Burkina-Niger : Sur les traces de la chèvre rousse de Maradi, ‘’la vache du pauvre’’
La chèvres rousse de Maradi, la vache du pauvre contre la pauvreté, Ph. Studio Yafa

Burkina-Niger : Sur les traces de la chèvre rousse de Maradi, ‘’la vache du pauvre’’

C’est un animal dont on dit beaucoup de bien : la chèvre rousse de Maradi, du nom de la 2e ville du Niger, à plus de 600 km de Niamey. Ce petit ruminant y est tout un symbole. Il est connu pour sa prolificité, la qualité de son lait et de sa viande. La chèvre rousse de Maradi prend sa place de plus en plus dans les enclos du Burkina et d’autres pays du Sahel. Voyage dans le berceau de la vache du pauvre.

Maradi, sud du Niger, plus de 600 km de Niamey la capitale. Le soleil commence à décliner. Au centre caprin, à l’est de la ville, le bêlement des petits ruminants se fait entendre au loin. C’est le moment choisi par le Directeur du centre, Moussa Nadjimou, pour aller vérifier ses différents troupeaux. « Le centre compte plus de 500 têtes », nous lance-t-il en poussant le grillage qui fait office de porte.

Moussa Nadjimou, Directeur du centre caprin de Maradi, Ph. Studio Yafa

Une particularité. Tous les sujets ici ont le pelage roux et portent une sorte de boucle jaune à l’oreille gauche. Sur la plaquette, une série d’informations. « Les animaux sont identifiés et suivis dès la naissance. Il y a le numéro du troupeau, l’année de naissance, le numéro d’arrivage. Tous les mâles portent le numéro impair, toutes les femelles le numéro pair », explique Moussa, l’ange gardien des chèvres rousses.

Symbole d’une ville

Nous sommes bien dans l’antre des chèvres rousses de Maradi. Depuis les années 1960, le centre a pour objectif, la sélection des caprins pour leur diffusion en milieu rural. « La chèvre a ses origines dans la ville de Tessaoua, Maradi, et un peu le sud-ouest de la région de Zinder. On ne peut pas labéliser des vivants, mais on lui donne le nom du terroir auquel il appartient. Les animaux prennent le nom du terroir ou de l’ethnie qui l’élève. On parle de la chèvre naine du Burkina, du mouton Balami, du zébu Azawak », poursuit l’homme en passant en revue ses troupeaux.

De grands bâtiments servent de dortoirs aux animaux divisés en 7 troupeaux.  « Dans chaque troupeau, un mal est sélectionné. Et la sélection se fait sur la base de deux principaux critères. La robe, il faut que l’animal réponde au critère de la chèvre rousse. Le second, c’est la prolificité, la capacité de donner plusieurs petits par mise bas », explique Moussa Nadjimou, par ailleurs ingénieur en production animale et développement durable.

Une ville rendue célèbre par une chèvre ? Ce n’est pas excessif de le dire. Pour beaucoup de personnes qui ne connaissent pas cette ville frontalière du Nigéria, Maradi est arrimée à la chèvre rousse. Comme pour célébrer la mascotte de la ville, les armoiries de la commune sont composées entre autres de deux chèvres rousses.

Elles sont également présentes sur le portique de l’aérodrome de Maradi, comme pour souhaiter la bienvenue aux voyageurs ou leur dire au revoir. C’est l’ingénieur agronome, Boukari Baoua Ibrahim, enseignant chercheur à l’université Dan Dicko Dankoulodo de Maradi qui le résume si bien : « La chèvre rousse, c’est le symbole de la ville ».

Du lait, de la viande…en quantité

Loin de là, un homme semble avoir entendu l’écho des avantages de la chèvre rousse de Maradi. Richard Moné est ingénieur agronome. Dans sa ferme, à Loumbila, commune située à un jet de pierres au nord de Ouagadougou, Burkina Faso, une quarantaine de chèvres rousses de Maradi gambadent dans un espace verdoyant.

Richard Moné, initiateur de la ‘’Caravane des chèvres rousses pour la paix’’, Ph. Studio Yafa

En plus d’en élever pour sa propre ferme, l’ingénieur agronome est devenu le visage de promotion de la chèvre rousse de Maradi sur les réseaux. Plusieurs fois dans l’année, il organise ce qu’il appelle ‘’Caravane des chèvres rousses pour la paix’’. Pour lui, au-delà du pouvoir économique de la chèvre, elle peut par extension constituer une réponse à l’extrémisme violent. « Si les jeunes s’intéressent à cette race, avec son pouvoir économique (la prolificité, le lait, le fromage), cela permettra d’améliorer l’employabilité des jeunes et ils ne seront plus intéressés à s’inscrire dans les histoires de terrorisme », défend-t-il.

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Absolument, reconnaît le Directeur du centre caprin de Maradi. Moussa Nadjimou soutient que la chèvre rousse est un puissant moyen de lutte contre la pauvreté. « C’est un animal qui peut mettre bas deux fois dans l’année. Si on me donne une chevrette et un cabri qui sont nés aujourd’hui, dans de bonnes conditions alimentaire et sanitaire, dans les 7 mois qui suivent, cet animal peut être sailli. La gestation du petit ruminant dure 5 mois. Au 12e, maximum au 13e mois de l’année, cet animal est devenu mère.  Quelque temps après, la mère redevient en chaleur, même si elle est en train d’allaiter (…) au bout de 18 mois, vous serez à 5 ou à 6 têtes », explique-t-il. D’ailleurs, il rappelle qu’en dehors de la volaille et des porcs, il n’y a pas une espèce animale plus prolifique et précoce que la chèvre rousse.

Le dortoir des chèvres à Maradi

« C’est un cas extrême, assez rare, mais nous avons eu une chèvre ici qui a fait 5 chevreaux en une seule mise bas », s’écrie Richard Moné. Il ajoute que la race est aussi remarquable par sa capacité à donner beaucoup de lait.  « 0,5 à 1 litre de lait », précise Moussa Nadjimou. Ce sont ces raisons conjuguées à la qualité de sa viande et sa peau « très recherchée » qui ont valu à l’animal le surnom de « Vache du pauvre ». Et l’ingénieur agronome, Dr Boukari Baoua Ibrahim, d’embrayer : « Elle contribue à la sécurité alimentaire de la famille par ce que c’est un revenu non négligeable. Et un peu de lait mélangé au mil, ça fait une alimentation équilibrée, un compagnon pour renforcer l’économie familiale ».

Le bon filon

La chèvre rousse de Maradi est un bon filon pour Richard Moné. La demande est grande et presqu’impossible à satisfaire à chaque caravane. Au Burkina, au Mali, au Togo, en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Sénégal et en Guinée, il dit recevoir des commandes. « Je me mords souvent les doigts parce que si nous avions un système de transport ferroviaire, on allait faire beaucoup d’affaires avec cette race. Parce que même jusqu’au Congo Brazzaville, RDC, au Cameroun, les gens nous appellent pour les chèvres rousses », regrette-t-il en évoquant surtout la crise sécuritaire qui entrave la libre circulation.

A titre d’exemple, après le trajet Maradi-Dori, qui prend environ deux jours, celui de Dori-Ouaga devient aléatoire. Le convoi militaire, sans lequel il est risqué de prendre la route, peut atteindre trois semaines.

La difficulté à satisfaire la demande est partagée même au berceau de la chèvre à Maradi. « Si je vous prends aujourd’hui la liste des attentes, même d’ici la fin de l’année, je ne pourrai pas satisfaire », nous souffle Moussa Nadjimou avec un sourire qui traduit une certaine fierté.

Richard Moné qui avoue ne pas connaître Maradi et le centre caprin soutient l’idée d’une étude pour d’éventuels croisements entre la chèvre rousse de Maradi et d’autres races de chèvres. Ce serait une occqsion de la rendre plus accessible et plus résistante à la pluie et au froid qu’elle ne supporte pas. Un niet retentit devant les enclos modernes des chèvres à Maradi. « On veut garder jalousement cette race », clame l’ange gardien de ce symbole de fierté d’une ville et d’un pays.

Tiga Cheick Sawadogo