Au quartier Rimkiéta, comment les habitants luttent contre les inondations
Un usager poussant sa moto dans les eaux à Rimkiéta, le 16 août 2024, Photo Studio Yafa.

Au quartier Rimkiéta, comment les habitants luttent contre les inondations

Le vendredi 16 août dernier, Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, s’est retrouvée sous un déluge de pluie, plongeant plusieurs quartiers dans le chaos. Parmi les plus touchés, Rimkieta, un quartier du Nord-Ouest de la ville, où l’un des principaux ponts a été englouti sous les eaux, exacerbant le quotidien déjà difficile des résidents. Cette inondation, hélas, n’est pas une surprise pour les habitants de ce quartier, qui voient ce spectacle se répéter à chaque saison des pluies.

Il est 21h à Rimkieta. La nuit enveloppe ce quartier de la ville de Ouagadougou, mais des bruits résonnent dans l’obscurité. Sur la route reliant le quartier à Toecin, les klaxons et les ronronnements des moteurs se font entendre. Une file de motos, tricycles et voitures s’allonge devant un pont invisible, submergé sous les flots.

L’eau s’étend à perte de vue. La route est transformée en un véritable torrent. D’un côté, des passants, trempés, hésitent à s’engager, jetant des regards inquiets à l’eau tourbillonnante. De l’autre, ceux qui ont bravé le courant, les vêtements collés à la peau, peinent à croire qu’ils ont réussi à traverser.

Photo d’illustration, Rimkiéta sous les eaux, photo prise en juillet 2020, Studio Yafa.

Parmi eux, Mahamadi Zongo, un habitant du quartier. Il se tient là, à quelques mètres de son domicile. Son visage est marqué par la fatigue. La distance qui le sépare de sa maison n’est que de 300 mètres, mais elle semble infranchissable. Désemparé, il fait demi-tour, comme pour marquer sa défaite à l’eau qui monte. « Je veux retourner parce qu’il y a beaucoup d’eau et ça monte jusqu’au pont. Je suis venu à 18h pour passer et il y avait beaucoup d’eau donc je suis reparti à Tampouy dans l’espoir que l’eau diminue mais jusqu’à présent, il est 21h mais l’eau est toujours là », raconte-t-il.

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D’autres tentent leur chance, enfourchant leur moto pour les eaux. Mais beaucoup se retrouvent piégés. Karim Kaboré, après avoir réussi la traversée, se retrouve immobile. Sa moto refuse de démarrer. Le tuyau d’échappement est noyé. « J’ai traversé l’eau et c’est rentré dans l’échappement de la moto donc ça ne démarre plus. A chaque grande pluie, c’est comme ça. Ce n’est pas la première fois. D’habitude, si l’eau vient beaucoup, on contourne pour changer de trajet, mais aujourd’hui j’ignorais la quantité de l’eau voilà pourquoi j’ai essayé de traverser mais ça n’a pas marché », explique-t-il tout déçu.

A quelques pas du pont Alimata Zallé, une femme dans la cinquantaine, grillant du maïs sur un brasero de fortune assiste le regard triste à la scène. « L’eau inonde le pont et cela nous fatigue. Si nos maris sortent et au retour ils trouvent qu’il y a assez d’eau, il n’y a pas de voie pour passer. Et puis l’eau inonde les maisons même aujourd’hui et ça fait pitié. Nous demandons aux autorités de nous aider à avoir un goudron et qu’ils revoient plus en hauteur le pont afin que l’on puisse dormir dans la sérénité », implore-t-elle.

Une vue de nuit du quartier Rimkiéta inondé

Face à cette situation, la solidarité s’organise. Depuis 16h, des jeunes du quartier se relaient pour aider les passants à franchir ce qui ressemble à une mer intérieure. A deux ou trois, ils poussent les motos, tiennent les passants par la main, les guidant vers l’autre rive. Moussa Walas fait partie de ces jeunes qui, les pieds dans l’eau, tendent une main secourable.

La solidarité pour aider les usager

« Chaque année, nous sommes confrontés à cette situation. Nous sommes ici pour assister nos pères et mères et en même temps on attire l’attention des autorités parce que les gens souffrent. Lorsque nous aidons une personne à traverser l’eau, si elle nous donne quelque chose, on prend. Dans le cas contraire on ne réclame rien », raconte-Moussa Walas.

Le dévouement de ces jeunes ne s’arrête pas là. Certains se transforment en mécaniciens improvisés. Ils essaient de redémarrer les motos noyées par les eaux. « Nous assistons ceux dont les engins ont été noyés par l’eau pour leur faciliter le retour chez eux. L’eau pénètre surtout au niveau du carburateur, les pipes et autres parties. Le nombre de motos que nous avons réparé dépasse 20 », ajoute Ibrahim, avec un sourire fatigué sur les lèvres.

Ces scènes d’entraide et de résignation se répètent à travers plusieurs quartiers de Ouagadougou, tous impactés par les fortes pluies annoncées par l’Agence nationale de la météorologie (ANAM) dans ses prévisions pour 2023-2024. Les autorités municipales, conscientes du danger, ont tenté d’anticiper en curant les caniveaux en début de saison.

Écouter le reportage radiophonique

Fayshall Ouédraogo

Adaptation web Boukari Ouédraogo