Campagne agricole: L’heure de la moisson après une saison d’incertitudes

Campagne agricole: L’heure de la moisson après une saison d’incertitudes

La saison agricole humide 2024 a été marquée par des conditions climatiques imprévisibles et extrêmes. Pluies tardives, longues poches de sécheresse, inondations…Malgré ces défis liés au changement climatique, les producteurs ont su s’adapter. C’est l’heure de la rétribution pour les travailleurs de la terre qui espèrent bien garnir leurs greniers, à défaut de les remplir.

À Tintilou, au bord de la Route Nationale N1, l’effervescence est palpable dans le champ de la famille Kiendrebéogo. Les discussions animées et les rires se mêlent au son des arachides déracinées du sol. Sous un soleil ardent, une vingtaine de personnes, parents proches et éloignés travaillent d’arrache-pied. Kader Kiendrebéogo, le patriarche sexagénaire, observe avec fierté l’énergie collective déployée sur ses terres. Pourtant, derrière son sourire bienveillant, une pointe d’inquiétude transparaît.

A l’heure de la moisson, les producteurs ne sont pas logés à la même enseigne, Ph. Studio Yafa

« La récolte est moins abondante que celle de l’année dernière. Le début de saison a été très difficile avec plus de 20 jours sans pluie », explique-t-il. Le retard des pluies a gravement affecté la germination, compromettant une partie de la production. Kader se souvient d’une époque où les cycles climatiques étaient mieux prévisibles, facilitant les récoltes.

« Avant tu sais à quel moment il pleut, à quel moment il ne pleut pas. Mais maintenant personne ne sait ça », constate le producteur, impuissant. Malgré cela, il reste optimiste. « Nous allons tirer le meilleur de ce que la terre nous a offert cette année », se contente-t-il, en jetant un regard teinté de fierté sur sa famille en pleine activité.

À Pâ, l’espoir Récolté Malgré la Sécheresse

Plus à l’Ouest, dans la commune de Pâ, Idrissa Ouédraogo, producteur de maïs, partage des sentiments similaires. Entouré de membres de sa famille et de femmes du village venues en renfort, il se prépare à extraire chaque épi des tiges desséchées. « Nous avons souffert pour semer à cause de la sécheresse, mais les pluies ont fini par revenir », raconte-t-il, tout en brisant un épi entre ses mains. « Aujourd’hui, nous récoltons avec satisfaction, même si ce n’est pas une année exceptionnelle » .

À mesure que les épis tombent dans les paniers, les discussions s’intensifient. Pour Fatimata, une ouvrière venue prêter main-forte, ces moments de récolte sont bien plus qu’un travail : « c’est vraiment intéressant. On ne savait pas que ça allait faire comme ça, parce que comme il n’a pas plu on avait un peu peur ».

Des réussites malgré les défis

Dans la commune rurale de Saaba, au sud de Ouagadougou, les champs de riz offrent une perspective plus encourageante. Sous un ciel d’un bleu limpide, Rihanata Kaboré inspecte ses parcelles verdoyantes. Agricultrice depuis plus de 12 ans, elle se félicite des résultats obtenus cette année.

Dans le bassin rizicole de Saaba, la moisson promet d’être bonne, Ph. Studio Yafa

« Tant qu’il y a à manger, c’est vraiment la joie. Nous rendons grâce à Dieu pour cela », confie-t-elle avec un sourire radieux. Le riz, à l’état d’or blanc une fois séché, reflète l’abondance que Rihanata et sa famille espéraient. Les moments de récolte sont aussi l’occasion de se retrouver, renforçant les liens sociaux dans un contexte marqué par des incertitudes climatiques.

Non loin de là, Salif Ouédraogo, un jeune entrepreneur agricole, partage une histoire similaire. Il s’est lancé dans la culture du riz il y a quatre ans avec des moyens limités. Grâce à une formation sur les techniques de semis et de gestion de l’eau, il a réussi à tripler sa production. « Avant, je cultivais juste pour nourrir ma famille, mais maintenant, je peux vendre une partie de la récolte au marché local. Cela nous permet de couvrir d’autres besoins essentiels », dit-t-il fièrement.

Bilan positif malgré les défis de la saison agricole humide 2024

Malgré les nombreux défis rencontrés en début de saison, le président du Réseau des Organisations Paysannes pour une Synergie d’Action au Burkina, Jules Zongo, se dit globalement satisfait de la saison agricole humide 2024. Selon lui, les conditions de cette année sont positives, notamment grâce à un suivi citoyen des politiques agricoles et une bonne pluviométrie observée dans plusieurs régions.

Il souligne que, même si la saison a comporté des hauts et des bas, la véritable victoire réside dans la résilience des agriculteurs, qui, malgré les incertitudes climatiques, ont maintenu l’espoir et ont persévéré dans leurs travaux champêtres.

En dépit des aléas climatiques, la saison agricole humide 2024 démontre que l’agriculture burkinabè repose sur des bases solides : la résilience, la solidarité et la persévérance des producteurs.

Ismaël Lagoun Drabo (Collaborateur)