A la gare routière de Koudougou, les conducteurs de taxi moto ne passent pas inaperçus. Reconnaissables par leurs chemises jaunes, ils proposent leurs services aux passagers qui viennent d’arriver dans la cité du cavalier rouge. Regroupés en association, ces jeunes disent avoir trouvé un bon filon pour échapper aux pièges du chômage.
A la gare routière de Koudougou, située au quartier Zinguedghin, chaque car qui fait son entrée est un événement. Les vendeurs et vendeuses de fruits, d’eau, de jus, de gâteaux, de biscuits… accourent. Le petit monde de la gare se met en ébullition, chacun voulant proposer ses articles, ses services aux passagers. C’est la routine.
En cette soirée du 31 juillet 2024, un homme est arrêté à la sortie du périmètre réservé à une importante compagnie de transport au sein de la gare. Il est vêtu d’une chemise jaune avec un col d’un vert délavé. Sur sa poche gauche, on peut voir l’image d’une moto entourée d’écriture : Association des conducteurs des taxis à 2 roues du Boulkiemdé. Numéro 3, Ily Jules, lit-on également au dessus de sa poche. Sur le dos, le sigle de l’association, le numéro qui lui est attribué, 3 et son numéro de téléphone.
C’est le dress-code des conducteurs des taxis à deux roues de Koudougou. « Ça rassure les clients à venir vers nous. Il y a le nom de la personne qui te remorque, son numéro de téléphone, le nom de l’association, et le numéro à lui attribuer. Mais si quelqu’un te prend sans tenue. S’il y a un problème, il n’y a aucune trace. A qui vas-tu t’adresser ? », nous demande le conducteur, pour nous faire comprendre l’importance de la tenue qu’il porte.
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Jules Ily est également le secrétaire général de l’Association. « Bonne arrivée. Taxi moto, je vous dépose ? », lance-t-il à tout vent, aux passagers qui franchissent le portique de la gare de la compagnie. Pas de chance. Aucun client ne manifeste le besoin. « Quand il n’y a pas de client, nous sommes au chômage », nous dira-t-il, sans un brin de découragement. « Nous connaissons les heures d’arrivées des cars. Certains arrivent, mais les passagers ne descendent pas parce qu’ils viennent de Toma et Dédougou. Leur destination c’est Ouaga », ajoute-t-il, avant de s’éloigner pour aller rejoindre ses camarades, sous un grand neemier.
Pierre Eric Yaméogo, est conducteur de taxi moto depuis bientôt 10 ans. Vice-Président de l’association, il explique qu’au début l’activité était menée de façon anarchique. La nécessité de se regrouper en association a été dictée par la volonté d’éviter d’éventuels problèmes. « Entre-temps, c’était devenu du désordre. Un malfaiteur peut même venir ici travailler avec nous en se faisant passer pour un conducteur de taxi moto. Personne ne saura qui il est. Imaginez si un problème arrive impliquant un conducteur. Nous allons tous payer les pots cassés. Voilà pourquoi nous avons eu l’idée de nous organiser », explique le porteur du numéro 2.
Pour lui, la faîtière permet de réguler l’activité et surtout d’interpeller les comportements déviants de certains membres qui s’adonnent souvent à l’incivisme sur les routes. En la matière, Jules raconte une anecdote qu’il n’oubliera pas de sitôt : « J’ai pris un client à 1000 F CFA pour aller à l’université (Nldr. Université Norbert Zongo). A mi-chemin, j’ai grillé un feu. Arrivé à destination, le client a refusé de payer parce que j’ai brûlé le feu (Rires). Après il m’a appelé pour me remettre mon argent. Ça m’a marqué. C’est un conseil pour tout le monde ».
Une activité appréciée
L’activité des taxis à deux roues est bien appréciée des koudougoulais et certains citoyens de passage dans la ville. Alexandre Ouédraogo, enseignant, reconnaît être un client régulier. « Surtout quand je reviens d’un déplacement, je sollicite leur service. Je n’ai pas besoin de déranger quelqu’un pour venir me chercher. Ce sont des jeunes qu’il faut encourager », recommande le client satisfait.
Les incompréhensions existent souvent entre les conducteurs et certains clients, notamment sur le prix de la course. Malgré ces difficultés, les acteurs disent gagner dignement leur vie. Pour le vice-président de l’association, l’activité permet d’absorber un tant soit peu le taux de chômage des jeunes dans la ville. « Grâce au taxi, beaucoup de jeunes ont abandonné le vagabondage. Au lieu de passer les journées à boire le thé et à ne rien faire, ça occupe utilement les jeunes. Même si ce qu’on gagne n’est pas beaucoup, c’est dans la dignité et à la sueur de notre front », clame avec fierté Pierre Eric Yaméogo qui plaide par contre pour un accompagnement en termes de formation sur la sécurité routière.
L’association regroupe plus de 50 membres et selon les premiers responsables, l’objectif est de convaincre ceux qui traînent le pas à rejoindre les rangs pour qu’ensemble, ils fassent entendre leur voix, défendent leurs intérêts. En attendant, Danielle Coulibaly, journaliste veut faire un tour. Jules Ily se saisit de sa moto qu’il démarre d’un coup. Il l’a fait vrombir avant d’embarquer sa cliente pour ensuite arpenter différentes ruelles de la cité du cavalier rouge.
Tiga Cheick Sawadogo