Le lac Tingréla, un site touristique de la commune rurale de Tingréla, à près de 450 km de Ouagadougou, n’attire plus. L’ensablement, l’envahissement par de mauvaises herbes, le manque d’aménagement et l’insécurité ont considérablement réduit les visites. Les acteurs touristiques se détournent progressivement vers d’autres activités pour survivre.
Les rives du Lac Tingréla, autrefois animées sont désertes. Des barques rongées par l’humidité et le temps sont entassées comme des épaves. Cet espace autrefois florissant donne désormais l’image d’un site oublié. Aucun aménagement spécifique digne d’un site touristique n’est visible.
A l’ombre des manguiers, Lassana Youlou, le visage marqué par le regret, contemple son restaurant « Hippopotame » vide. Cet ancien piroguier, a vécu la période de gloire du lac. A l’époque, les touristes se bousculaient pour apercevoir les majestueux hippopotames. Mais aujourd’hui, tout semble en déclin. « L’État n’a rien fait ici. S’il avait réalisé quelque chose, il y aurait un peu plus de visites ici », raconte-t-il, la voix nouée par l’amertume. Il est convaincu que le manque d’aménagement n’incite pas les touristes à visiter le lac.
Une lente agonie
Le nouveau restaurateur, presque réduit au chômage, ne cache pas sa nostalgie de ces moments heureux. « Avant, je pouvais avoir 200 mille le week-end. Mais actuellement, si je réussis à avoir 25 mille francs CFA en un week-end, c’est beaucoup pour moi », explique-t-il, tout triste.
Tout autour, les guides et collecteurs de taxes ne sont plus réguliers, faute de clientèle. Parmi eux, Issou Tou, un guide collecteur, a passé son enfance aux abords du Lac Tingréla. Il est témoin de l’agonie dans laquelle se trouve le Lac, étouffé par la jacinthe d’eau, une sorte de plante rampante. « Quand on était petits, l’eau était visible à perte de vue. « Maintenant, chaque année, le sable gagne du terrain et l’eau recule », raconte Issou Tou.
Cependant, ce site touristique souffre d’autres maux en plus du manque d’aménagement. Le lac Tingréla est asphyxié par l’envahissement des herbes et l’ensablement, ce qui a également des répercussions sur la pêche. Les filets, d’habitudes remplis de poissons, sont vides.
La pêche en souffrance
Certains pêcheurs se sont tournés vers d’autres activités. « Nous n’arrivons plus à avoir les gros poissons comme les capitaines parce que l’eau a beaucoup baissé. Le poisson que nous pêchons ne suffit même plus pour l’exportation », se lamente Issoufou Ouattara, président de l’Association des pêcheurs du lac Tingréla. L’ensablement et les mauvaises herbes ont réduit la taille du lac, forçant les poissons à migrer vers d’autres eaux.
Non loin de là, l’hôtel de Mariam Traoré avec ses cases traditionnelles autrefois prisées par les visiteurs, tombe en ruine. Pour elle, l’absence d’un aménagement adéquat décourage les visiteurs. Les cases sont désertées et, pour certaines, manquent d’entretien. « Souvent, on peut avoir un touriste burkinabè qui vient passer un week-end. Après cela, il faut attendre parfois trois mois pour revoir de la clientèle. Mon mari et moi, nous nous sommes reconvertis dans l’agriculture pour survivre », confie-t-elle, avec une pointe de tristesse.
Les emblématiques hippopotames, symbole de Tingréla, se raréfient. « Il y a des hippopotames sacrés. Mais avec l’insécurité et le manque d’aménagement, ils recherchent d’autres endroits », regrette Sa Majesté Siaka Koné, chef de Tingréla.
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Pour y faire face, la population se mobilise. Face à cette dégradation, les habitants tentent d’agir. Ils ont d’abord décidé d’interdire la pratique du maraîchage pendant la période chaude. Ils ont réuni 3 millions de francs CFA afin de renforcer la digue. « Mais chaque année, l’eau qui s’échappe détruit notre travail », regrette Sagnon, un agriculteur installé aux abords du lac.
Boukary Ouédraogo, assistant des services touristiques et hôtelier à la direction régionale du tourisme de la région des Cascades reconnaît les problèmes posés. Selon lui, les nombreuses priorités du gouvernement, le contexte d’insécurité et la faiblesse de la recette ne permettent pas d’abord des investissements.
Boukari Ouédraogo