Casque obligatoire : Les vendeurs attendent avec impatience le début effectif des contrôles
Les vendeurs de casques constatent la baisse du marché à cause du manque de contrôle. Ph. Studio Yafa

Casque obligatoire : Les vendeurs attendent avec impatience le début effectif des contrôles

La décision du gouvernement d’imposer le port obligatoire du casque à partir du 1ᵉʳ janvier 2025 avait été saluée par plusieurs acteurs. Pas pour les mêmes raisons. Les vendeurs de casques, eux, y voyaient une occasion de fructifier leurs affaires. Effectivement, leur commerce a connu une embellie de quelques semaines avant de rechuter quand des usagers de la route ont constaté le manque de contrôle effectif de la Police.

Rood woko. Le grand marché de Ouagadougou. Peu avant 12 h, le poumon économique grouille de monde en ses alentours. Entre les vendeurs ambulants qui hèlent les passants à tout-va et les klaxons des motos, il faut se frayer prudemment son chemin. Devant sa boutique, Amado Kafando vendeur de casque de moto attend d’accueillir son premier client de la journée.

Amado Kafando souhaite le contrôle effectif du port casque, Ph. Studio Yafa

En attendant, il devise avec ses voisins. De quoi le plonger dans la nostalgie. Il y a quelques semaines, il reconnait que Faso casque, sa boutique, ne désemplissait pas. Du matin au soir. « En tout cas, je ne vais pas mentir, en décembre, là, on a bien vendu. Quand les autorités avaient annoncé les contrôles et les sanctions à partir de janvier, et que les gens se sont rendus compte que ça n’a pas commencé, le marché s’est refroidi. Les usagers ne se bousculent plus pour acheter le casque », regrette celui qui revendique plus de 20 ans d’expérience dans la vente des casques de moto.

Lire aussi : Le casque, mon reflexe et mon allié à moto et à vélo

Sur les différentes étagères de sa boutique, différents casques. De toutes les tailles. Et surtout de toutes les bourses. Dans des cartons encore emballés, des casques. Ayant certainement flairé le business il s’est préparé en renflouant sa boutique de casques.

Un peu plus loin, à quelques pas du ministère en charge des Affaires étrangères, Saïdou Nana, également vendeur de casques moto, fait l’amer constat de la morosité du marché. Son analyse est la même que Amado. La peur du contrôle a créé une ruée vers les casques en décembre. Mais le constat de manque de sanction pour non-port de casque a ralenti le marché.

Les contrôles sur l’effectivité du port du casque sont toujours attendus

« Avec toute la communication qui s’est faite autour du casque, les gens ont accouru pour acheter. Mais, après les fêtes, surtout après le délai qui avait été donné pour faire des contrôles, le marché a subi les effets de cela », dit-il, assis sur un caillou les yeux rivés sur les riverains de la route, comme s’il était en quête de clients. Aïcha Sawadogo, elle aussi vendeuse de casques installée à côté de l’Ecole nationale de santé animale, s’est faite une opinion. « Certains ne veulent même pas le casque en réalité, ils l’achètent seulement parce qu’entre temps, ils ont appris qu’il y aura contrôle », constate la jeune fille.

Attaque et défense

Des consommateurs ont regretté la flambée des prix des casques quand le gouvernement a annoncé l’obligation de son port. Il n’en est rien. Bien au contraire, se défend Saïdou Nana. « Depuis 6 ans, nous appliquons les mêmes prix. On a même diminué actuellement à cause du manque de marché. Ce que nous vendions à 10 000 CFA, nous le cédons à 8000 CFA. Les casques de 15 000 F CFA sont actuellement vendus à 12 500 F CFA. On s’en tire avec juste un bénéfice de 500 ou 1000 F CFA par casque vendu. Tout cela justement parce qu’il n’y a pas de marché », explique le vendeur, la mine déconfite.

Mais les récriminations des usagers sont quelque peu fondées. Amado Kafando l’admet. « Ça n’a pas beaucoup augmenté. Si je dis que ça n’a pas augmenté, j’aurai menti. Mais si je dis aussi que l’augmentation est importante, je n’aurai pas dit la vérité aussi. Avant, les casques que nous vendions à 6000 sont maintenant vendus à 7000 F CFA. Ce qu’on donnait à 9000 ou 8500, actuellement c’est 10000 F CFA », reconnaît le commerçant, avant de relever que la hausse n’est pas considérable au point de décourager celui qui veut vraiment porter le casque à s’en procurer.

En attendant le contrôle effectif

La directrice de la planification et de la promotion de la sécurité routière à l’Office national de la sécurité routière (ONASER), Nina Samê, rappelle que la tête est la partie la plus fragile du corps humain: « Je dirais que la tête c’est comme un œuf, il est très fragile, et nous devrons vraiment porter le casque lorsqu’on monte sur une moto». Elle conseille de toujours essayer le casque avant de l’acheter. « Et quand on porte des verres correcteurs, il faut s’assurer de bien les porter avec les casques. Il y a deux grands types de casques. Il y a le casque jet et le casque intégral. La différence c’est qu’au niveau du casque jet, au niveau du menton, c’est un peu vide. Quand je porte le casque, je mets bien la sangle. Je baisse ma visière et je circule», poursuit la directrice qui plaide pour la poursuite des sensibilisations.

La solution de l’adoption du port du casque réside-t-elle seulement dans la sensibilisation ? Moumouni Koudougou n’en est pas sûr. Président de la l’association Zéro goutte de sang sur la route qui milite pour la sécurité routière, il fait la catégorisation des usagers. D’abord ceux qui ne connaissent pas le bien-fondé du casque. Ensuite, ceux qui n’en ont pas et n’ont pas de moyen de s’en acheter. Enfin, il y a ceux qui n’aiment pas du tout le casque. « Ces derniers, si ce n’est vraiment pas une obligation, ils ne vont pas le faire. Mais quand ces derniers partent au Ghana, au Togo, au Bénin, en Côte d’Ivoire, ils portent le casque et cela ne les dérange pas. Mais quand ils sont ici, ils trouvent à redire », fustige le président.

Depuis 1978, une loi rend obligatoire le port du casque pour tous les utilisateurs d’engins à deux roues motorisées au Burkina Faso, conducteurs comme passagers. Cette mesure a été entérinée par un décret le 12 août 2003 portant définition et répression de contraventions en matière de circulation routière.

Tiga Cheick Sawadogo