À chaque saison des pluies, certaines rues de la capitale Burkinabè sont impraticables. Entre la boue et les nids-de-poule, il faut slalomer avec le risque pour trouver son chemin. Dans certains quartiers, les habitants se mobilisent pour colmater les brèches tout en ayant les regards tournés vers l’autorité pour une solution durable.
Ouagadougou a un visage pâle, moins séduisant en saison des pluies. Sur les grands boulevards comme dans les ruelles des quartiers, motocyclistes et automobilistes slaloment entre les cratères remplis d’eau, tentant désespérément de se frayer un chemin. Le bitume accuse le poids des âges. En ce début d’après-midi, le ciel de Kouritenga, dans l’arrondissement VI de Ouagadougou, est gris.
La pluie est imminente. Après quelques minutes d’averses, les routes du quartier deviennent méconnaissables. Le bitume laisse place à une succession de nids-de-poule remplis d’eau. Une situation écœurante pour Harouna Sawadogo, un habitant du quartier. « Vraiment, ce n’est pas simple, c’est ainsi tous les jours », dit-il.
Pendant que nous sommes en pleine discussion avec Harouna, un motocycliste tente de rouler en feintant les trous. La manœuvre échoue, il perd l’équilibre et tombe. Le choc est impressionnant, mais plus de peur que de mal. Il s’en tire avec quelques égratignures.
Des routes noyées
Harouna Sawadogo vient en aide au malheureux motocycliste. Pour lui, il n’y a pas mieux pour illustrer ce dont il nous parle. Dans sa voix, c’est un mélange de dépit et de colère « Ici seulement c’est ainsi, si tu n’es pas d’ici, tu ne peux même pas savoir que c’est goudron qui est là », ajoute-t-il avant de poursuivre : « On ne sait même pas comment éviter les trous. Quand tu penses que tu as évité, c’est là que tu pars rentrer dedans ».
Ce ne sont pas seulement les routes de Kouritenga qui deviennent dangereuses en saison des pluies. C’est pareil dans plusieurs quartiers de Ouagadougou. À moto, en voiture ou même à pied, les usagers vivent un véritable calvaire. À Zogona, sur la voie longeant la sortie Est de l’Université Joseph Ki-Zerbo, plusieurs motocyclistes ont vu leurs motos englouties par les eaux, et pourtant il s’agit d’une route bitumée.
Vêtus de leurs imperméables, des motocyclistes poussent péniblement leurs engins dans l’eau qui leur monte jusqu’aux genoux. Idrissa Sébégo en rit malgré lui en voyant les riverains comme lui patauger difficilement dans les eaux, les deux mains sur les guidons de leurs montures.
Commerce en déclin
En plus de poser problème aux usagers, les routes noyées sous les eaux affectent aussi les commerçants dont l’évolution du business dépend de l’état de ces voies. Moussa Congo est vendeur de viande au bord de la route. Il veille sur une marmite dans laquelle mijote de la peau de bœuf. Le regard perdu dans les volutes de fumée, il explique comment l’impraticabilité de la voie a fait fuir ses clients.
« Avant, les passagers s’arrêtaient ici pour acheter de la viande, mais maintenant, c’est rare. Les gens ne veulent plus passer par cette route tellement elle est abîmée », raconte-t-il, impuissant face à la baisse de son chiffre d’affaires. À chaque saison de pluie, c’est la même rengaine.
Les commerçants comme Moussa voient leurs ventes chuter drastiquement. Pressés de rentrer chez eux, les usagers ne s’arrêtent pas pour acheter. Ceux dont les commerces sont à ciel ouvert, au bord des voies, sont contraints de plier bagages pour éviter d’être éclaboussés.
En attendant des solutions durables
Rimkièta se réveille d’une nuit pluvieuse. Le quartier résonne au rythme des bruits de pelles et de brouettes. Ici, las d’attendre une action des autorités compétentes, les riverains se mettent à l’ouvrage. Les jeunes s’organisent eux-mêmes pour boucher les cratères ouverts. Malgré le peu de moyens à leur disposition, ils veulent apporter leur touche à la réhabilitation des voies endommagées par les pluies.
Souleymane Ouédraogo, l’un des initiateurs, explique l’initiative collective du quartier : « Personne ne nous a demandé de le faire, c’est pour la communauté que nous sortons chaque jour ». Les sacs de sable jonchent la voie, les cratères disparaissent progressivement.
Mais jusqu’à quand ? Il suffit d’une pluie pour que les trous réapparaissent, encore plus béants. Les habitants en ont conscience, mais ils persistent, espérant qu’un jour une aide beaucoup plus durable viendra des autorités qui jusque-là semblent rester sourdes face aux cris de détresse.