Argumentaire de médecins pour rassurer des populations refusant la vaccination au Burkina
Campagne de vaccination (DR)

Argumentaire de médecins pour rassurer des populations refusant la vaccination au Burkina

Des populations développent des arguments pour refuser la vaccination. Selon un collège de scientifiques réuni pour un panel, il n’y a pas de raison d’avoir peur du vaccin. Les panélistes rassurent que les vaccins en circulation au Burkina Faso sont sans danger.

Au temps de la COVID-19, des rumeurs ont circulé sur le danger de se faire vacciner. Plus récemment, certains parents ont émis des réticences à faire vacciner leurs enfants contre la fièvre typhoïde. Cela a suscité des réactions, dont celle de l’Association des journalistes et communicateurs scientifiques du Burkina Faso (AJCS/ BF) en collaboration avec l’Académie nationale des sciences, des arts et des lettres (ANSAL-BF) qui a initié un panel le 18 mars 2025.

A cette occasion, l’hésitation vaccinale qui renvoie à la résistance à se faire vacciner a été mise sur la table des échanges. De nombreux arguments ont été avancés pour convaincre les vaccino-sceptiques.

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Selon le Pr Jaques Simporé, panéliste, un : « vaccin est une substance qui est capable de stimuler le système immunitaire d’une personne pour la protéger contre une maladie spécifique.  Et le vaccin est élaboré à partir d’une version inoffensive ou affaiblie d’un agent pathogène ». En d’autres termes, il fait comprendre qu’un vaccin peut être des virus affaiblis qui, introduits dans un organisme, provoquent une réaction de cet organisme qui se retrouve plus fort pour lutter contre la maladie.

Il est soutenu par Dr Madibèlè Kam pour qui les vaccins sont des armes puissantes pour lutter et prévenir les maladies infectieuses afin de protéger les populations et pour réduire la propagation des épidémies. Mais il prévient qu’il n’y a pas de risque zéro, surtout en biotechnologie.   « Vous voyez même l’eau là. Si vous ne buvez pas vous allez être déshydraté.  Si vous buvez beaucoup en vous noyant, par exemple, vous mourez. C’est une arme », image le panéliste. Il explique de ce fait que « il n’y a rien qui soit inoffensif à 100% ». Il s’empresse de préciser qu’il faut toutefois mettre cela en équation.  Cela pour dire qu’il faut choisir entre l’effet nocif du vaccin et celui de la maladie. 

Les hésitations vaccinales sont récentes

« Qu’est-ce qui est plus élevé ? Qu’est-ce qui est plus nocif pour l’homme ? Et là, il faut choisir là où ça peut être favorable », développe le médecin.  L’un des panélistes, Pr Jean Kaboré, médecin pédiatre, appuie que dans la vaccination, il y a moins de 0,1% d’effets secondaires.  Et la plupart du temps, ce sont des douleurs au point d’injection, des inflammations, de petites fièvres qui sont facilement gérables.

Ces médecins sont unanimes qu’en certaines circonstances l’Etat peut rendre obligatoire la vaccination (Ph. Studio Yafa)

Pr Blami Dao signale qu’au Burkina Faso, les hésitations vaccinales sont récentes, poussées par le vent des réseaux sociaux. Pour lui, dans l’ancien temps, les gens ont été témoins de maladies graves qui ont fait beaucoup de décès. Le souvenir de ces morts a facilité l’acceptation des vaccins.

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Mais de façon globale, tous les panélistes rassurent les populations que tous les médicaments et les vaccins sont validés par l’OMS avant qu’ils ne soient mis en circulation. Ils ajoutent qu’au Burkina, il y a un suivi des sujets vaccinés.  Et les manifestations post-immunisation (MAPI) qui sont les éventuelles réactions aux vaccins, sont suivies, évaluées et prises en charge.

Les panélistes ont dressé un répertoire des causes des hésitations vaccinales. Ils énumèrent la méfiance de certaines catégories de populations vis-à-vis des gouvernants, des fabricants et de tout ce qui vient de l’extérieur. Ils parlent aussi de la peur entretenue par des exemples qui peuvent être réels. Ils relèvent que ce qui est mal « c’est de partir de cas réels grossis de sorte à créer une panique réelle au sein de la population ».

Déconstruire les mauvaises croyances et les mauvaises informations

Les médecins ont également fait noter que l‘information insuffisante ou contradictoire peut aussi être à l’origine des résistances à la vaccination. Au même titre, ils classent certaines croyances religieuses qui empêchent ou qui contredisent ou même qui proscrivent carrément certains actes, dont la vaccination. Pour une catégorie de la population, la confiance en sa propre immunité pousse à refuser les vaccins. Ces personnes pensent qu’elles sont faites pour résister à toute sorte de maladie, considérant ainsi la vaccination comme inutile.  

Comme solutions, les panélistes préconisent de déconstruire ces mauvaises croyances, les mauvaises informations…Par ailleurs, ils reconnaissent que, d’un point de vue éthique, l’on ne peut pas obliger quelqu’un à se faire vacciner. Même s’ils font remarquer qu’il y a des nuances. « Imaginez-vous que l’Ebola éclate ici. Et tout le monde a peur. Même la COVID, qui n’était pas si grave que l’Ebola. Tout le monde avait peur. S’il y a beaucoup de morts, et on trouve un vaccin sûr, avec une innocuité parfaite, avec une efficacité presque à 100%, pendant que les gens meurent et la pandémie augmente. Est-ce que quelqu’un peut dire, ah, je ne veux pas ? », se demande Pr Jacques Simporé.

Les panélistes concluent que l’on ne peut obliger un citoyen à se faire vacciner. Par contre, dans des moments cruciaux, l’État peut dire, « pour la santé publique, il faut que tu te vaccines ». Pr Jacques Simporé insiste sur le cas des enfants. « Les enfants viennent au monde avec une immunité innée. C’est la capacité de défense de base qu’ils ont. C’est une sorte d’héritage maternel. Mais cela ne dure pas dans le temps », explique-t-il, comme pour relever l’importance de les vacciner en vue d’ « activer une seconde ligne de défense de l’enfant qu’on appelle immunité adaptative ».

Boureima Dembélé