Au Burkina Faso, les femmes journalistes face aux stéréotypes
Une journaliste devant un micro, Freepik.

Au Burkina Faso, les femmes journalistes face aux stéréotypes

Le journalisme est un métier qui attire de plus en plus la gent féminine au Burkina Faso. Mais, dans un milieu souvent dominé par les hommes, les femmes journalistes au Burkina Faso font face à de nombreux stéréotypes et attaques basées sur le genre.

Au Burkina Faso, il est difficile pour certaines femmes journalistes de pratiquer ce métier. Entre préjugés et fausses accusations, elles doivent se battre, doublement parfois, pour trouver leurs places. Car, une femme journaliste est souvent mal perçue du fait de la fréquentation d’un milieu souvent dominé par les hommes.

Marc Drabo, étudiant en deuxième année de Mathématique a un avis tranché sur le sujet. « Selon moi, la femme journaliste n’est pas une femme mariable parce qu’elle est ouverte à tout le monde et tout le monde a accès à elle », juge-t-il. Cette opinion reflète une perception répandue chez certains hommes.

Clémence Bamouni, étudiante en première année d’allemand, apporte une perspective différente. « Je trouve qu’il n’y a pas de mal à ce qu’une femme soit journaliste et je ne pense pas qu’on devrait stigmatiser une femme parce qu’elle est journaliste », relève la jeune étudiante.

La méfiance de l’entourage

Le groupe Savane médias emploie plusieurs femmes dont des vedettes de l’antenne. Parmi elle, Fati Sankara. Le visage en sueur Fati Sankara journaliste reporter d’images à Savane TV depuis huit ans, revient d’un reportage. Depuis ce temps qu’elle pratique ce métier, elle a vécu plusieurs mauvaises expériences.

Elle constate que son entourage est très méfiant vis-à-vis de sa profession. « Il y a des gens qui, quand tu es assise avec eux, si au départ ils ne savent pas que tu es journaliste, la discussion va bon train. Mais une fois qu’ils s’aperçoivent que tu es journaliste, il y a un climat froid qui s’installe », concède Fati Sankara. Car, elle est souvent prise pour une espionne.

Cependant, les femmes journalistes font face à plusieurs frustrations, notamment le sexisme. Mafarma Sanogo, l’une des doyennes des femmes journalistes a vu une expérience jusqu’à aujourd’hui frustrante pour elle. C’était lors d’un voyage à l’étranger. « Il y avait une visite d’amitié au Koweït, la radio nationale m’avait désignée comme envoyée spéciale. Arrivée au Koweït, j’ai pris toutes mes dispositions et dès le premier reportage, j’étais la seule femme parmi les journalistes burkinabè. On m’a dit que les femmes ne viennent pas ici, que c’était un endroit réservé aux hommes. En tant que journaliste, cela m’a vraiment frustrée », se souvient-elle comme si son amertume n’avait pas changé.

Des expériences frustrantes

En plus, il y a aussi des violences verbales dont sont victimes ces femmes journalistes. « Il y a des hommes qui vous traitent de ce que vous n’êtes pas », regrette. Mafarma Sanogo évoquent des menaces de certaines femmes juste parce qu’elle a interviewé leurs maris.

Dans certaines rédactions, certains hommes s’efforcent de donner à la femme, la place qui lui revient. Le rédacteur en chef de la télévision Burkina Info, Rodrigue Guel, ne fait pas de différence de sexe. Dans la rédaction qu’il dirige, tout le monde est mis sur le même pied d’égalité, assure-t-il. « Lors des conférences de rédaction, ce sont souvent les femmes qui veulent aller sur les sujets difficiles et elles relèvent le défi en ramenant des sujets ou des images de qualité. C’est très agréable de travailler avec elles, tout se fait à la perfection », se satisfait-t-il.

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Une certaine opinion considère les femmes journalistes comme personnes aux mœurs légères de sorte que certaines ont du mal à trouver l’âme sœur. Le sociologue Patrice Kouraogo clarifie la question sur ces préjugés : « Les gens pensent que ce sont des femmes qui ne peuvent pas se soumettre aux exigences du foyer, qui vont vouloir tenir tête à l’homme et qui ne se laisseront pas faire. Il faut aimer la femme derrière la journaliste car elle peut bien s’occuper des enfants, du mari et concilier son travail avec sa vie de famille ».

Mafarma Sanogo, forte de ses trente ans d’expérience conseille aux jeunes filles qui souhaitent pratiquer ce métier de bien se former d’abord. « Car le journaliste endosse une grande responsabilité dans la société », dit-elle. Ainsi, malgré les défis et les stéréotypes, les femmes journalistes au Burkina Faso continuent de prouver leur compétence et leur détermination, contribuant de manière significative à l’évolution des médias dans le pays.