Voici pourquoi les médias au Burkina sont sur une pente raide

Voici pourquoi les médias au Burkina sont sur une pente raide

Au Burkina Faso, des médias, privés surtout, ont mis la clé sous le paillasson, d’autres le feront encore peut-être. On touche du bois, mais une chose est sûre, ils sont presque tous sur une pente raide. En tout cas, c’est ce que disent Lefaso.net, Canal3 et Savane Groupe. Ils donnent aussi les raisons et des pistes de solutions.

Différents médias, même réalité ! Pente raide ! Une situation financière qui, au-delà de la « janviose » traverse une zone de turbulence. Et il faut bien plus qu’une ceinture de sécurité. LeFaso.net, Canal3, Savane Groupe l’ont exprimé, chacun à sa façon.

La directrice générale de LeFaso.net, Aicha Ouattara, est formelle : « On a des difficultés financières. (…) et pas seulement dans la presse. Partout. La difficulté financière n’est pas seulement aux médias, c’est dans tous les domaines », regrette-t-elle.  Le directeur de la télévision Canal 3 est d’accord qu’il ne faut pas particulariser les médias.

« Ce sont les entreprises en général », dit-il expliquant que toutes les entreprises subissent des crises en ce moment. « (…) nous faisons le même constat, puisque nous vivons la situation, comme tout le monde », lance à son tour le directeur de Savane Groupe, Charlemagne Abissi. Il détaille qu’il y a déjà quelques années que cette situation s’est installée. Et à l’en croire, elle s’est renforcée avec la crise Covid-19, associée à la crise sécuritaire. « On se retrouve dans un environnement où plus rien n’est propice pour les médias », déplore-t-il.

Les Raisons d’une crise

Le directeur de Savane Groupe va plus loin. Il développe qu’avant tout ça, la situation n’était pas totalement rose, dans la mesure où l’assiette publicitaire, qui est la base financière des médias, elle-même est tellement restreinte. Il trouve aussi l’une des origines de la santé financière actuelle des médias dans le fait que leur situation hybride les contraint à la fois à rendre une mission de service public et à vouloir conjuguer avec les exigences d’une entreprise. « Ce qui est difficile, vu le contexte en lui-même », appuie-t-il. Charlemagne accuse également un manque de vision.

« Quand vous imaginez qu’on donne une fréquence à un média qui se trouve dans un petit village, où il y a à peine deux ou trois boutiques, comment voulez-vous que ce média survive ? », interroge le directeur de Savane Groupe. Innocent Soulama de son côté, pense que l’on oublie très souvent que les médias doivent fonctionner comme une entreprise à part entière.

Il avance que dès que les médias se créent, on oublie la société ou l’entreprise qui a généré l’organe. Et pourtant, l’entreprise de communication a des statuts et un registre de commerce qui l’autorisent à faire un certain nombre d’activités.

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« Ces activités ne sont pas menées », se plaint-il, ajoutant que « c’est pourquoi je dis qu’il faut toujours se rappeler que ce sont des entreprises de presse qui créent les organes ». Aicha Ouattara pointe du doigt les ressources qui se raréfient, « mais le nombre d’organes de presse aussi qui augmente ». Cela implique « (…) que la marge de marché qu’on avait avant va diminuer ».

D’un autre côté, la directrice explique cette difficulté financière par le contexte sociopolitique. Même si Aicha ajoute que les couvertures médiatiques qui font les entrées de ressources sont de plus en plus gratuites. Et face à cela, en tant que média, « si vous voulez, par exemple, animer votre site, vous êtes obligés d’aller couvrir ».

Mesures pour s’en sortir

Comme les organes de presse sont des entreprises, pour se relever, Innocent suggère de revoir les statuts et tenir les instances. « Il faut interroger les statuts de la société. Pour cela, il faut que les associés se mettent en assemblée générale pour identifier les goulots d’étranglement et les perspectives », affirme-t-il. Aussi, il reste convaincu que l’élan de résolution d’une situation de crise, c’est pour « sauver l’outil et puis se projeter ». L’une des solutions pour Aicha, c’est de diversifier le portefeuille. Elle plaide aussi pour un accompagnement avec des mesures fiscales plus adaptées à la presse.

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« Aussi, au niveau des banques si on pouvait avoir des facilités surtout pour les médias avec des taux d’intérêt préférentiels à des conditions que les banques vont établir », cela pouvait être d’un soutien, selon l’argumentaire de la directrice du média en ligne.

Du côté de Savane Groupe, il faut s’adapter et trouver un nouveau modèle économique, « parce que le modèle économique classique est dépassé (…) ». Il faut également trouver l’équilibre entre la mission de service public et l’exigence d’une gestion, on va dire, entrepreneuriale », termine Abissi.

Même s’ils ne l’ont pas fait, les responsables de ces trois médias confient que l’idée de dégraisser le personnel a plusieurs fois traversé leur tête au regard de la situation financière actuelle des médias, surtout privés au Burkina Faso.

Boureima DEMBELE