Ouagadougou, une capitale en décomposition
Ceci se trouve dans l'un des quartiers (Ph. Studio Yafa)

Ouagadougou, une capitale en décomposition

Autrefois reconnue pour sa propreté, Ouagadougou sombre aujourd’hui dans l’insalubrité. Les quartiers autrefois renommés pour leur ordre et leur entretien sont désormais engloutis sous des monceaux de déchets. Le contraste avec le passé est saisissant, surtout pour une ville qui, en 2008, était fièrement décorée par le Bahreïn en collaboration avec ONU-Habitat pour sa propreté exemplaire. Aujourd’hui, cette gloire appartient à un autre temps.

La réputation de Ouagadougou se salit. Son glorieux passé de ville propre se retrouve englouti sous des tas d’ordures. D’un quartier à l’autre, le constat est le même. Tenez! Au quartier Pazani, situé dans l’arrondissement 9, un vaste terrain est devenu le cimetière des ordures. À l’approche, l’air vicié prend à la gorge. Des nuées de mouches se déchaînent autour de monticules d’excréments en putréfaction, sur lesquels s’entassent des déchets plastiques, des bidons, et des restes de nourriture.

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Le sol, détrempé par les pluies récentes, s’est transformé en une boue épaisse et nauséabonde. Le paysage offre un spectacle peu agréable à regarder. Pourtant, quelques femmes persistent, accroupies, à cultiver du maïs dans ce sol souillé, ignorant les odeurs pestilentielles qui montent du sol, concentrées sur leur culture.

Un tas d’ordures, à côté des habitations (Ph. Studio Yafa)

Au milieu de ce decor peu reluisant, Michel Sampélogo, juché sur un tricycle, déverse  des eaux usées issues de la transformation d’attiéké, ajoutant à l’écosystème toxique qui gangrène la zone. Il sait bien que cet endroit n’est pas approprié pour jeter ses déchets, mais la distance jusqu’à Kossodo, le dépôt indiqué par la mairie, est trop grande et coûteuse en carburant.

D’un quartier à l’autre, même constat

« On nous dit toujours d’aller à Kossodo pour jeter, mais c’est loin. Nous n’avons pas d’autres choix ici, » explique-t-il, en haussant les épaules. Comme Michel, beaucoup de riverains jettent leurs ordures ici, faute d’infrastructures de collecte suffisantes à proximité.

À Nemnin, un quartier historique de l’arrondissement 2, la situation n’est guère meilleure. Ici, les caniveaux sont bouchés et débordent de déchets en décomposition. Les rues sont envahies par des tas d’ordures abandonnés qui forment de petites montagnes.  Le bourdonnement des mouches, le ruissellement des eaux usées et les poubelles débordantes créent un décor peu agréable aux yeux et aux narines.

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Sous un hangar vétuste, à l’angle d’une rue étroite, des jeunes discutent, insensibles à l’odeur infecte qui les entoure. Leurs visages ne montrent aucun signe de gêne, tant cette puanteur semble faire partie intégrante de leur quotidien. Pourtant, Nemnin n’a pas toujours été ainsi.

Nicolas Tiendrébéogo, un retraité du quartier, se souvient avec nostalgie de l’époque où la mairie disposait des bacs à ordures dans chaque secteur. « Au temps de Simon (NDLR ancien maire de Ouagadougou) , ça allait. Il y avait des bacs, les gens y mettaient leurs ordures et les camions venaient les ramasser. Maintenant, il n’y a plus rien, plus rien du tout, » soupire-t-il, le regard empreint d’amertume.

Le comportement de certains habitants

Depuis que ces bacs ont disparu, les rues de Nemnin se sont transformées en un immense dépotoir à ciel ouvert, où les habitants, faute de solution, ont appris à vivre au milieu des immondices. Poursuit le vieux Nicolas. Cette dégradation progressive, qui affecte aujourd’hui une large partie de la ville, laisse les habitants démunis, contraints de cohabiter avec des déchets dangereux pour leur santé.

Un fossé se dresse entre l’ancienne Ouaga et la nouvelle ville en décompostion (Ph. Studio Yafa)

Nos multiples tentatives auprès de la mairie de Ouagadougou, pour aborder le sujet, sont restées sans suite.

En dépit des  initiatives de quelques associations locales comme GYBN Francophone, qui militent pour un assainissement durable de la ville, le manque de soutien de la municipalité rend la tâche difficile. Risnata Ouédraogo, responsable de communication de l’association, pointe du doigt un autre problème majeur : le comportement des habitants.

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« Malheureusement, il y a encore des quartiers à Ouagadougou qui servent de décharges publiques. Les gens jettent leurs déchets sur la voie publique, ou bien ils attendent la pluie pour vider leurs fosses septiques dans les rues. Ce sont ces habitudes qui détruisent notre environnement, polluant l’air, l’eau et le sol, » déplore-t-elle.

 Ouagadougou, autrefois capitale exemplaire de propreté, s’enfonce chaque jour davantage dans l’insalubrité. Les initiatives locales, aussi louables soient-elles, peinent à endiguer cette dégradation sans le soutien fort des autorités. Une ville, autrefois fière de son éclat, voit désormais son avenir terni par des montagnes d’ordures et une gestion défaillante des déchets.

Lagoun Ismael DRABO