Dans la cour de la famille Bamouni à Ouahigouya, une agitation précède l’heure de la rupture du jeûne. Depuis le début du carême et du jeûne 2025 qui se tiennent à la même période, musulmans et catholiques de cette famille se retrouvent chaque soir autour du même repas, dans une tradition d’unité qui perdure depuis des décennies.
Le soleil décline lentement à l’horizon. Quelques minutes avant la rupture, Diane Franceline Bamouni s’affaire à organiser l’espace. Catholique mariée à un musulman, elle veille au bon déroulement du moment. Les chaises manquent, il faut s’organiser en urgence. « Apportez vite les chaises. C’est comme si les chaises manquent », lance-t-elle avec empressement.
Tout en ordre, les membres de la famille prennent place. Ce soir, des invités sont là pour partager ce moment. A l’instant où retentit l’appel du muezzin, chacun se précipite sur sa boisson pour se désaltérer. Diane Franceline ne fait pas exception. « Mon eau, je veux boire », dit-elle en saisissant son verre. Puis, dans une ambiance détendue, elle taquine son mari qui apparemment, n’a pas jeûné. « Mon faux mari Jérôme, on dirait qu’il a fait carême, sa bouche est sèche comme ça », lance-t-elle.
« On rompt ensemble »,
Sur la table, le repas est varié : galettes, dattes, bissap, zoom-koom [jus d’hibiscus et d’eau fariné] et jus de gingembre. Pierre Bamouni savoure ce moment de convivialité. « C’était intéressant. Nous avons pu rompre avec le tonton. C’est une chose qui est vraiment intéressante en famille. J’ai pris quelques galettes. Et j’ai pris un peu de gnamakoudji. [Jus de gingembre] Tout était intéressant, surtout que c’est en famille », se réjouit Pierre Bamouni. La différence de confession n’empêche pas ce couple de vivre sa foi et de s’aimer.

Parmi les invités, Pierre Bayili, catholique habitué à rompre chaque vendredi avec des musulmans. C’est lui-même qui a rappelé l’heure de la rupture à ses hôtes. « Moi je suis catholique. Tous les vendredis, je jeûne et je romps en même temps que les musulmans. On rompt ensemble », rappelle-t-il. Des étudiants musulmans logeant dans cette cour commune participent souvent à ces ruptures collectives.
Symbole de cohésion sociale
Pour le chef de la famille Bamouni, partager un repas préparé par une personne d’une autre confession est un témoignage de tolérance et d’unité. Il regrette des prêches religieux qui défendent à certaines de leur confession religieuse de participer aux fêtes d’autres personnes de confessions différentes. « Tout le monde doit vivre en harmonie. Le soleil brille pour tout le monde. Il pleut, il pleut pour tout le monde. Dieu ne fait pas la différence », affirme-t-il.
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Dans cette famille islamo-chrétienne, la rupture du jeûne partagée est une tradition ancrée depuis 1985. A Ouahigouya, où une grande partie de la population est musulmane, de nombreux couples vivent cette mixité religieuse au quotidien.
Patrice Kambou
Correspondant à Ouahigouya