A Banfora, la troupe Djigiya lutte contre l’oubli du balafon
A droite, un apprenant balafoniste en compagnie de son maitre lors d'une répétition à Banfora. Capture vidéo Studio Yafa.

A Banfora, la troupe Djigiya lutte contre l’oubli du balafon

Le balafon, plus qu’un instrument de musique, est une partie intégrante de la culture de la communauté sénoufo, dans la région des Cascades du Burkina Faso. A Banfora, à plus de 400 km de Ouagadougou, la troupe Djigiya, « espoir » en langue bambara, s’est donnée pour mission de perpétuer la pratique du balafon, de plus en plus abandonnée par les jeunes.

Une ambiance rythmée de balafon mêlée de djembé résonne dans une vaste cour d’un secteur de Banfora. Sous des manguiers aux feuillages denses, la troupe Djigiya répète. Des chants accompagnent les rythmes du balafon. Dans le groupe, Daouda Ouattara, des baguettes en main, frappe avec une précision remarquable. Au rythme de la musique, des jeunes hommes dans un cercle esquissent des pas de danse. Tout cela accompagné du battement d’un djembé.

Le visage concentré, Daouda Ouattara savoure ce moment. Le jeune homme, âgé d’un peu plus de trente ans, est apprenti balafoniste. Pour le profane, sept ans peuvent paraître très longs. Mais dans l’apprentissage du balafon, cela est insignifiant, car sa maîtrise nécessite beaucoup de patience.

Daouda Ouattara, l’apprenant montre ce qu’il a appris du balafon auprès de ses maîtres. Capture d’écran vidéo Studio Yafa.

Cette passion, Daouda la porte depuis son enfance. Chez les Ouattara, le balafon n’était pas seulement une distraction, mais un héritage à honorer. « C’était comme une tradition. Chacun de mes parents apprenait. J’ai voulu suivre leurs pas », raconte Daouda.

L’art de la transmission

Les membres expérimentés de la troupe Djigiya assurent un suivi minutieux du jeune homme. Parmi les apprenants figure Seydou Ouattara, âgé de plus de cinquante ans. Ce dernier pratique le balafon depuis l’âge de 16 ans. Fort de cette expérience, il transmet son savoir aux plus jeunes avec facilité.

Seydou a vu passer plusieurs jeunes sous sa direction pour apprendre à jouer au balafon. « On peut apprendre le balafon à tout le monde. Toute personne qui le désire peut pratiquer le balafon. Il n’y a aucune interdiction à ce niveau », explique-t-il.

Avec plus de 40 ans d’expérience dans la pratique du balafon, Seydou Ouattara transmet ses connaissances aux plus jeunes. Capture d’écran vidéo Studio Yafa.

Pourtant, cette transmission n’est pas sans obstacles. A Banfora, beaucoup de jeunes se détournent du balafon. Ils sont plutôt séduits par des instruments modernes. Pour des raisons d’études, d’autres n’ont pas le temps nécessaire pour s’y consacrer. Avoir des jeunes comme Daouda, qui souhaitent apprendre à jouer, est un véritable bonheur pour les membres de la troupe Djigiya, qui se sont donné pour ambition de transmettre leur savoir-faire. Ce qui justifie d’ailleurs la création de la troupe.

Sériba Ouattara, parrain et manager du groupe, est le créateur de la troupe Djigiya. Ce dernier a constaté que de nombreux jeunes avaient abandonné la pratique du balafon. Bien qu’il ne sache pas jouer de cet instrument, il décide de lancer cette troupe. « Nous avons décidé de créer cette troupe pour apprendre aux plus jeunes notre culture et faire en sorte que le balafon ne disparaisse pas », dit-il avec une conviction sans faille.

L’apprentissage est exigeant. Il commence par une cérémonie symbolique où l’apprenant apporte des noix de cola et un poulet, après quoi il passe à la phase pratique. « On commence d’abord par un petit balafon. C’est là que l’apprenant joue ses premières notes. Quand il est aguerri, il passe alors au grand balafon pour s’améliorer. Quand il a la maîtrise, nous le laissons voler de ses propres ailes », relate Seydou Ouattara. Cet apprentissage se fait avec l’espoir que l’apprenant contribuera à former d’autres jeunes. C’est aussi par ce moyen que les membres de la troupe Djigiya espèrent faire perpétuer cette tradition.

Au delà d’être un simple instrument de musique, le balafon occupe une place importante dans la culture sénoufo. Capture d’écran vidéo, Studio Yafa.

Le processus d’apprentissage du balafon comporte plusieurs contraintes, comme des pratiques rituelles rigoureuses à suivre. « Lorsqu’on est souillé, on ne doit pas jouer au balafon », prévient Seydou avec une pointe d’humour. Le balafon est donc jaloux. Les conséquences peuvent être fatales pour quiconque déroge à la règle.

La persévérance malgré les critiques

Le parrain de la troupe Sériba Ouattara espère contribuer à perpétuer la pratique du balafon chez les plus jeunes.

En outre, à un certain niveau d’initiation, le balafoniste doit respecter des rites annuels stricts. Mais ce qui est plus dur, c’est le regard des autres. « Les gens se moquent en disant que le balafon n’est plus à la mode, et nous continuons à le jouer », regrette Daouda. Les critiques ne l’ont pas découragé. Sinon, il aurait abandonné depuis longtemps. « Parfois, je n’avais même pas un moyen de déplacement. Mais je faisais tout pour être là », précise Daouda. L’assiduité est un gage de réussite pour les jeunes apprenants, assure-t-on ici.

Le groupe Djigiya est encore jeune. Même s’il a contribué à former quelques groupes, il cherche à s’exporter hors de la commune de Banfora. Ce qui motivera d’autres jeunes à faire plus confiance à leur expertise. C’est pour cela qu’il envisage de participer à la Semaine nationale de la culture (SNC), un festival de valorisation des différentes potentialités culturelles du Burkina Faso.

Boukari Ouédraogo