Des voitures « sorties » des trous d’orpaillage inquiètent des ainés à Andemtenga
Vue d'un trou d'orpaillage à Poura (Ph. d'archives Studio Yafa)

Des voitures « sorties » des trous d’orpaillage inquiètent des ainés à Andemtenga

A Andemtenga, région du centre-est, des aînés s’inquiètent, non pas de l’orpaillage des jeunes , mais de l’utilisation que ceux-ci font des gains issus de l’exploitation des sites aurifères. Pour cause, le premier, sinon le principal objectif des jeunes orpailleurs, c’est d’acheter une voiture.

La règle d’or pour des jeunes à Andemtenga, quand ils roulent sur l’or, c’est de s’acheter une voiture. La ruée vers l’or a ainsi son objectif, une priorité. Creuser, poursuivre l’or jusqu’à son dernier retranchement et utiliser les gains pour acquérir, en premier lieu, un véhicule quatre roues. C’est ainsi dans le milieu des jeunes orpailleurs de Andemtenga, une commune rurale située dans la province du Kourittenga.

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Rachidou Kaboré, la vingtaine, ne fait pas l’exception. Il avait à cœur d’acquérir une voiture. Mais en son temps, il aidait son frère dans son commerce. Il a estimé que les revenus issus de cette activité ne lui permettront pas d’atteindre ses objectifs. 2011. Il saute les deux pieds joints dans un trou d’orpaillage.

« Par exemple, si ton grand frère est un commerçant et que tu veux aussi travailler avec lui, c’est bien, mais si tu veux économiser pour acheter une moto de qualité, tu ne vas pas pouvoir tenir. Si tu t’en vas dans des sites miniers, une fois sur place, avec la bénédiction divine, en trois mois ou deux mois seulement, tu pourras avoir de l’argent », avance-t-il, l’air convaincu de son projet. Et c’est ce qui s’est passé.

Une voiture pour convoyer les malades à l’hôpital

Après quelques années dans les trous d’or, Rachidou atteint son objectif. Il a amassé assez d’argent pour se procurer une voiture. « L’achat d’un véhicule n’est pas crucial, mais il est considéré comme un objectif premier. Par exemple, si tu résides dans le village de Kombioler, Monkindogin, Goughin ou à Koulkiaga et que tu dois amener ta femme à la maternité avec une moto, il est vraiment difficile. Dieu seul sait combien de fois nos véhicules ont servi à évacuer des femmes enceintes et des personnes gravement malades au CMA de Koupéla et de Pouytenga », se défend-t-il.

Mais tel que cela parait, il est souvent difficile de dire si ce sont des achats pour des raisons d’utilité ou pour la frime ? Comme Rachidou, plusieurs jeunes orpailleurs dans la commune de Andemtenga, ont comme premier projet de vie l’achat d’une voiture avec les gains issus de l’extraction de l’or. C’est le cas également de Adama Kaboré qui a passé environ trois ans sur un site d’orpaillage.  

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Pour lui, « ce n’était pas une obligation pour moi d’acheter un véhicule. Mais j’ai tenu compte aussi du niveau de la génération actuelle. C’est la raison pour laquelle j’ai acheté le véhicule, tout en demandant à Dieu de m’assister dans mon travail ». Après ces mots, le jeune orpailleur s’engouffre dans son véhicule de couleur blanche et démarre en trombe. Une attitude qui met à nu son envie de frimer.

Le sujet inquiète les aînés

La question se pose avec tellement d’acuité que des aînés s’en inquiètent. L’agronome à la retraite, Roger Bangba parle même d’un gaspillage de ressources. « J’attire l’attention des jeunes de Andemtenga qu’il y a eu des gens dans cette même commune qui ont gagné beaucoup d’argent mais ça s’est mal terminé. Les orpailleurs, qu’ils prennent l’argent de l’or pour le mettre dans quelque chose de productif pour la vie d’aujourd’hui et celle de demain. Le jour où il n’y aura pas d’or, ils auront quelque chose sur quoi vivre », conseille vivement l’agronome à la retraite.

L’inquiétude a aussi saisi la société civile de la localité. Elle a initié des sessions de sensibilisation, espérant un changement de comportement des jeunes.

Boureima Dembélé