La ville de Ouahigouya est-elle en course pour décrocher le trophée de la ville la plus salle ? Certaines populations jettent leurs ordures loin des bacs quand il y en a. Dans les secteurs 8 et 9 de la ville, la bouse de vaches côtoie les entrées des domiciles. Les mauvais comportements rendent le cadre de vie insalubre. Particulièrement en cette période, c’est le calvaire après la pluie.
Assise devant l’entrée principale de la concession, la vieille Fati Bagaya fait face à un tas de déchets de toute sorte. À côté de ces immondices, deux moutons sont attachés. Ils viennent de manger du foin. Les restes baignent dans leurs urines et autres déchets. La pluie de ce mardi matin a créé un mélange vilain à la vue et nauséabond.
Dans le six mètres passant devant la porte de la vieille Bagaya, le spectacle est désolant. Les sachets et autres déchets plastiques baignent dans une boue indescriptible. Du côté opposé de la maison, une femme gère un « restaurant par terre ». Ce midi, elle a sur la table un gros plat de riz blanc enveloppé dans un sachet plastique.
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Pour accompagner ce riz, de la sauce à la pâte d’arachide. Le parfum du repas est engloutie par les odeurs des tas d’ordures d’en face. Malgré cet environnement, des jeunes visiblement habitués, dégustent leurs plats. Entre deux bouchées, Awa Gamsoré se confie. « Ça me dérange vraiment. Mais il faut ignorer ; autrement, tu ne vas pas manger. Même quand tu es dans la cour, c’est la même chose. Mais ce qui est dans le six mètres, ce n’est pas venu du ciel. Mais quand les gens vident leurs fosses septiques et les déversent sur la voie publique », regrette-t-elle.
Dans l’indifférence
Au-delà des odeurs, circuler dans ces quartiers après la pluie, relève parfois d’un parcours de combattant. Le risque de se retrouver dans un tas d’ordure boueuse est permanent. Mais les habitants du quartier qui semblent être habitués à ce spectacle circulent.
Les petits commerçants mènent leurs activités.
Enjamber des flaques de boue ou d’eau sale, déposer des morceaux de briques pour ne pas marcher dans des déchets trimbalés par les eaux de ruissellement, sont autant des réflexes des habitants des secteurs 5, 6, 8 et 9 communément identifiés comme les quartiers des autochtones. « Tu vois celui qui part là-bas, tu vas croire que c’est du sport qu’il fait. Mais ici après la pluie, c’est comme cela. Il faut avoir les jambes solides pour circuler. Mais pour moi, c’est vraiment difficile. Tu vois que je pousse une charrette. Il y a des endroits où je ne pas passer », lâche Awa Ouédraogo qui vit dans le secteur 9 depuis bientôt 10 ans.
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Le spectacle dans l’unique canal qui traverse le secteur 9 est digne d’un désastre écologique. Tout y baigne. Mais toutes les immondices n’ont pas été drainées par les eaux de ruissellement. « Ici on laisse les enfants déféquer à l’air libre. Et ce n’est pas ça seulement. Ceux qui sont au centre-ville, ils se permettent de venir jeter leurs animaux morts ici. Il y a même des gens qui vident leurs poubelles ailleurs pour venir déverser ici comme si ce canal est un dépotoir » se plaint Fatimata Yaméogo qui est venue rendre visite à sa maman.
« Tout le monde attend la mairie »
Selon les services de la municipalité, la ville de Ouahigouya produit annuellement une quantité énorme de déchets : 23400 tonnes de déchets en 2021 soit 64 tonnes de déchets chaque jour. Dans les secteurs dits des autochtones, il n’y a aucune poubelle devant les concessions pour recevoir les déchets produits. Mais il y a des bacs à ordures dans les secteurs 6 et 1.
Aux alentours de ces bacs à ordures, les ordures jonchent le sol parfois à trois mètres de distance. Tasseré Ouédraogo est animateur de projet chargé de la gestion des déchets à la coopération Chambery-Ouahigouya.
Ledit projet qui est à sa phase pilote dans les secteurs 1 et 7 rencontre des difficultés, mais il garde espoir que les mentalités changent : « Après les douze premiers mois, je peux dire que la mayonnaise prend lentement. C’est vrai qu’on ne peut pas avoir des résultats du jour au lendemain mais le vrai problème, c’est que tout le monde attend la mairie », regrette-t-il. En cette saison pluvieuse, tous ces tas d’ordures qui jonchent le quartier sont des nids de moustiques, à l’origine du paludisme.
Patrice Kambou (collaborateur)