Aux Jeux olympiques, Ibrahim Idrissa Maïga prodige burkinabè du taekwondo dans la catégorie des moins de 68 kg veut marquer l’histoire à Paris. Son inexpérience à un tel niveau de la compétition ne l’empêche pas de rêver d’une médaille.
Février 2024, Dakar. Une forte ambiance règne dans la Dakar Arena. Des applaudissements et chants s’élèvent dans une partie des tribunes avec des supporters sénégalais. Le tournoi de qualification olympique en taekwondo pour Paris 2024 bat son plein, et ce soir-là, les regards sont rivés sur un combat important dans la catégorie des moins de 68 kg.
Sur le tatami, le Burkinabè Ibrahim Idrissa Maïga fait face au Sénégalais Mansour Lô. Les deux hommes ne sont pas des inconnus l’un pour l’autre. Leur histoire commune est marquée par des confrontations intenses, dont l’une avait vu Maïga décrocher une médaille de bronze aux Jeux africains d’Accra, face à ce même adversaire. Cette fois l’enjeu est de taille : une victoire garantirait à Maïga une place aux Jeux olympiques de Paris.
La joie de la qualification
Ibrahim Idrissa Maïga, serein malgré l’hostilité d’un public sénégalais déchaîné, affiche une concentration imperturbable. L’arbitre donne le signal. Dès les premiers échanges, l’ancien champion du Burkina Faso et devenu champion d’Espagne en 2023, montre sa détermination. Il domine, marque les premiers points et remporte le premier round 7-2. La qualification semble à portée de main.
Pourtant, le public sénégalais, redouble d’ardeur. Leur soutien inébranlable galvanise Mansour Lô, qui trouve en lui la force de riposter. Il égalise (8-6) forçant le recours à un troisième round décisif. Mais cette fois, aucun des deux athlètes ne veut prendre de risque, aucun point n’est marqué. La décision revient donc au jury qui tranche en faveur de Ibrahim Idrissa Maïga.
La joie explose dans ses yeux, il salue son adversaire avec respect et humilité. « Ma qualification était un moment de joie. C’est quelque chose pour laquelle je me suis battu. On connaissait l’objectif, on l’a fait. C’était un moment de joie et de consécration », se souvient l’athlète de 25 ans. Ce triomphe marque sa troisième victoire en trois combats lors de ce tournoi.
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Cette qualification permet à Ibrahim Idrissa Maïga d’oublier les qualifications manquées pour les Jeux olympiques de Tokyo. Moins expérimenté, il n’avait pas réussi à se qualifier. « J’avais raté la qualification pour les Jeux de Tokyo et je m’étais dit qu’il fallait absolument que je sois à Paris », rappelle l’actuel vice-champion d’Afrique.
Pourtant, Ibrahim Idrissa Maïga n’a pas commencé par le taekwondo. C’est à l’âge de 17 ans, qu’il débute sa carrière dans cet art martial sud-coréen au Niger. Peu motivé et ne voyant aucun enjeu, il marque une pause pour se consacrer au football, l’un des sports rois. Mais le destin en décide autrement lorsqu’il assiste à la victoire de son frère aîné dans une compétition de taekwondo. Revigoré par cet exploit familial, il renoue avec son kimono et remonte sur le tatami. « C’est cela qui m’a donné envie de revenir. Mais vraiment en 2021 que j’ai commencé la compétition de haut niveau », explique-t-il.
Les obligations académiques le conduisent à s’installer au Burkina Faso. Loin de son pays natal, il lui devient difficile de représenter le Niger dans les compétitions internationales. Les autorités burkinabè lui tendent alors la main, et il change de nationalité sportive pour combattre sous les couleurs du Burkina Faso.
Un ancien coéquipier, Hamado Amani El Habib, décrit Maïga comme un athlète engagé et motivé. « Pendant plus de sept ans, il a abandonné le taekwondo pour le football. Mais quand son grand frère a ramené une médaille au taekwondo, il a décidé de pratiquer cette discipline parce qu’il a fait 7 ans au football sans remporter de médaille », complète-t-il.
Noumouké Kaba, officier média de la Fédération burkinabè de taekwondo connait aussi bien l’athlète pour l’avoir côtoyé. « Il a révolutionné le taekwondo au Burkina Faso. Quand il a commencé, il a battu un grand de la catégorie. Il a maintenu le niveau jusqu’à obtenir la bourse olympique », témoigne-t-il. Bien que ce soit sa première participation, il espère une performance de haut vol.
Un athlète performant
Ingénieur issu de l’école 2ie, Maïga gravit rapidement les échelons, remportant le titre de champion du Burkina Faso et étant élu meilleur athlète par l’Association des journalistes sportifs du Burkina Faso en 2023. Il veut passer un nouveau cap à savoir remporter une médaille à Paris 2024.
Le directeur technique de la Fédération burkinabè de taekwondo, Jean Baptiste Zongo, connaît bien Maïga. « C’est un athlète qui est très performant. Depuis longtemps, il a prouvé qu’il était un athlète accompli à travers les différentes compétitions. Nous comptons beaucoup sur lui surtout qu’il est confiant », espère-t-il. Cependant, Zongo reste prudent. « Pour les Jeux olympiques, le niveau est encore plus élevé. Il leur faudra beaucoup d’attention parce que ceux qui seront en face ne seront pas des enfants de cœur », avertit-il.
Après sa qualification, Maïga, soutenu par une bourse du Fonds national pour la promotion du sport et des loisirs (FNPSL), a effectué une préparation intense à travers divers tournois pour parfaire sa technique. Les Jeux olympiques de Paris l’attendent, et avec eux, la possibilité de transformer son rêve en réalité. Il pourra bénéficier des conseils de Faysal Sawadogo, un autre taekwondoïste qui, lui, participe aux Jeux olympiques pour la deuxième fois.
Boukari Ouédraogo