Au Burkina, quand devenir footballeur professionnel est un moyen de survie
De jeunes footballeurs s'affrontant sur un terrain au Stade Municipal de Ouagadougou à l'occasion d'un tournoi de détection. Photo: Studio Yafa.

Au Burkina, quand devenir footballeur professionnel est un moyen de survie

De nombreux jeunes burkinabè ont pour rêve de devenir footballeurs professionnels. Mais le talent seul ne suffit pas à franchir les obstacles du monde du football.

Il est midi passé. Sur la pelouse synthétique du Stade Municipal de Ouagadougou deux équipes de jeunes garçons s’affrontent dans un tournoi de détection pour les jeunes de moins de 18 ans.  Chaque rencontre dure 2 x 20 minutes. Si court, mais suffisant pour distinguer les pépites. Dans les tribunes, un petit public observe ces matchs de détection. Stylo et calepin en main, Antoine Kossokou, ancien recruteur pour des clubs européens, observe et prend note, le regard impassible.

Parmi les joueurs sur le terrain, Alex Junior Bini, 16 ans donne tout ce qu’il a au fond de lui pour taper dans l’œil d’un recruteur. L’adolescent, frêle mais rapide, sur le terrain veut se démarquer à l’image de son modèle Lionel Messi.

Match de football où des jeunes démontrent leurs talents pour taper dans l’œil de recruteurs. Photo Studio Yafa.

Aujourd’hui pensionnaire de l’Association sportive pour l’avenir (ASSA), une académie au quartier Zagtouli de Ouagadougou, il participe à ce test de détection dans l’espoir de devenir footballeur professionnel. « Je veux pouvoir aider un jour ma famille parce que dans le football, on peut gagner de l’argent », explique-t-il le regard plein de détermination.

Sortir la famille de la pauvreté

A côté du terrain, Isaac Zagré, un autre jeune talent de l’académie Omega FC, nourrit les mêmes ambitions. Depuis la mort de son père, le football est devenu pour lui bien plus qu’une passion. C’est un moyen de survie. A 17 ans, Isaac est prêt à beaucoup de sacrifices pour réaliser ce rêve. « Mon objectif est de réussir à ce test. Pour cela, j’essaie de montrer mes qualités techniques individuelles et collectives », murmure-t-il, plein d’espoir.

Des entraîneurs et des joueurs regardant un match de football au Stade Municipal de Ouagadougou. Photo: Studio Yafa.

Pour les encadreurs comme Gildas Yaméogo, ces tournois de détection sont une opportunité pour aider les jeunes à réaliser leurs rêves. Pour beaucoup d’entre eux, cela leur permettra d’échapper à la pauvreté. «Il faut reconnaître que beaucoup sont des enfants de familles modestes », reconnait-il. Pour lui, c’est de bonne guerre. Mais il sait que le chemin est semé d’embûches. Il faut beaucoup de sacrifices pour réussir dans le football.

A Omega FC où il officie comme formateur, la discipline est une priorité. « Si un joueur est indiscipliné, il ne respecte pas les règles du sommeil, d’alimentation, on les éduque sur ça. A Omega, on n’utilise pas le téléphone portable. C’est uniquement les week-ends qu’ils peuvent l’utiliser », précise-t-il. Car pour espérer intégrer un club professionnel, le talent seul ne suffit pas.

Le football est porteur d’espoir pour ces jeunes qui, tout en travaillant pour réaliser leur passion, veulent aussi sortir de la pauvreté. Omega FC s’inscrit presque dans cette dynamique de «former et vendre». Un business donc.

Antoine Kossokou à l’extrême gauche et ses partenaires à droite durant le test de détection. Photo: Studio Yafa.

Des recruteurs exigeants

Antoine Kossokou le rappelle. Détecter un futur talent exige une précision quasi chirurgicale. « Nous cherchons des joueurs avec une marge de progression importante. En Europe, les centres de formation sont déjà très performants, alors ici, il faut vraiment sortir du lot », explique-t-il, tout en prenant une nouvelle note sur son calepin.

Salomé Rachid veut donner une chance aux jeunes sportifs de réussir dans le football. Photo: Studio Yafa.

Salomé Rachid, est l’initiateur de ce camp de détection. Son objectif est d’offrir une plateforme aux jeunes footballeurs d’exprimer leurs talents et de taper bientôt dans l’œil de recruteurs. Il est conscient d’une chose : beaucoup de jeunes échouent dans leur carrière de footballeur faute d’un mauvais encadrement. « Il y a l’aspect communication, l’aspect juridique, la gestion du patrimoine etc. qu’il faut prendre en compte et les parents seuls ne peuvent pas gérer cela », explique Salomé.

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En plus, réaliser des camps de détection avec la participation de recruteurs reconnus permet aux jeunes d’échapper aux mailles de recruteurs véreux. Mais, quel que soit le talent d’un jeune, seul le travail compte pour forcer la chance.

Boukari Ouédraogo