L’eau manque dans certains secteurs de la ville de Koudougou. A tout moment de l’année. Dans la région du Centre-ouest du Burkina, des ménages passent deux à trois mois sans qu’une goutte d’eau sorte de leurs robinets. Une soif sans fin qui alimente l’incompréhension et souvent une poussée de colère dans la cité du cavalier rouge.
Au siège de la coopérative wend woaga (Dieu est grand, en langue mooré), la trésorière Roseline Tinguerie, tourne son robinet à l’entrée de la cour au secteur 5 de Koudougou. Rien n’en sort. D’ailleurs, la jeune dame ne manifeste aucun signe, preuve qu’elle est habituée. La veille, c’était pareil. Depuis 2014 qu’elle est dans ce quartier, l’eau a toujours fait défaut.
« Il nous est arrivé de faire deux à trois mois sans une goutte d’eau au robinet. Chaque fois, il faut stoker et attendre. Ou encore se retourner vers les forages », explique la jeune dame.
Et pourtant nous sommes en pleine saison pluvieuse. De quoi susciter l’incompréhension de la trésorière : « On ne comprend vraiment pas. On se dit que les barrages sont pleins actuellement et qu’on ne devrait pas avoir ce problème ». Des questions sans réponses qui ont alimenté la colère des habitants. Certains ont marché, il y a quelques années sur l’Office national de l’eau et de l’assainissement de la région pour exiger des réponses et des solutions pérennes.
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Le secteur 5 n’est qu’un échantillon du problème de desserte d’eau dans la capitale de la région du Centre-ouest. Entre autres, les secteurs 6, 8, 9 et 10 vivent le même calvaire. Des femmes ou des enfants qui poussent difficilement des barriques d’eau. Des habitants qui se promènent avec des bidons de 20 litres à la recherche du précieux liquide ou de retour de la corvée. Voici des scènes presque banales.
Restauratrice dans un restaurant au secteur 6, Esther Kaboré regrette une situation qui perdure. « Souvent on dort sans se laver », admet-elle, avant d’ajouter qu’en tant que restauratrice, cette situation a une incidence sur son activité. « Quand ça coupe, souvent on va au puits pour prendre de l’eau. Mais il y a des clients qui n’aiment pas l’eau du puits. Mais s’il n’y a pas d’eau, comment on va faire ? », se demande désespérément Esther.
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Lui avait cru bon de s’installer à côté une borne-fontaine. Briquetier, Henri Zongo pensait ainsi être à côté de la ressource qui lui sert à confectionner les parpaings et surtout à les arroser. Mais peine perdue. « Il faut forcément de l’eau pour arroser les briques en ciment. Souvent on finit de confectionner les briques et il n’y a pas d’eau pour arroser, c’est une vraie perte. On a souvent dormi ici pour attendre l’eau. Mais là maintenant, on préfère tranquillement aller prendre l’eau des puits, c’est mieux», nous explique le briquetier.
« Chaque mois, ils envoient la facture, pourtant il n’y a pas d’eau », lance Opportune Yaméogo, qui grille le maïs au bord d’une grande voie qui traverse le secteur 6.
Un déficit de communication
Nous avons tenté en vain d’avoir la réaction de l’ONEA-Koudougou sur le sujet. Anatole Bayala, Président de la ligue des consommateurs, section Boulkiemdé, avoue crouler sous le poids des plaintes des consommateurs. Comme nous qui n’avons pas obtenu de rendez-vous, lui également regrette un déficit de communication de la part de l’institution.
« C’est vraiment frustrant à la limite écœurant. Quand nous portons la voix, nous voyons que les actions sur le terrain ne sont pas assez suffisantes pour répondre réellement aux attentes des populations. En plus, nous voyons que l’ONEA ne communique pas assez. Lorsqu’il y a un problème, il ne coûte rien d’associer les populations », se désole le Président Bayala. Il rappelle que quand le Directeur régional de l’ONEA a été nommé nouvellement, la ligue des consommateurs est allée le voir. « Il nous a rassurés que les problèmes aux secteurs 5 et 6 étaient en voie de résolution. Malheureusement le fait est toujours réel », constate M. Bayala.
Roseline Tinguerie elle, se rappelle que quand la population a marché sur l’ONEA, l’institution avait tenté d’expliquer la situation. « Ils ont dit que la population de Koudougou a augmenté. Pourtant quand on mettait les tuyaux, il s’agissait des petits diamètres. Donc, quand la pression n’est pas forte et que l’eau vient, ceux qui sont en basse altitude ont l’eau. Pendant ce temps, ceux qui sont en hauteur n’en ont pas. Le temps que ça arrive, c’est coupé », se souvient-elle.
Seulement, malgré les projets annoncés pour juguler le problème, des populations ont toujours soif dans la cité du cavalier rouge.
Tiga Cheick Sawadogo