Alors que la rentrée scolaire approche à grands pas, un vent d’inquiétude souffle sur de nombreuses familles burkinabè. L’augmentation des frais d’inscription dans de nombreuses écoles privées plonge les parents dans un profond désarroi. Ces derniers dénoncent des augmentations disproportionnées des frais de scolarité, dans un contexte de morosité économique.
Sur certaines artères de la ville de Ouagadougou, l’agitation est au rendez-vous comme chaque année à cette même période. On prépare la rentrée scolaire 2024-2025. Au centre-ville, devant la librairie Jeunesse d’Afrique, près de la cathédrale, c’est une ambiance des plus effervescentes qui règne. Le brouhaha des enfants contraste avec les visages quelque peu crispés des parents.
Les plus jeunes eux, sont insouciants et excités à l’idée de choisir de nouvelles fournitures scolaires. Certains parents débordés, tentent de recadrer les enfants bambins turbulents. Des groupes de parents ressortent de l’enceinte, les bras chargés de livres, cahiers et stylos…
Pendant ce temps, aux abords de la librairie, des commerçants ambulants tentent d’attirer l’attention des passants. En leur proposant des fournitures à des prix plus abordables.
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C’est dans cette ambiance que nous rencontrons Evelyne Ouédraogo, une jeune mère de famille. Elle porte un sac transparent à travers lequel on aperçoit des cahiers, des stylos et des crayons. Son visage est marqué par la fatigue. Se frayant un chemin dans la foule, elle exprime sa frustration face à la flambée des frais scolaires.
« La situation nous surprend du jour au lendemain. Tout a augmenté : les frais de scolarité, les fournitures aussi », dit-elle d’un ton calme. « Tout augmente, mais le salaire, lui, reste le même », ajoute-t-elle, visiblement dépitée.
Evelyne, comme beaucoup de parents, n’a d’autres choix que de faire avec les revenus qu’elle juge dérisoires face aux besoins de ses enfants. Chaque achat de fournitures scolaires est devenu un véritable casse-tête financier. Athéna (nom d’emprunt), une autre mère, tente de recadrer ses enfants qui, insouciants, courent sans prêter attention aux voitures qui passent. Elle vient également de sortir de la librairie, les bras chargés de quatre cartons remplis de fournitures, chacun portant les noms de ses enfants.
Elle confie être financièrement étouffée par la hausse des prix, à la fois des fournitures scolaires mais aussi et surtout des frais de scolarité. « Mon enfant qui est à la maternelle, ce que j’ai payé dépasse largement ce que j’ai déboursé pour celui qui est au primaire. Rien que pour l’inscription des deux, j’en suis déjà à 500 000 F CFA », soupire-t-elle. « Et ça, c’est juste pour l’inscription, sans compter les fournitures. »
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À quelques pas de là, Élie Sawadogo, un jeune homme d’une trentaine d’années, partage également son désarroi. Il a sous sa responsabilité ses jeunes frères et sœurs. Lui aussi vit difficilement la situation. «L’année passée, j’ai payé 50 000 F pour mon petit frère en classe de troisième. Cette année, pour ma sœur, dans la même classe et le même établissement, j’ai déboursé 61 000 F. C’est 11 000 F de plus », se désole-t-il.
Le jeune homme estime que les directeurs d’école devraient tenir compte de la situation difficile du pays. « Aujourd’hui, même si tu n’as que deux personnes à ta charge, il faut compter que tu en as trois ou quatre, parce qu’avec nos parents déplacés, on va t’appeler et tu es obligé d’aider », soutient Elie. Athéna partage ce sentiment. Pour elle, ces augmentations sont excessives, surtout quand les citoyens burkinabè contribuent déjà à l’effort de paix national.
« On coupe déjà nos salaires, et si en plus de ça on augmente les frais de scolarité, comment allons-nous faire ? » s’emporte-t-elle. Les parents redoutent que ces hausses ne perturbent la continuité de la scolarité de leurs enfants. Bien que certains, comme Élie et Athéna, affirment pouvoir s’en sortir malgré les difficultés, ils reconnaissent que d’autres familles, avec des revenus plus faibles, risquent de ne pas pouvoir faire face à ces nouvelles charges.
Le privé se défend
Au lycée privé Azimut, situé dans le quartier Zone du Bois l’Administration, débordée, accueille les parents d’élèves en leur remettant des prospectus d’informations sur l’école. Mais l’ambiance est pesante. Certains découvrent sous nos yeux avec stupéfaction que les frais de scolarité ne sont pas ceux qu’ils ont payés l’année passée.
Le censeur de l’établissement, Arouna Sawadogo, est bien conscient de l’impact de ces hausses sur les familles. Lui-même parent, dit comprendre la frustration de certains. Mais, il souligne que les contraintes budgétaires laissent peu de choix à l’Administration. « C’est la croix et la bannière. Chacun se bat pour maintenir l’établissement à flot. C’est très difficile. Si vous n’arrivez pas à avoir un certain nombre d’inscriptions, votre avenir est compromis », explique-t-il.
Il précise que la plupart des établissements privés, comme le sien, ne reçoivent pas vraiment d’appui de l’Etat. « Les subventions, quand elles arrivent, peuvent prendre jusqu’à trois ans. Pendant ce temps, l’école doit survivre avec ses propres moyens », poursuit-il. « Pendant les vacances, l’État utilise nos établissements pour les examens et concours, mais qui paie pour l’eau, l’électricité, et les réparations des dégâts causés ? » interroge-t-il, soulignant la précarité dans laquelle les écoles privées se retrouvent.
Les parents espèrent des mesures concrètes de la part des autorités pour réguler ces augmentations de frais scolaires. Élie, visiblement inquiet, appelle à l’aide: « Nous avons besoin d’aide et de soutien pour garantir l’avenir de nos enfants ».
Dans une note en date du 13 juin 2022, le ministère en charge de l’Education nationale attirait l’attention des établissements privés sur « l’augmentation abusive des frais de scolarité ». À l’occasion, le ministre relevait que cela est un obstacle à la scolarisation de beaucoup d’enfants dont les déplacés internes ».
Lagoun Ismaël DRABO