Contribuer à impliquer davantage les femmes dans les instances de gouvernance. C’est l’un des objectifs du projet FASOVEIL mis en œuvre par le Laboratoire Citoyennetés et la Fondation Hirondelle. Le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD), partie prenante du projet, travaille à améliorer la participation de l’autre moitié du ciel dans le dialogue citoyen en vue de susciter son engagement et son implication dans les réformes publiques. Interview avec Simon Pierre Douamba, chargé de projet.
MoussoNews: Quelle est l’implication du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) dans le projet FASOVEIL ?
Simon Pierre Douamba: Le CGD s’occupe des réformes institutionnelles. Notre contribution est de faire des recherches, d’animer des cadres de dialogue pour qu’ensemble nous puissions utiliser cette période de la Transition comme étant une fenêtre d’opportunité pour influencer les réformes dans l’espoir d’un retour à l’Etat démocratique.
Quelles sont les activités précises qui sont menées en vue d’y parvenir dans le cadre du projet FASOVEIL ?
Nous avons fait des collectes. Et nous continuons de le faire. Nous faisons aussi l’enquête FASOVEIL et cette enquête nous permet d’évaluer les attentes des populations par rapport à la mise en œuvre des politiques publiques. Elle a eu lieu dans les 12 régions sauf le Sahel, du fait de la situation sécuritaire. Dans ce sens, un cahier des réformes a été rédigé et dans lequel sont consignées les réformes politiques et institutionnelles.
A ces enquêtes, s’est ajouté un atelier avec les autorités pour recenser les meilleures reformes à mettre dans le cahier. Dans le cadre du projet FASOVEIL également, nous renforçons les capacités des membres des mouvements spécifiques. Nous organisons des dialogues citoyens que nous appelons dialogue démocratique ou des sujets d’actualité sont discutés sur les différents acteurs de la société afin d’améliorer les réformes politiques.
De façon globale, quelles sont les attentes des populations par rapport aux réformes ?
Les populations s’intéressent plus aux réformes électorales. Et sur ces réformes électorales, les gens veulent un plafonnement des campagnes et des dépenses de la campagne. Ils veulent que le maire soit voté au suffrage universel direct. Certains proposent la diminution du nombre des partis politiques, la lutte anticorruption, etc. La séparation des pouvoirs avec une Justice plus indépendante, une Assemblée nationale qui rend de plus en plus compte sont aussi une grande attente des populations.
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Sur le volet sécuritaire, ils demandent plus de collaboration entre les civils et les forces de défense, un meilleur maillage du territoire. Et quant aux réformes économiques, ce sont plus les opportunités d’emplois pour les jeunes et les femmes et des politiques qui puissent booster le développement et la croissance au Burkina Faso.
Dans ce contexte d’insécurité, comment se présente cette bonne gouvernance ?
Elle se présente comme un peu ce que les uns et les autres voient ou constatent. Il y a tout de même une restriction des libertés et des espaces, ce qui fait qu’il y a un manque à gagner à ce niveau.
Aussi, en termes de lutte contre la corruption, il y a sûrement des efforts, Mais il y a beaucoup encore à faire parce que quand même il faut qu’on fasse les comptes de ce qui s’est passé dans les régimes passés. Qu’on ait plus de regards et qu’on puisse renforcer les textes qui existent en termes de lutte contre la corruption.
Je pense qu’il y a des textes toujours à adopter pour assainir les finances publiques et surtout permettre la participation effective des populations, non seulement dans la budgétisation, mais aussi la mise en œuvre des politiques publiques.
Est-ce que les femmes arrivent à participer à cette bonne gouvernance dans ce contexte de sécurité ?
Oui. Mais difficilement. Parce que la participation de la femme dans ces instances n’était pas aussi aisée même en temps normal. Encore moins en temps exceptionnel comme maintenant. Il y a des efforts qui doivent encore être faits. Beaucoup plus d’ailleurs pour que les femmes puissent participer à ces instances. On n’a, par exemple, pas beaucoup de femmes dans les délégations spéciales. Le taux n’a vraiment pas évolué. Il en est de même dans les instances de décision. Si on doit faire la comparaison entre la période démocratique et transitionnelle, on ne sent pas une amélioration de la participation de la femme.
Est-ce la faute aux femmes ou celle des décideurs ?
Non. Je ne pense pas que ça soit la faute aux femmes. Mais plutôt les décideurs parce que leur participation ne passe pas par les élections. Si c’était les élections, on peut dire que les femmes ne se motivent pas pour se faire élire. Mais là, ce sont les décideurs qui choisissent. On peut donc trouver un mécanisme pour qu’il y a plus de femmes.
On peut définir des quotas au niveau du gouvernement, de l’Assemblée nationale ou d’autres institutions. Des efforts peuvent être faits parce qu’il y a plus de femmes capables dans toutes les régions du pays. Si on veut, on peut même avoir 100% de femmes dans les instances décisionnelles.
Dans le projet FASOVEIL, est-ce qu’il y a une initiative spécifique pour encourager la participation citoyenne des femmes à la bonne gouvernance ?
Oui. Cela fait partie de nos critères quand on fait le tour des régions. On fait de telle sorte que ça soit les associations féminines ou des femmes leaders de ces zones qui participent aux rencontres.
Quelles sont les initiatives que les femmes elles-mêmes peuvent prendre pour renforcer cette bonne gouvernance dans ce contexte de Transition sans forcément attendre les décideurs ?
Elles doivent prendre des initiatives d’approches auprès des décideurs pour se faire entendre. Pas forcément au niveau national car même en niveau local. Ils peuvent avoir des actions d’approches et d’échanges avec les autorités. A ces rencontres, elles peuvent expliquer leurs difficultés et présenter les opportunités qui existent dans leur région. Bien présenter les opportunités et les pistes pour y aboutir.
Est-ce que vous avez foi que la femme aura 100% de participation citoyenne dans la gouvernance ?
C’est un chemin difficile parce qu’il y a l’effort que la femme peut faire et qu’elle doit encore multiplier pour pouvoir participer. Mais il y a également l’effort que les hommes et les décideurs doivent faire pour comprendre la femme. Et que ce n’est pas une faveur qu’on fait aux femmes parce qu’elles ont le plus fort taux dans la population. On ne peut pas penser développement et laisser une grande partie de la population en marge. C’est même une nécessité. Si les femmes ne viennent pas, c’est aux autorités d’aller les chercher pour qu’ensemble on puisse avancer.
Studio Yafa avec MoussoNews