A Ouagadougou, les toilettes publiques écologiques allègent la souffrance de certains Ouagalais
Des toilettes publiques top eco situés au niveau de la DGTTM au centre-ville de Ouagadougou, photo Studio Yafa.

A Ouagadougou, les toilettes publiques écologiques allègent la souffrance de certains Ouagalais

Enfin une solution au manque de toilettes publiques à Ouagadougou. Adama Raymond Kabré, un jeune entrepreneur, a lancé un projet novateur pour remédier au manque de toilettes publiques dans la capitale burkinabè dénommées « Toilettes top eco ». Implantées dans des zones fréquentées, elles sont dites écologiques et contribuent à soulager des Ouagalais.

Au siège de la direction générale des Transports terrestre et maritime (DGTTM), entre le siège de l’UEMOA et le commissariat central de Police de Ouagadougou, deux cabines de «toilettes Top Eco » et des urinoirs sont bien visibles pour tous ceux qui passent par là. Certains passent s’arrêtent souvent. Parmi eux, Frederick Bouda, courtier, sort des toilettes avec un sourire satisfait.  « C’est une initiative que je salue. Ça aide non seulement à ne pas polluer la nature, mais aussi à faciliter la vie de tout le monde, surtout dans les zones où il n’y a pas de toilettes », commente-t-il, ravi.

Il y a quelques années, ce coin de la ville n’offrait aucune commodité de ce genre. Les usagers, dans l’embarras, se débrouillaient comme ils le pouvaient. Said Kadiogo un autre courtier s’en rappelle comme si c’était hier. Mais depuis, la situation a changé. « Pour nous, les hommes, on peut toujours se débrouiller. Mais pour nos mamans et nos sœurs, c’est plus compliqué. Ces toilettes sont une excellente initiative, surtout si l’hygiène est bien maintenue », dit-il avec un air de soulagement.

Adama Raymond Kabré sur le site de « toilettes top eco» du CENASA à Ouagadougou, photo Studio Yafa.

Asséta Kaboré, gestionnaire des toilettes au site de la DGTTM, armée de ses gants et ses cache-nez maintient les lieux aussi propres que possible. « Ici, tout se passe bien, mais le paiement est parfois un problème. Certains refusent de payer, ce qui entraîne des disputes », confie-t-elle. Cela n’empêche pas Asséta de faire son travail avec dévouement. Pourtant, l’usage de ces toilettes coûtent seulement 50 Francs CFA.

Le génie de Adama Raymond Kabré

L’initiative des toilettes publiques écologiques est de Adama Raymond Kabré. Ce dernier n’avait pas prévu de révolutionner l’hygiène publique à Ouagadougou. Tout commence lorsqu’un client lui demande de concevoir une toilette publique pour ses clients. Il s’y attèle avec joie. Cependant, sa première installation, mal située, s’avère un échec cuisant. « On s’est retrouvé avec une recette de 30 000 francs CFA à la fin du mois, alors qu’il fallait payer 25 000 pour la vidange et 40 000 pour la gestionnaire. C’était une perte », se souvient-il, la voix teintée de regret. Malgré cette perte, naquit l’idée de réaliser des toilettes publiques à Ouagadougou.

Fort de cette expérience, Adama, gestionnaire associé de l’entreprise Art et soudure installée au quartier Tanghin de Ouagadougou, décide de réorienter sa stratégie. Il cible désormais les zones à forte affluence.  « Depuis qu’on a installé les toilettes dans des endroits plus fréquentés, la demande est forte partout », explique-t-il avec satisfaction.

Dame Wogbo assure le nettoyage des « toilettes top eco» au niveau du CENASA, photo: Studio Yafa.

Aujourd’hui, cinq sites à travers Ouagadougou sont équipés de ces toilettes écologiques et mobiles. Adama ne compte pas s’arrêter là. « Nous avons recensé 51 sites. Chaque six mois ou chaque année, nous essayons d’installer une nouvelle toilette », explique-t-il.

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Pour mieux nous expliquer son projet, Raymond nous conduit au site du CENASA, fréquenté à l’occasion d’activités culturelles. Ici, les toilettes publiques « Top Eco » sont installées juste à l’entrée, bien en vue. Il s’agit d’un grand box de toilettes compartimenté: hommes et femmes, plus des urinoirs. « Ici, c’est une toilette pour les femmes et en même temps pour les personnes vivant avec un handicap. Vous voyez que nous avons mis des supports pour que les personnes handicapées puissent s’appuyer pour s’assoir et se lever », détaille-t-il tout en les faisant visiter.

Ces toilettes ne sont pas seulement fonctionnelles, elles sont aussi conçues pour répondre aux différents besoins des utilisateurs. Pour ceux qui préfèrent ne pas s’asseoir sur des toilettes à l’anglaise, les toilettes « tulcs » sont disponibles. A l’arrière, des urinoirs sont installés pour les hommes. Un système d’eau automatisé avec un capteur est aussi installé.

« Vous approchez la main et l’eau coule pour éviter de toucher les robinets et de propager des microbes », explique Adama, soulignant l’attention portée à l’hygiène. Ce n’est pas dame Dicko qui dira le contraire, elle qui vient également de l’utiliser. C’est une initiative qui sauve la vie. « Mais nous les femmes, nous ne pouvons pas faire nos besoins dans tous les coins. S’il y en a plus ce sera intéressant », poursuit-elle.

Vu de face des « toilettes top eco» du CENASA, photo Studio Yafa.

Ces toilettes, dont l’installation peut coûter entre 7 et 12 millions de francs CFA, sont non seulement écologiques, mais aussi un modèle économique novateur. Chaque site est confié à une association féminine qui en assure la gestion. Celle-ci reverse ensuite une partie des recettes à Adama. Cette collaboration permet à ces associations de bénéficier d’un revenu stable tout en offrant un service essentiel à la communauté. « C’est un système gagnant-gagnant », affirme Adama. L’économie issue du paiement des clients servira à installer d’autres toilettes.

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Au CENASA, le nettoyage est assuré par Zoénabo Wobgo, une dame, la quarantaine. Sans emploi auparavant, elle peut désormais subvenir à ses besoins grâce à ce travail. A sa disposition, de l’eau de javel, du savon et du savon en poudre ainsi que du matériel comme les balais, des gants, un masque pour garder l’espace propre. Chaque usage des toilettes est de 100 francs CFA au niveau du CENASA.

Adama dispose également d’une version mobile utiliser lors de mariages et de festivals. Ces toilettes sont conçues en aluminium et en alucobond, des matériaux résistants à la rouille et aux intempéries.

Cependant, malgré cette technologie avancée, Adama souligne les défis rencontrés, notamment l’incivisme de certains utilisateurs. « Parfois, au lieu d’utiliser les WC, certains font leur besoin à côté. On a même déposé des brosses pour qu’ils puissent nettoyer, mais certains ne le font pas. Mais, on peut estimer que seules 2 sur 100 personnes ne respectent pas les règles », déplore-t-il. Heureusement, les gérantes, formées par Adama, veillent à la propreté des lieux en suivant un cahier de charge bien défini.

Boukari Ouédraogo