente quand même. Je ne me décourage pas », dit-elle.
Claire Marie Dah a découvert le jeu d’échecs il y a quelques semaines lorsqu’elle cherchait une activité de loisir pour son fils. Une amie lui conseille ce jeu. « Elle m’a dit que ce serait bien pour mon fils et pour moi-même », se souvient-elle.
Après quelques semaines, elle tombe sur le club de jeu d’échecs de Ouagadougou dirigé par Cabonel, un Espagnol vivant au Burkina Faso. Alors, elle participe à un atelier de formation où les règles du jeu d’échecs lui sont expliquées avec son fils. Rapidement, les deux tombent amoureux de ce jeu et s’affrontent souvent à la maison. « Il apprécie énormément. Il a toujours l’esprit de gagner. Donc, il aime bien autant que moi. Il a encore la mémoire fraîche. Il s’en sort mieux que moi », reconnaît Claire Marie.
Un jeu de stratèges
Pour Claire Marie, les échecs sont bien plus qu’un simple passe-temps. Elle croit fermement que ce jeu est bénéfique pour son fils. « S’ils se concentrent de la même manière sur leur cahier, ils vont avoir de très bonnes notes. C’est un jeu qui augmente l’intelligence parce qu’il faut faire des calculs pour bouger les pièces. Il faut être intelligent pour faire ça. Et si tu bouges mal les pièces, tu perds facilement », explique-t-elle.
Jean Ajavon Ayayi, spécialiste du jeu d’échecs, décrit ce jeu comme une guerre entre deux royaumes nécessitant une stratégie élaborée. « C’est une guerre entre deux royaumes. Vous avez une stratégie à élaborer comme dans une vie normale, sauf que cela se passe au temps médiéval », explique-t-il. Selon lui, le jeu d’échecs exclut le facteur chance et repose uniquement sur la connaissance et la stratégie. « Aux échecs, il faut avoir la connaissance. Il ne faut pas se dire que parce qu’on joue, on va avoir l’expérience. Il faut étudier des livres pour pouvoir progresser », insiste-t-il.
Parmi eux, Jean Eric Kaboré, 27 ans, a appris à jouer aux échecs à l’âge de 16 ans grâce à son père. Au fil du temps, il s’est perfectionné et est passionné par le jeu d’échecs. « C’est un jeu très simple, stimulant et passionnant », confirme-t-il.
Une discipline à promouvoir
Cependant, au Burkina Faso, les échecs restent peu connus et souvent perçus comme un jeu réservé aux riches. Idrissa Koita, fervent défenseur de cette discipline et nouvellement certifié arbitre par la Fédération internationale des échecs, s’efforce de dissiper ces préjugés.
« Il faut que les gens comprennent qu’il faut se décomplexer, que les gens comprennent que les jeux d’échecs, c’est un jeu comme les autres, qu’on peut apprendre très facilement. Qu’on peut apprendre sans être riche. C’est un jeu intellectuel », affirme-t-il avec passion. Selon lui, on peut apprendre les bases du jeu en 24 heures, mais il faut ensuite se perfectionner pour devenir meilleur.
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Les joueurs d’échecs du Burkina Faso se sont regroupés en fédération pour créer un cadre de pratique favorable et populariser cette discipline. Cela passe notamment par la formation des jeunes dans les écoles du pays, une initiative qui promet de démocratiser le jeu d’échecs et de révéler de nouveaux talents.
Boukari Ouédraogo