Entre le 29 juin et le 9 septembre 2024, la Police municipale de Ouagadougou était en croisade contre l’abattage clandestin d’animaux. Les agents de sécurité étaient accompagnés dans cette mission par les services vétérinaires et des éléments de l’abattoir frigorifique de la capitale. Contrôle et saisie de carcasses d’animaux abattus clandestinement et non inspectés étaient au menu.
Vêtus de blouses blanches, les vétérinaires inspectent la viande et des lieux de commerces des bouchers. Pendant ce temps, la Police municipale saisit les carcasses jugées impropres à la consommation et surtout démunie de l’estampille de l’abattoir frigorifique. Nous sommes à Polsgo, un quartier périphérique situé dans l’arrondissement 4 de Ouagadougou. Boureima Dicko, le boucher avoue n’être pas passé par l’abattoir. «Je n’ai jamais su que je dois me rendre à l’abattoir », se défend-il.
Avant l’arrivée de l’équipe d’inspection, Boureima, la trentaine, s’affairait à dépecer un mouton. Au même moment, un autre était attaché dans une maisonnette inachevée et cachée par un kiosque bleu. Visiblement, un animal malade, avec une patte blessée.
Le lieu d’abattage de Boureima présente très sale avec une odeur pestilentielle. Le sol noir de déchets est un mélange de sang et d’eau. Il faut faire attention à là où l’on met les pieds pour ne pas marcher sur un tas de détritus. C’est dans ces conditions que Boureima Dicko, depuis 3 ans, abat les animaux et les vend à la population. Aujourd’hui, sa marchandise est saisie. C’est la mine défaite qu’il observe l’équipe d’inspecteur s’éloigner avec ses carcasses d’animaux abattus.
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Lui par contre ne se joue les pas ignorants comme Boureima Dicko. Dans le quartier voisin Toudbwéogo, Idriss Tall est un boucher qui visiblement respecte les règles d’hygiène. Installé sous un hangar recouvert d’un sachet plastique noir, il s’active à recouvrir de papier la viande de mouton déjà exposée sur la grille au feu. L’homme de teint noir a le visage marqué par les cernes de la fatigue.
Vêtu d’un maillot jaune et d’un tablier noir, pendant que les vétérinaires inspectent sa viande, Idriss a l’air serein. Tout décontracté, il présente son ticket d’abattoir aux contrôleurs. « Je n’ai pas un autre travail que la boucherie. Toute ma viande provient de l’abattoir car c’est ça qui est bien avec la population », rassure le boucher.
Une viande non inspectée, source de maladies
Pour pallier au phénomène des abattages clandestins qui prend de l’ampleur dans la capitale, les premiers responsables de la filière bétail au Burkina Faso et leurs partenaires ont entrepris des contrôles-saisies de la marchandise des bouchers qui ne se conforment pas aux règles en vigueur.
Dr Timothée BATIONO, est le chef de service de l’inspection et de la santé publique vétérinaire au Burkina Faso. Il explique que lui et ses services font de l’inspection de routine et de l’inspection de répression. «Dans une répression de routine nous avons des saisies et ces saisies sont d’ordres pathologiques ou impropres à la consommation qui sont détruits sur les différents sites d’abattage », note Dr Bationo.
Il poursuit que les saisies d’ordre réglementaire sont faites pour dissuader les abattages effectués dans des conditions non hygiéniques et non appropriées.
« Une viande qui n’a pas été inspectée est suspecte, sujet de maladies. Parce que ça peut nous donner des toxi-infections alimentaires collectives, ça peut donner les zoonoses ce qui peut entraîner la mort, l’avortement, l’épilepsie, la stérilité ainsi qu’une faiblesse sexuelle », alerte le chef de service de l’inspection et de la santé publique vétérinaire.
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A la suite des deux bouchers de Polsgo et Toudoubweogo, cap sur un autre quartier. Cette fois, c’est à Somgandé que nous sommes et la situation est tendue avec le boucher qui refuse de collaborer. Vendeur de viande grillée en bordure de voie, ce boucher, vêtu d’un boubou et coiffé d’un bonnet, apparemment prévenu de l’arrivée de l’équipe de contrôle, a pris le soin de cacher sa marchandise.
A force de fouilles, la police retrouvera un sac fourré dans un carton et soigneusement dissimilé dans une boutique voisine. La viande retrouvée est toujours chaude. En colère et sur ses gardes, le boucher répond agressivement à l’équipe et refuse de se prononcer sur son activité.
Une scène qui semble coutumière à l’équipe. Un membre nous informe qu’à plusieurs reprises, des bouchers ont essayé la même astuce pour éviter le contrôle. Mais l’expérience et la vigilance des équipes de terrain ont chaque fois permis de retrouver ce qui est caché et de passer au crible de l’inspection les carcasses saisies.
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En plus de la viande qui ne porte pas l’estampille de l’abattoir frigorifique de Ouagadougou, il y a celle qualifiée de foraine. L’animal est abattu dans une commune et transporté vers une autre dans des conditions non hygiéniques. Pour Dr BATIONO, le transport joue un rôle très important dans la qualité de la viande. « Aujourd’hui à Ouagadougou, si quelqu’un abat à Pabré, Kienfangué ou à Saaba, il ne peut que vendre sa viande à Saaba, Sabré, kienfangué. S’ils veulent exporter dans d’autres localités c’est d’aller abattre à l’abattoir frigorifique. »
Depuis 2023, la Police municipale a multiplié ses sorties de répression contre les cas d’abattage clandestin qui se multiplient dans la capitale. Kassimir Wendyam Nacoulma, est le chef de service adjoint salubrité en service à la direction de la Police de la salubrité et de la tranquillité urbaine. « En 2023-2024, nous avons organisé 36 sorties pour lutter contre le transport de la viande foraine et l’implantation des abattoirs clandestins. Ces opérations ont permis de saisir près de cinq tonnes de viande impropre à la consommation », déclare Kassimir Wendyam Nacoulma.
A l’image de Tall Idriss que l’on pourrait qualifier de boucher respectant les règles d’hygiène, les vétérinaires exhortent les autres bouchers à se plier à la réglementation qui encadre leur métier avec des textes sur l’abattage, la production, le transport ainsi que la commercialisation de la viande. Après inspection, la viande impropre est incinérée, tandis que celle ne comportant pas de danger est offerte aux services sociaux.