Suite aux pluies des 19 et 20 août derniers dans la région de la Boucle du Mouhoun, la route nationale n1 a été submergée par les eaux à la hauteur du pont de Hèrèdougou rendant impossible le trafic sur le tronçon à environ 30 km de Boromo. Le niveau de l’eau a atteint 1,5 m au niveau du pont et un plus du côté de Pâ. Conséquence plusieurs dizaines de maisons sont tombées faisant 569 sinistrés et des dizaines de camions stationnés à la sortie de Boromo en allant vers Bobo-Dioulasso.
Décor inhabituel à l’école primaire de Hèrèdougou le jeudi 22 août 2024. Ce sont les vacances et pourtant l’enceinte ressemble à celle d’un établissement scolaire pendant la récréation. Du monde ! Certains autres détails font plutôt penser à un marché. Des sacs, des bidons, des marmites et des habits entassés à l’intérieur comme à l’extérieur des salles. Des bœufs attachés près des quelques concessions toujours debout, paissent tranquillement.
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Transformée en cuisine, des femmes préparent le repas de midi, devant les salles de classe. Un peu plus loin, d’autres lavent des habits et nattes certainement salis par les eaux de pluies. Pendant ce temps, les hommes, sous les arbres, discutent tandis que les enfants eux vont et viennent, s’amusant dans l’insouciance.
Ces populations se sont retrouvées en ces lieux parce qu’au petit matin du 21 aout 2024, Hèrèdougou s’est retrouvé envahi par les eaux de pluie. Conséquences: déplacement des populations vers l’école primaire et à l’église du village. Hèrèdougou (village du bonheur) ne porte plus son nom. « C’est l’eau qui nous a chassés et on est venus ici. On était assis le matin et l’eau est venue brusquement mais ce n’est pas la première fois.
L’église accueille des sinistrés
L’eau était déjà montée mais pas jusqu’à ce niveau donc nous aussi on a ramassé nos effets venir à l’école. Les maisons en tout cas sont tombées, les champs sont inondés. A l’heure actuelle on n’a plus rien » raconte amèrement Abdoulaye Yaméogo, un villageois.
Autre lieu, même constat. Du monde! L’église accueille également des habitants du village. Et certainement que ceux-ci feront d’une pierre deux coups. Trouver refuge dans l’église et prier pour que leur situation de sinistrés change. Du reste, l’église comme une île, se trouve elle-même entourée par l’eau. Suzanne Yaméogo, septuagénaire est toujours sous le choc.
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« L’eau est venue avec force. Le temps qu’on fasse sortir nos effets, l’eau avait déjà inondé nos maisons. Certains de nos effets sont restés là-bas. Nous ignorons si l’on pourra encore récupérer quelque chose. Nos champs ont été inondés. Si ce n’est pas grâce à l’église, on ne sait pas où on allait dormir. C’est ici (NDLR : l’église) que nous avons ramené nos effets et on a dormi ici. Même l’église est entourée par l’eau. Mais nous rendons grâce à Dieu parce que personne n’a perdu la vie ».
Les services de l’Action sociale enregistrent79 ménages avec au total 569 personnes sinistrées. Aucune perte en vie humaine. Le village de Hèrèdougou est dans une zone potentiellement inondable et cette situation semble ne pas surprendre les autorités de la région, à entendre le président de la Délégation spéciale de la commune de Pâ, Djékouentouma Hien, dont relève le village de Hèrèdougou.
150 centimètres d’eau sur le goudron
« Cette année, compte tenu des quantités d’eau tombées suite aux différentes pluies, nous nous sommes rendu compte hier (21 août 2024), dans la matinée, que l’eau est venue en grande quantité et en très peu de temps. La chaussée est actuellement submergée. Du constat des techniciens de la direction générale des Ressources en eau, il y a des niveaux sur le goudron où l’eau est à 140 centimètres. Il y a un niveau où c’est à 160 centimètres, mais ça, c’est quand on va vers Pâ. Et au niveau du pont, c’est un peu autour de la moyenne à 150 centimètres».
Selon le président de la Délégation spéciale, cette situation dénote de l’incivisme des populations qui refusent de s’installer ailleurs malgré les avertissements et pour le premier responsable de la commune, il faut durcir le ton. «Je suis arrivé dans la commune en août 2022. Je prenais service et au lendemain, on a vécu une inondation, même si elle n’était pas de cette ampleur. Mais déjà, on nous disait que les années antérieures, ça avait prévalu, mais pas de cette ampleur. Et dès lors, on disait aux populations, lorsqu’on sortait de cette situation, allez-y très loin pour construire, ne revenez pas au pied de la zone inondable afin d’éviter le désagrément dans l’avenir ».
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Il explique que « la réalité est que les gens, compte tenu de certaines pesanteurs socioculturelles, (…) ils se jettent dans des illusions (…) Donc, il faut le dire, c’est une question d’incivisme (…) Et je pense qu’au sortir de ce que nous connaissons actuellement, il sera question d’user de mesures assez fortes ».
Le barrage érigé par les Forces de sécurité a contraint des dizaines de camionneurs à stationner tout le long de la route. Ils espèrent que le niveau de l’eau baisse rapidement. Mais selon une source à la Brigade nationale des sapeurs-pompiers, dépêchée dès les premières heures sur les lieux, il faudra encore attendre plusieurs jours avant que l’eau ne libère la route. Pourtant, il est impossible pour les camionneurs de rebrousser chemin.
Des produits périssables bloqués sur la RN1
Seydou Ouédraogo a quitté Ouagadougou pour rallier Batié : « Nous sommes stationnés ici depuis hier à 8h (mercredi) mais en ce moment l’eau n’était pas arrivée à ce niveau même. Entre temps le niveau de l’eau a commencé à monter les sapeurs-pompiers nous ont dit de reculer. Nous avons reculé en tout 3 fois. Nous ne savons pas quand est ce qu’on pourra passer. Nous transportons du riz. On n’a pas le choix que d’attendre parce qu’il est difficile de manœuvrer ces types de véhicules pour ressortir. L’année passée, on a connu une situation pareille mais le niveau de l’eau n’était pas aussi élevé et en une journée, on a pu passer mais là c’est du jamais vu »
Cet autre camionneur Evika Truman est désemparé. Il transporte de l’ail. « Cela fait 4 jours aujourd’hui (22/08/2024)) qu’on a quitté Lomé. Hier matin, on est arrivé trouver que la route est barrée. On transporte de l’ail. C’est un produit frais. Normalement on avait prévu décharger ça hier (21/08/2024). C’est un produit périssable et la perte ne sera pas petite », soupire-t-il.
Tout en espérant un dénouement rapide de la situation, les chauffeurs de camions installent fourneaux et casseroles pour se faire de quoi manger. Les sinistrés quant à eux ont reçu la visite du Conseil national de Secours d’Urgence (CONASUR) et d’autres ONG pour leur prise en charge.
Samiratou GUIRE et Caroline YELEMOU